UN MAUDIT FRANCAIS AU QUEBEC
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MONTREAL
LE PARC OLYMPIQUE :
Je me réveille en même temps que MEG, ainsi que je lai décidé pour cette dernière semaine. Javais même demandé à MEG de me réveiller au cas où jaurais dormi encore à son départ. MEG part travailler, un travail qui, par ailleurs, me privera delle durant presque toute la semaine. En effet, elle ne rentrera que vers vingt-deux heures tous les soirs, sauf le vendredi, et sera même amenée à travailler le samedi matin, à sa grande déception, et à la mienne également.
Je me lève donc, prêt à me retrouver complètement seul, plongé au cur de la deuxième plus grande métropole francophone du monde, après Paris, avec plus de trois millions cinq cent mille habitants. Heureusement, Montréal est une ville facile à vivre, où tout est offert aux touristes pour quils y circulent aisément et tranquillement. Le métro ny est vraiment pas cher, à peu près cinquante francs par semaine, pour des trajets illimités en bus et métro. Je feuillette mon guide et jorganise plus ou moins mon itinéraire pour les trois jours à venir. Puis, je me jette dans la vile comme on plonge dans la mer, je my immerge complètement cherchant à percer le maximum de ses secrets.
Je marche jusquà la station de métro la plus proche. Jy achète ma carte hebdomadaire et jemprunte le tronçon de ligne qui va bientôt me devenir si familier : Fabre - Jean Talon Laurier Beaubien Rosemont Mont Royal Sherbrooke Berry UQAM. De cette dernière station, je me dirige vers le parc olympique, théâtre des JO de 1976, point de passage obligé, qui va occuper grandement ma journée. Je débouche au pied du stade olympique, je me rends au Biodôme et jachète un Pass qui me donne accès à toutes les attractions.
Ma première visite est, bien évidemment, pour le Biodôme. Le Biodôme est une espèce dimmense réserve naturelle qui occupe lemplacement de lancien vélodrome olympique. Sous la bulle de verre, sont reconstitués divers écosystèmes, présentant un panorama succinct des climats de la planète. On retrouve ici la forêt tropicale, les banquises arctiques et antarctiques, ainsi que, bien sûr, la forêt laurentienne du Québec et la vie du Saint-Laurent. Les climats sont parfaitement reconstitués, passé les portes du sas, on change brutalement de monde. La forêt tropicale, et sa moiteur, me replonge brusquement douze ans en arrière, lors de mon séjour aux Antilles. Les animaux sont en semi-liberté et des oiseaux passent ainsi au-dessus de moi. Ce sont des perroquets rares, les plus grands du monde, des aras hyacinthes dAmérique du Sud. Plus loin, après avoir cheminé entre les arbres et les aquariums de poissons tropicaux, je découvre un caïman dissimulé à fleur deau. Il me faut de longues secondes, et un il bien aiguisé, pour le repérer. Il reste immobile, guettant sa proie, et sa couleur sombre est un parfait camouflage. Jen oublie que je suis au Québec, lillusion est parfaite.
Je passe alors dans une autre salle, et je retrouve le Québec. Jarrive au cur de la forêt laurentienne : La reconstitution est fantastique ! Il y a même un barrage, construit par les castors, sur la petite rivière. La végétation est belle, cest normal nous sommes en automne. Les animaux semblent y évoluer en toute tranquillité. Deux lynx passent tout près, ils sont très beaux. Ce sont deux chats géants à la grâce toute féline. Plus loin, un porc-épic dort en boule, ses piquants pointés vers les agresseurs humains que nous sommes. Devant lui, des loutres batifolent gaiement. Seuls les castors manquent à lappel : Lun deux dort dans leur hutte, filmé par une caméra vidéo qui nous permet de lapercevoir. Létape suivante me conduit sur, puis sous, le Saint-Laurent. Des bans entiers de poissons, morues, bars, et autres, nagent devant moi. Un plongeur les rejoint pour nettoyer laquarium géant. Je vois aussi les pattes des canards qui se promènent à la surface. Je vais leur rendre visite en débouchant sur la rive artificielle qui sent la marée, qui sent l'iode et la vie marine. Et, en effet, dans leau peu profonde et claire, je distingue, entre autres, des oursins et des anémones de mer. Des dizaines doiseaux nichent sur les rochers et volent un peu partout. Lodeur est agréable, lair est doux, je mattarde quelque peu pour respirer cet air que jaime tant.
Le dernier des écosystèmes est celui concernant les deux pôles. Dun côté le pôle Nord et les pingouins, de lautre le Sud et les manchots. Je mamuse toujours à les voir se déplacer avec leurs allures gauches. Mais, quelles merveilles dhydrodynamiques lorsquils se retrouvent en plongée. Heureusement que des vitres nous séparent de ces drôles doiseaux, il doit faire sacrément froid de lautre côté. Je ne suis pas frileux, mais il y a des limites
Je quitte à regret ce paradis écologique, jai encore tellement de choses à voir et à faire dans ma journée. Je ne sais pas par quoi commencer, jhésite, puis je me décide à faire tout dabord le tour, à pied, du stade olympique. Je trouve son architecture particulièrement réussie, même si, par endroits, le temps a laissé son empreinte. Je sais que je vais bientôt avoir une vue générale du stade lorsque je vais monter tout en haut de la tour du stade, la plus haute tour inclinée du monde. Je finis le tour du stade et arrive au téléphérique qui doit mamener au sommet. Je membarque dans la cabine et lascension commence. Au fur et à mesure, Montréal se dévoile. La ville est un peu plus petite que je ne croyais. Partout où je peux regarder, une montagne barre lhorizon, la nature est toujours très proche. Montréal est une fort belle ville, la tour vitrée au sommet de laquelle je viens de parvenir moffre une vision impressionnante de la cité de Jacques Cartier. Face à moi sétend le centre ville, hérissé de gratte-ciel, un centre ville assez compact qui sadosse au Mont-Royal, lun des innombrables oasis de verdure de la capitale économique du Québec. A droite du Mont-Royal se dresse loratoire Saint-Joseph et sa grande basilique. Les églises sont légion au Québec, et à Montréal tout autant. Où que lon regarde, on voit un clocher, symbole de lattachement des québécois à la religion. Et, même si ce sentiment sestompe de nos jours, cest véritablement lun des éléments majeurs de la cohésion du peuple québécois. Sur la gauche, le Saint-Laurent sécoule. Ce Saint-Laurent qui entoure Montréal, car Montréal est une île, et oui ! Au centre ville, je distingue la tour IBM, lune des plus grandes. Cest celle où travail MEG, je crois. Je lui envoie un petit bonjour, mais, je ne pense pas quelle me voit
Je dois redescendre : Lheure tourne et je commence à avoir une petite faim. Il est déjà douze heures trente, je suis parti depuis plus de deux heures. Ce nest que le début des quatre journées marathons que je vais enchaîner. Je ne sais pas où manger, mais, après tout, je peux bien me restaurer au jardin botanique tout proche. Je my rends donc, en traversant le verdoyant parc qui passe sous la route. Je parviens vite au jardin botanique, du côté de linsectarium. Je déconseille à ceux qui ont peur des araignées, et des autres petites bestioles, de mettre les pieds là-dedans. Partout ce ne sont quinsectes de toutes races et de toutes tailles : De quelques millimètres à une quarantaine de centimètres. On y trouve aussi nombre dactivités et danimations destinées à mieux faire connaître le monde des insectes. Cest très intéressant mais, peut-être, un peu lourd à digérer. Je trouve quil y a beaucoup dinformations dans un petit espace. Jy apprends beaucoup de choses mais je ressors de là lesprit un peu saturé. Jai besoin de calme et de nourriture aussi. Le restaurant est à lautre bout du jardin. Je me mets donc à me promener au gré des allées, en évitant soigneusement la foule des touristes. Et je découvre un monde merveilleux ! Je suis en plein milieu de la ville et, pourtant, je suis dans un véritable havre de paix. Charles Trenet a du sen inspirer pour écrire le « jardin extraordinaire ». Les couleurs sont splendides, le seul bruit audible est celui du vent qui fait délicatement bruire les feuillages fournis de la centaine darbres et darbustes autour de moi. Que dis-je la centaine les centaines plutôt. Je suis seul et jai du mal à savoir encore où je suis. La seule chose dont je suis sûr, cest que je suis bien. Dans un petit square, une jeune fille est installée. Elle est avec sa planche à dessin. Elle sapplique à restituer latmosphère particulière de lendroit, sur sa feuille. Je passe doucement pour ne pas la déranger, pour ne pas troubler lharmonie du décor. Je crois quelle ne ma même pas vu. Jarrive, tout à coup, au cur de la roseraie. Des milliers de roses multicolores soffrent à moi. Quelle odeur inoubliable, quelles odeurs sublimes ! Dans un moment comme celui là, me viens la vocation dêtre jardinier. Cest autre chose que de respirer les effluves des raffineries et des pots déchappement. Une vague de plaisir memporte sur les rives du bonheur. Je me fais discret, me sentant comme un intrus dans ce monde idéal. Quelques pas plus loin, je me retrouve dans la civilisation. Le restaurant est là, entouré dun océan de verdure. Mon estomac se réjouit et me pousse sans ménagement à lintérieur. Il est quatorze heures, et cela fait quatre heures que je marche : Je me sens un petit peu fatigué. Surtout que je nai pas encore totalement récupéré de mon périple trans-québécois. Je mange donc et je repars à travers le jardin. A chacun de mes pas apparaît un écureuil qui me regarde passer avec indifférence. Autour des mares, les canards et les oiseaux sont les maîtres des lieux. Si je nentendais pas au loin le bruit des voitures, je me croirais perdu dans la campagne. Si jhabitais Montréal, je sais que je viendrai souvent ici pour me ressourcer. Laprès-midi sécoule et mes jambes sont de plus en plus lourdes. La station de métro est encore loin. Je quitte donc ce royaume végétal pour me replonger au milieu des automobiles et des citadins.
Puis, je regagne lappartement épuisé par mon aventure. Je regarde ma montre et je constate que jai marché pas loin de six heures : Jai bien mérité ma pause nocturne. Demain je repartirai de plus belle, plusieurs visites de musées sont au programme, surtout que la météo a annoncé la seule journée pluvieuse de la semaine, notamment pour le matin. Je ne déteste pas la pluie, mais, je pense tout de même que cest une raison de plus pour que je me mette à labri. Montréal étant dotée de deux musées relatant son histoire et sa fondation, cest loccasion dy aller faire un petit tour.
Pour un passionné dhistoire comme moi, voilà lopportunité de compléter mes connaissances sur lorigine du Québec en général, et de Montréal en particulier. Rendez-vous au Vieux Montréal, et à la Pointe-à-Callière plus précisément. Les deux musées qui mintéressent tout particulièrement y sont situés, place dYouville.
LES MUSEES, LILE SAINTE-HELENE :
Le lendemain arrive, nous sommes le mardi 22 septembre et, souviens-toi MEG, il pleuvait sans cesse sur Montréal ce jour là. Enfin non, pas sans cesse, seule la matinée est vraiment humide, notamment, et ce nest pas plus mal, lorsque je réussis à mabriter dans les musées. Mais, reprenons au début de la journée. Je reprends le métro à la station Fabre, bien évidemment, et je descends à Place dArmes, empruntant cette autre portion de ligne que jallais emprunter de nombreuses autres fois, partant de Berry UQAM et passant ensuite par les stations Champs de Mars - Place dArmes Square Victoria et Bonaventure. A ma gauche, le quartier chinois, à ma droite le surprenant Vieux Montréal ainsi que le Vieux Port. Je pars en direction de ce port que MEG ma présenté comme incontournable. Je parcours quelques centaines de mètres à peine et jarrive devant la Basilique Notre-Dame. Elle est en pleine cure de rajeunissement et disparaît sous les échafaudages. Avec elle commence le Vieux Montréal avec son allure de vieille ville française. Je descends la rue, droit devant moi, en passant entre les édifices dune hauteur moyenne. Les devantures sont majoritairement celles de magasins pour touristes ou de restaurants. Le ciel est bas, mais la pluie semble encore maccorder un sursis. Je décide donc den profiter pour effectuer une promenade sur le port. Je parviens vite sur la partie que jestime, personnellement, la moins belle du Vieux Port : Celle qui abrite le cinéma IMAX ainsi quun vieux hangar en cours de démolition, ou de rénovation, je ne sais pas trop. Je pars sur ma gauche vers le Marché Bonsecours. Je débouche alors sur une grande esplanade aménagée le long de laquelle sont sagement alignés des pédalos. Voilà une zone de loisir bien calme et jolie. Je longe le lac artificiel ainsi crée et je mavance au bord du fleuve. Cest vraiment incroyable limpression de paix que je peux avoir ici ! Les gratte-ciel, tout proche pourtant, me paraissent si loin. Un peu comme un décor de cinéma que lon aurait peint sur une toile géante. Montréal est en train de sinstaller dans mon cur, et jen tombe lentement amoureux sans men rendre compte vraiment. Je repars, le pas tranquille et le cur apaisé. Je quitte le port pour men aller vers lhôtel de ville, le splendide hôtel de ville de montréal régnant sur la place Jacques Cartier. Seule la foule descendant des autobus de touristes trouble ma béatitude. La ville est belle et ses splendeurs sont soigneusement entretenues. La preuve en est faite par le château Ramezay datant du milieu du XVIIème siècle et encore en parfait état. Il abrite dailleurs un musée historique. Mais, voilà que les premières gouttes font leur apparition. La pluie, peu à peu, sintensifie, au fur et à mesure que les rues se vident. Je me dépêche pour atteindre la place dYouville encore assez loin.
Je commence à être bien mouillé lorsque je pénètre enfin dans le musée dhistoire de Montréal. Cest en fait lancienne caserne de pompiers de la place dYouville qui a été transformée en musée. La visite memmène dans un grand retour en arrière, au temps des pionniers fondateurs de Montréal jusquau Québec daujourdhui. La place dYouville, et notamment le musée darchéologie que je compte visiter ensuite, est lendroit exact de la fondation de Montréal, érigée sur lemplacement de lancien village indien dHochelaga, au pied du Mont Royal. Plus quun musée dhistoire, cest un musée retraçant les modes de vie des habitants de Montréal. La visite est instructive sinon toujours passionnante. Partout, on trouve quelque chose à lire, à voir, à regarder, à écouter. De vieilles photos me feraient presque regretter de ne pas avoir connu le Montréal du début du siècle. Trois cent cinquante ans dhistoire seulement, mais déjà une identité forte. Montréal, la perle de lAmérique. Montréal la généreuse pour ceux qui cherche à laimer. Je retrouve ici latmosphère de Montréal que jaime. Je découvre Montréal sous la neige. Japprends Montréal depuis 1642 jusquà maintenant. Je finis ma visite par un jeu à propos de montréal. Jai encore beaucoup à apprendre apparemment, mes réponses sont bien souvent approximatives : Mais, bon, pour un étranger nayant passé, en tout et pour tout, que trois jours à Montréal, ce nest pas si mal. Mais, je parle, je parle, et la visite est déjà terminée. Il me faut partir pour lautre bout de la place, pour le musée darchéologie. Au passage, je repère un petit restaurant où je me promets daller manger avant de repartir en France Nous en reparlerons plus tard.
La place dYouville est ornée dun grand monument où sont apposées plusieurs plaques. Sur ces plaques sont inscrit les noms des pionniers et des fondateurs de la ville. Un peu plus loin, une autre plaque, sur le mur même du musée darchéologie, indique le lieu précis de la création de Montréal, appelée, à lépoque Ville-Marie.
Je rentre alors dans le musée. Lattraction principale, à mon avis, de ce musée, est lanimation multimédia (cest un mot à la mode), qui raconte lévolution de la ville. Elle se déroule au milieu des vestiges, des pierres originelles des fondations des premières maisons de la Pointe à Callière. Lanimation est prenante, réellement très bien faite. Après cela, je pars me promener dans des espèces de catacombes : Les fouilles archéologiques ont ici révélé toutes les constructions successives qui se sont élevées en ces lieux. Je me mets à penser à ces hommes courageux qui ont vaincu, souvent au sacrifice de leur vie, les pièges de cette terre sauvage, et qui, à force de volonté, ont construit une ville. Il y a quand même eu vingt morts sur vingt-huit lors du premier hiver ! Cest grâce à eux que je peux être heureux en visitant Montréal aujourdhui, et je leur en suis reconnaissant. Dans ce sous-sol, passe une rivière, recouverte par la route depuis. De nombreux vestiges se dévoilent, village indien, entrepôt, poste de douane Je ressors de là avec une nouvelle vison de Montréal. La pluie sest arrêtée, et japerçois un peu de lumière transperçant à grand peine les nuages. Je décide donc de gagner lîle Sainte-Héléne où est installée la Biosphère, le musée de leau et des océans. Je men vais donc reprendre le métro que je commence à bien connaître.
Je ne vais pas mentir : je nai pas été particulièrement enthousiasmé par la visite de la Biosphère. Peut-être ai-je dû assimiler trop dinformations depuis ce matin. Peut-être suis-je fatigué. Toujours est-il que je naccroche pas totalement au concept. Cependant, je dois reconnaître que certaines des expositions ou des animations me plaisent plutôt bien. Deux dentre elles notamment. Au tout début, une salle est consacrée aux jeux de leau. Là sont rassemblés de nombreux instruments permettant de créer de la musique avec de leau, par simple contact de la main. De quoi samuser un bon moment. Tout près de là se trouvent des « sculptures », des uvres dart utilisant leau, bien entendu, comme base fondamentale. Un peu plus loin encore, des décors recréent latmosphère paradisiaque des tropiques avec, le soleil, le sable, les palmiers et, évidemment, la mer. Je passe ainsi plusieurs minutes de détente plus que dinstruction. Des minutes vraiment pas désagréables. Puis, je pars vers une animation extrêmement intéressante. Elle concerne létat de santé du Saint-Laurent. Le fleuve a subi bien des outrages mais, maintenant, les efforts pour le sauver sont importants et, les premiers résultats sont encourageants. Je discute ensuite avec lanimatrice, spécialiste des problèmes de leau. Elle mexplique que ces efforts entrepris doivent perdurer et sintensifier pour que la bataille soit un jour gagnée. Quil faut que lon limite lactivité humaine et son impact sur ce majestueux fleuve, qui donne la vie à tout un pays. Mais, on peut avoir un réel espoir de réussir à préserver le Saint-Laurent et ses habitants. La discussion dure un bon bout de temps et est vraiment très intéressante. Je prends enfin congé de mon interlocutrice et je sors de la sphère pour me balader sur lîle Sainte-Héléne.
Voilà une belle île, un superbe coin de Terre où il fait bon errer, quand, au cur de la semaine, personne ne dérange le calme de ces bois. Depuis le matin, en me promenant sur les quais du Vieux Port, jai remarqué une tour perdue au milieu des arbres, qui semble garder le chenal entre lîle et Montréal. Je me mets donc à marcher dun pas décidé en direction de cette tour, à quelques centaines de mètres. Comme la veille, au jardin botanique, je découvre un paradis en pleine ville. La nature paisible mentoure et javance sur le chemin accompagné des éternels écureuils. Je suis enchanté aussi par lodeur quexhalent la terre et lherbe encore humide. Jai toujours aimé cette odeur, lorsque la pluie vient arroser le sol. Cette senteur éveille en moi limpression dêtre à la campagne, je ne sais pas pourquoi ni doù cela me vient ! Cest ainsi. Les averses de la matinée ravissent mon odorat. Je nentends plus que les bruits de la nature. Je ne vois que la nature, je ne sens que la nature. Je me prends à rêver dêtre un de ces écureuils qui courent non loin de mes pas. Je me prends à rêver dêtre un de ces pionniers, un de ces colons, un de ces vikings, un de ces amérindiens, qui ont connu ce pays encore vierge, encore intact. Je me sens bien et détendu : Impossible de croire quà deux cents mètres à peine se trouve la station de métro. Jai limpression que je pourrai me perdre dans une forêt vierge, sans que personne puisse jamais me retrouver. Oh ! Bien évidemment, çà et là de petits détails me rappellent la réalité : Là, japerçois un hôtel adossé à la colline, ici une voiture passe sur la route toute proche. Cette route qui mène au bout de lîle, où se trouve un grand parc dattraction : Le parc de la Ronde. Partout la nature vit, triomphale, rassurante pour les âmes des voyageurs fatigués. Jarrive à la tour. Malheureusement, celle-ci nest pas ouverte aux visiteurs, et, quand je vois quelques détails de lintérieur, je comprends pourquoi. Je ne suis pas ici pour me tuer dans de périlleuses ascensions. Je reprends la route vers la rive toute proche, histoire de jeter un petit coup dil sur la belle Montréal, qui sétend de lautre côté du fleuve. La vue est agréable et le Saint-Laurent coulant au milieu lui donne un cachet particulier. Je resterai des heures entières dans ce bout dîle merveilleuse, mais jai tant de choses à faire, tant de choses à voir. Il faut que je reparte vers dautres paradis, encore. Je reviens au centre de lîle en passant près dune immense statue. Il est tard, et je dois rentrer si je veux pouvoir reprendre demain mes expéditions urbaines. Je regarde lheure : le temps de rentrer et il sera presque dix-neuf heures. Neuf heures dexcursions aujourdhui, cest peut-être lexplication de mon mal de jambes naissant. Je prévois déjà un retour sur cette île pour en visiter la partie abritant le lac des cygnes et pour voir, aussi, lîle Notre-Dame toute proche où sétend le circuit Gilles Villeneuve, théâtre du grand prix de Montréal de Formule Un. Pour lheure, je redescends dans les entrailles de la Terre québécoise, pour prendre le métro qui doit me ramener au 1745 Cartier, où je pourrai, enfin, prendre un peu de repos.
Comment est-ce que je passe le temps le soir en attendant MEG ? La réponse est simple et quasi universelle dans le monde occidental : En regardant la télévision. Je découvre des émissions absolument délirantes. Même si mon manque de culture nord-américaine mempêche de tout comprendre. Des jeux animés par Norman Braithwaite ou des séries télévisées à lhumour disjoncté ! (Jen ai déjà parlé un peu plus tôt). Mais, surtout, je regarde beaucoup les journaux télévisés, du matin comme du soir, pour mieux me plonger dans la vie montréalaise. Je peux mieux me rendre compte des ressemblances, mais surtout des différences, entre nos deux cultures. Je peux mesurer le fossé qui existe entre nos deux peuples. Il y a du bon et du mauvais des deux côtés. Lidéal serait de prendre le meilleur de chacun pour créer une nation presque parfaite. Mais, il me faut encore me contenter de choisir entre France et Québec. Mon choix est rapide : Les québécois sont des gens tellement formidables malgré leurs défauts. En tous cas bien mieux que les français, enfoncés dans leur immobilisme naturel. Je vous aime, amis québécois !
Encore une fois retenue à son travail, MEG ne rentre que très tard. Je ne peux pas lui exprimer à quel point jaime sa ville et son pays. Mais, sa présence, une petite heure avec moi, me redonne du tonus. Sa gaieté permanente et son esprit optimiste ont vite fait de me faire oublier ma fatigue du jour. Franchement, je ne sais pas comment fait MEG pour avoir toujours le sourire : Cest peut-être la différence fondamentale entre le français râleur et le québécois fonceur. En tous cas, avec MEG, impossible de déprimer ou de se laisser aller ! Toujours est-il que cest sur ses conseils que jai effectué ma promenade du mercredi.
LE MONT ROYAL :
Mercredi matin : Il fait presque froid ! La pluie de la veille a laissé place à une fraîcheur humide flottant sur la ville. Heureusement, la météo a annoncé une remontée rapide des températures. Je peux donc partir sans modifier mon programme. Je vais à la station Fabre et je membarque : Direction Côte-des-Neiges. Une nouvelle portion de métro pour moi. Jarrive à proximité de luniversité de Montréal (la seconde francophone avec lUQAM). Tout près de moi se dresse loratoire Saint-Joseph. Cest une immense bâtisse abritant, entre autres, une chapelle et une basilique. Il est perché sur la colline et domine ainsi la ville. Cest vrai que larchitecture, tant intérieure quextérieure, est superbe. Je ne suis pourtant pas extrêmement attiré par lart religieux, et je ne pense pas quil est indispensable de traverser un océan pour visiter une église, si belle soit-elle. Mais, quand on est à Montréal, il me paraît idiot de rater lune des pièces maitresses de larchitecture locale. Lendroit vaut vraiment le coup dil, même si je trouve que, parfois, ces lieux mériteraient un peu plus de calme et de recueillement. Après en avoir fait le tour, je quitte loratoire en ne me doutant pas que je pars vers le plus grand moment démotion de mon séjour à Montréal, voire de mon séjour au Québec (en dehors de mes retrouvailles avec MEG).
Je remonte la rue en longeant le cimetière de la Côte-des-Neiges, un cimetière à laméricaine qui sétend à flanc de colline. Un vaste cimetière planté de milliers de croix, sagement alignées, et regroupées dans diverses parties : Française, polonaise, etc Je commence vite à regretter de ne pas avoir pris le bus, car la pente est raide, lorsque jarrive enfin, après trois quarts dheures de marche, au pied de la merveille des merveilles, un joyau dune pureté absolue : Le Mont Royal ! Le Mont Royal où a été aménagé un immense parc, conçu par le créateur de Central Park à New-York : Une sacrée référence. Je suis en bas du mont, au lac des castors, ou lac aux castors, cela dépend à qui lon se fie Il est bientôt midi et les montréalais commencent à arriver pour pique-niquer, ainsi que des touristes. Les oiseaux sont tellement habitués quil faut les chasser des assiettes où ils viennent se servir. Je ne compte plus les écureuils qui sapprochent pour voir sil ny aurait pas quelques miettes à récupérer. Lenvironnement du lac est très agréable et je regrette que lon ne soit pas en hiver. Je viens, en effet, de découvrir les cabanes de location de patins à glace. Jimagine la foule des montréalais profitant des beaux jours de lhiver pour venir samuser ici. Déjà je pense aux activités de mon futur voyage au Québec qui se fera, forcément, en hiver. Tout près, une remontée mécanique doit permettre aux skieurs de soffrir quelques descentes sur une pente à la déclivité toute relative. Pour quelquun qui connaît les pistes noires des Alpes, celle-ci nest en rien effrayante. MEG ma promis, un jour, de mapprendre à skier sur les pistes québécoises. Ici je pense pouvoir réussir à men sortir avec les honneurs. Jemprunte le chemin qui doit me mener au belvédère. Au fur et à mesure de mes pas, les pelouses laissent la place à la forêt. Une vraie forêt en centre ville, et pas un petit bois artificiel, non, une belle grande forêt ! Partout des sentiers pourraient me permettre de quitter le chemin goudronné pour menfoncer au milieu des arbres. Certains dentre eux sont fermés pour cause de reboisement. Je les évite donc. Je parviens vite sur la crête et je moffre une vue panoramique sur la route que je viens demprunter, pour venir de loratoire. Le temps de prendre une photo, et je poursuis mon cheminement. Cest alors que mapparaît la première des vues saisissantes que le Mont-Royal va mapporter, sans cesse, durant les prochaines minutes.
A gauche, la Côte-des-Neiges et, à ma droite, le centre ville. Les gratte-ciel si proche semblent me sauter au visage. Jai limpression que je pourrais les toucher en tendant la main. Je me rends mieux compte combien le centre ville, le véritable centre ville de Montréal, est compact, rassemblant dans un petit périmètre toutes les grandes tours de la ville. Je me rends aussi compte de lenclavement de Montréal au cur de la nature, partout si proche. Où que je regarde, mon regard est arrêté par des collines, où que je regarde, je vois des forêts, dimmenses espaces verts simmisçant jusquau cur de montréal. Puis, je vois le Saint-Laurent, imperturbable, qui sécoule inlassablement, entourant Montréal, et faisant delle, à mon avis, lune des plus belles îles urbaines du monde, faisant delle lune des plus belles villes du monde. Je suis subjugué, et il me faut de longues minutes pour me remettre du choc émotionnel qui vient de menvoyer au tapis : KO au premier coup dil.
Pour la première fois, je prends conscience que je viens, tout simplement, de tomber amoureux de Montréal. Mon cur sest échappé de ma poitrine et sest offert à cette cité fascinante, cette métropole sublime. Je me sens comme un adolescent qui découvre brusquement la beauté des femmes. Mais, trop de monde circule encore autour de moi. Je veux méchapper de la foule, rattraper par mon agoraphobie naturelle. Je veux fuir ces autres gens pour savourer égoïstement mon bonheur. Cest alors que javise un panneau en bois indiquant « le sentier de lescarpement. » Cest le sentier qui longe la falaise, un petit sentier de terre serpentant entre les arbres et où les rencontres se font rares, surtout en semaine.
Je mengage sur le chemin jusquà parvenir à la barrière métallique empêchant les imprudents de se retrouver plusieurs dizaines de mètres plus bas, en petits morceaux. Décidément, de chacun des jours que jai déjà passé au Québec, le Mont-Royal que je découvre aujourdhui est le point dorgue. Cest une merveille, et, sil ny avait pas le grondement sourd et continu montant de la ville, je pourrai croire que les tours sous mes yeux ne sont que des mirages, nés des délires de mon cerveau, subjugué par une cité à nulle autre pareille.
Je mavance sur un escalier, descendant vers linconnu. Surgissant soudain derrière les arbres à ma droite, apparaît le parc olympique et son imposante tour : Ça cest Montréal ! Son stade, ses gratte-ciel et ses arbres partout présents. Je remonte les quelques marches, que jai descendu pour admirer la vue, puis je repars en direction du belvédère du Mont-Royal où il paraît que la vue est encore plus belle. Jai hâte dy être. Toutes les centaines de mètres, un espace, plus ou moins aménagé, entre les arbres, me permet de prendre une bouffée dimages de la ville alanguie à mes pieds. La température est douce et ma promenade des plus excitante. Je suis envahie par une profonde impression de bien-être. Rarement je me suis senti aussi heureux de vivre, heureux dhabiter une planète finalement si belle.
Tout à coup, je découvre une vue que jestime immédiatement exceptionnelle. Elle mérite, à mon sens, dêtre immortalisée sur la pellicule de mon appareil photo. Elle nest pas belle au sens esthétique du terme, mais elle résume à elle seule Montréal. Au premier plan, les arbres aux couleurs de lautomne, ensuite, à la limite de la ville, un petit château, sorte dhôtel particulier à la française, dans un style du XVIIème ou XVIIIème siècle. Adossé à cette bâtisse, un terrain de football américain. Juste derrière cet ensemble hétéroclite, le centre ville de montréal, le centre daffaires hérissé de tours. Au milieu, le Saint-Laurent baignant les rives de la verte île Sainte-Hélène. Plus loin encore, la banlieue résidentielle et ses milliers de maisons sans clôture. Enfin, dans le fond, les montagnes, dont le mont Saint-Hilaire, tapissées dun vert presque uniforme.
Pour moi, voilà le symbole même du Québec, le symbole de cette province aux racines multiples et complexes, et aux paradoxes culturels. Un mélange de béton et darbres, un affrontement entre francophonie, anglophobie et anglophilie. Une culture distincte du voisin américain et fière de ses différences, mais qui a quand même fait quelques emprunts à cet encombrant voisin. Modelant le tout à son image pour ne faire plus quun bloc inébranlable. Une culture forte et combative. Montréal, la plus européenne, peut-être, des villes américaines et, à mes yeux, la plus américaines des villes européennes. De lEurope, elle a gardé lhumanité et les racines linguistiques et sentimentales. La devise du Québec nest-elle pas : « Je me souviens ? » Mais, je me souviens de quoi ? De tout peut-être. Montréal na pas oublié que la vieille Europe, la France plus précisément, la abandonné un jour, à cause de son éloignement. Alors la ville a mis cet éloignement à profit pour se forger, à force de volonté, une image bien à elle. Une image américaine dans son architecture et son urbanisme géométrique. Une image européenne dans son mode de vie festif, presque latin. Une image américaine dans son orgueil et aussi son accueil chaleureux. Une image européenne dans son enracinement culturel, pour résister au milieu du déferlement anglophone. Montréal survivra parce que Montréal veut survivre. Parce quelle a su prendre ce quil y a de meilleur dans les deux cultures qui sy côtoient.
Je me détache difficilement de ce spectacle et je reprends ma route vers le belvédère tout proche. Après une dernière grimpette, je parviens sur lesplanade où flottent fièrement, en haut de leurs mâts, les drapeaux du Québec et de Montréal, mais pas celui du Canada Au cas où je ne me serais pas encore aperçu que jétais au Québec, en voici la preuve formelle ! Je mapproche de la rambarde en traversant lesplanade où mangent de jeunes montréalaises, je pense, fort jolies ma foi. Mais, je mégare. Veuillez men excuser. Une plaque commémorative est apposée sur la rambarde et me rappelle que Jacques Cartier, accompagné dune partie de la tribu indienne du village dHochelaga, parvint ici le 2 octobre 1535 et que « devant la beauté du paysage, il lui donna le nom de Mont-Royal », qui donna plus tard son nom à Montréal. Je me répète peut-être, mais la vue que lon a dici est splendide, je comprends Cartier même si quatre cent cinquante ans se sont écoulés. La ville est belle. Son cur de béton bat tout près de moi, et il donne vie à la superbe Ville-Marie, devenue Montréal.
Le temps de me restaurer quelque peu, et je redescends les marches qui mènent au chemin qui conduit au centre ville. Moins de cinq minutes plus tard, je débouche sur la rue Peel, bordée des différents bâtiments de luniversité McGill. Je descends la rue, croisant au passage la rue Sherbrooke puis la célèbre rue Sainte-Catherine, en direction des gratte-ciel qui se dressent devant moi. Jarrive sur le Square Dorchester. En face de moi, la cathédrale Marie-Reine-du-Monde, réplique de Saint-Pierre de Rome, en proportions réduites. La tour du Mille de la Gauchetière sélève juste devant moi. Elle est, paraît-il, la plus haute de Montréal, mais cela reste à vérifier. A ma droite, le château Champlain et la tour Marriott. Encore plus à droite, la tour IBM et la tour de la banque La Laurentienne. Certaines de ces constructions me laissent plus ou moins indifférent. Dautres, en revanche, sont dune rare élégance, dune très grande valeur esthétique. Les reflets, qui jouent avec leurs façades vitrées, donnent parfois une impression de vertige. Je me tourne à gauche et javance vers lhôtel Reine Elisabeth. Cet hôtel est un peu un lieu de pèlerinage païen pour moi. En effet, cest là qua été enregistrée la chanson « Give Peace A Chance » de John Lennon, lors dun Bed-In en 1969. Dans la chambre 1742 pour être précis. Je minsère dans la foule, mélanges dhommes et de femmes daffaires pressés, et de touristes de tous les pays. Cela me change du calme bucolique du Mont-Royal. Cependant, je dois reconnaître que toute cette agitation ne me déplaît pas. Je me sens en sécurité dans ces rues. Un peu comme si Montréal avait décidé de veiller sur moi, comme si elle me considérait comme un de ses fils. Mon comportement est à mi-chemin entre celui dun banal touriste et celui dun découvreur. Je pense, sincèrement, que je nai pas la même approche de Montréal que tous ces touristes de passage. Je vois certainement des détails qui leurs échappent, car ils ne prennent pas le temps de les regarder. Car ils ne prennent tout simplement pas le temps de réfléchir, de simprégner de la beauté qui les entoure. Bien sûr, parfois je me conduis comme eux. Bien sûr, je vais, moi aussi, au Hard Rock Café et je me laisse attirer également par les magasins de souvenirs. Mais, tout ceci ne me fait pas oublier la réalité dune ville qui nest pas un musée. Une ville qui vit et bouge continuellement.
Je parcours la rue Sainte-Catherine jusquà la Place des Arts, exemple de larchitecture moderne avec ses qualités et ses défauts. A côté, une église apparaît, accolée à la place. Une vieille église perdue au beau milieu des immeubles. Derrière cette église, léglise Saint-James il me semble, une tour de verre sélance vers le ciel. Le reflet de ce vieux clocher de pierre se reflétant dans les vitres offre une image magnifique. Je repars dans lautre sens, en empruntant le trottoir den face. Je passe, presque sans men rendre compte, devant le Spectrum de Montréal. Je possède une cassette vidéo dun concert de Robert Charlebois qui a été enregistré justement au Spectrum. La salle est grande et laménagement intérieur, apparemment, très bien pensé. Pourtant, quand je passe devant lentrée, jai limpression de voir un vieux cinéma presque abandonné. Lentrée est banale et semble tomber en décrépitude. Rien nindique que lon pénètre par-là dans une des plus belles salles de spectacle de la ville. Je continue mon excursion en étant un peu surpris, pourtant on mavait prévenu, par le nombre de boutiques et de spectacles ayant trait au sexe : La rue devrait être interdite aux mineurs par endroit Cest un peu Pigalle sur les Champs-Elysées (bon, daccord, jexagère un peu, mais je nai pas trouvé de meilleur exemple).
Je mengouffre finalement dans la ville souterraine pour prendre le métro à la station Bonaventure. Il faut pour cela que je parcours un temps la ville souterraine, cette ville qui sétend sous le centre ville. Je prévois déjà mon vendredi pour déambuler plus longtemps dans ces couloirs. Pour lheure, mes jambes me lâchent. Encore neuf heures trente de marche aujourdhui : Je suis cuit ! Jen ai bien pour une demi-heure de transport pour rentrer. Je dois penser à me ménager, jai encore deux jours à tenir ! Mon programme ne comporte plus que quatre étapes : La fin de la découverte de lîle Sainte-Héléne, le tour de lîle Notre-Dame (et du circuit Gilles Villeneuve), la visite de la ville souterraine, et la fréquentation assidue des magasins de souvenirs pour acheter les cadeaux pour la famille, les amis, et un peu pour moi aussi. De plus, je sais que MEG ne sera pas là demain soir. Je dois me trouver un restaurant : Je repense à celui de la place dYouville. Dès mon arrivée à lappartement, je prends mon guide et ly trouve : Cest déjà bon signe. Le guide dit que le restaurant nest pas mauvais du tout, et que les tarifs sont très acceptables. Je sais où me restaurer, cest un bon début ! Je me couche, la tête pleine des images du Mont-Royal, le cur désormais tout acquis à ma bien-aimée Montréal.
PARFUM DE PROVENCE MONTREAL BY NIGHT :
Le jeudi matin arrive : Le soleil est, encore et toujours au rendez-vous. Décidément, la météo me gâte pour mes deux semaines, et cela ne me déplaît pas. Comme tous les matins, je me réveille peu avant huit heures, au moment du départ de MEG. Jaime me lever tôt pour pouvoir méveiller en douceur et me préparer tranquillement. De plus, japprécie davoir loccasion de dire un petit bonjour à mon hôtesse avant quelle ne parte. Jai si peu dopportunité de la voir au cours de ses journées à rallonge : De lapercevoir quelques secondes avec son éternel sourire, cela suffit pour me mettre de bonne humeur !
Ce matin, je vais prendre mon temps, tout mon temps. Je ne suis pas pressé et puis, la journée va se prolonger jusque tard : Vingt-deux ou vingt-trois heures je pense. Cela ne me dérangerait pas en temps normal, jai lhabitude de me coucher tard, souvent après minuit. Je ne sais pas si cest encore leffet du décalage horaire ou le changement dair, mais depuis que je suis arrivé au Québec, je me sens rapidement fatigué quand vient le soir. Je vais donc ralentir le rythme de cette journée qui sannonce. Je vais partir vers midi pour aller manger en ville, sans doute, comme dhabitude, un hamburger et quelques frites dans un des innombrables petits restaurants du centre ville. Je dois aussi consacrer une grosse partie de cette journée au magasinage : Jai bien envie de visiter les plus grands magasins de Montréal spécialisés dans la musique, les disques et les instruments. Après mêtre calmement mis en route, je men vais prendre le métro qui va me conduire à la station Berry-UQAM. Sitôt débarqué de la rame, je reprends mon aventure sur la rue Sainte-Catherine. Jarrive rapidement devant lun des magasins. Jy pénètre, content de retrouver un peu mon univers musical. Javoue que je mattendais à mieux, surtout en ce qui concerne les tarifs. Bien sûr, les disques, comme partout au Québec, sont notablement moins onéreux quen France : Parfois jusquà cinquante pour cent de moins. Cependant, les instruments de musique, eux, me paraissent à peu près aussi chers que chez moi. Peut-être est-ce dû au fait quils viennent du Japon, et que les prix pratiqués sont ainsi plus ou moins les mêmes partout dans le monde. Il me semble, en effet, que les instruments fabriqués aux Etats-Unis et au Canada, notamment les guitares Godin, affichent eux une baisse sensible par rapport à lEurope, ainsi que les logiciels conçus eux aussi en Amérique du Nord. Je suis quand même un petit peu déçu : Apparemment, faire de la musique reviens à peu près aussi cher des deux côtés de lAtlantique
Je ressors sur la rue Sainte-Catherine et je men vais, crois-je, en direction du centre ville. Je ne saurais jamais pourquoi je nai pas remarqué quaucun gratte-ciel napparaissaient à lhorizon. Jai marché plus dune demi-heure vers linconnu, sans me rendre compte que je men allais dans le mauvais sens. Cela m'a permis de faire plus ample connaissance avec cette fameuse rue. Mais, ce nest pas la partie la plus intéressante. Lorsque je maperçois de ma méprise, je fais demi-tour et je me maudis en moi-même pour ce détour inutile. Et cest bien énervé que je parviens Place des Arts. De là, je pénètre dans la ville souterraine pour en découvrir latmosphère. Je ny reste pas longtemps : Jai faim, il est tard, et jai tant dachats à effectuer. Les magasins qui foisonnent dans la ville souterraine ne sont pas de ceux qui peuvent m'être utiles. Ils sont souvent trop luxueux, trop chers, quoique cela aille fréquemment de paire. Je reparais à lair libre Et je me rends compte que je suis carrément perdu. Mon sens de lorientation est mis à rude épreuve aujourdhui. Heureusement, le sommet des tours me donne une indication sur la direction à prendre pour rejoindre mon objectif. Je me jette dans le premier restaurant venu et, pour une somme ridicule, moins de vingt-cinq francs, je me cale lestomac. Je pars ensuite me réfugier dans le calme, tout relatif, du Vieux Montréal.
Je possède près de quatre cents dollars canadiens, il faut bien que je men débarrasse avent de partir. En comptant quil men faut une bonne soixantaine pour les repas, cela men laisse plus de trois cents, mille deux cents francs français au bas mot, à dépenser en souvenirs, cadeaux et autres babioles. En sachant que les prix sont souvent inférieurs à ceux pratiqués en France, cela me laisse une bonne marge de manuvre. Surtout que, grâce à MEG, et à ses amis, jai fait de substantielles économies par rapport à mes prévisions. Je prends le même chemin que celui que jai emprunté mardi, descendant de la station Place dArmes pour me rendre jusquà la place du même nom, arrivant devant la cathédrale. De là, je rejoins la rue Saint-Paul, une des principales rue touristique du Vieux Montréal. Jai limpression que les gérants des magasins se sont entendus, pour que les touristes doivent pénétrer dans chacune des échoppes pour découvrir toutes les marchandises proposées. En effet, chaque magasin, quasiment, offre un souvenir que lon ne trouve pas chez ses voisins. Cest ainsi que je dois faire la presque totalité des boutiques pour réaliser mes achats. Cela me prend de nombreuses heures pour dénicher ce qui correspond à mes envies. Je regarde ma montre : Il est déjà cinq heures ! Il est temps que je rentre me préparer pour ma sortie nocturne. Le temps que je retourne jusquau métro, que je rentre à lappartement, que je me change et que je revienne ici pour manger dans le petit restaurant, que jai repéré place dYouville, et les deux heures quils me restent se seront écoulées. Il est grand temps que je me décide à bouger.
Je rentre donc et je mhabille pour la circonstance. Jenfile un sweat-shirt arborant le sigle de la coupe du monde de football, France 98 (ceci va avoir son importance). Puis, je repars pour le 351, place dYouville. Je prends tout dabord la précaution de consulter ma carte de Montréal pour choisir le chemin le plus court. Je constate que, cette fois-ci, je dois descendre station Square Victoria et, quainsi, je naurai plus quà suivre la rue McGill pour parvenir directement à : « La Gargote. »
Pourquoi ai-je donc remarqué ce restaurant plutôt quun autre ? Tout simplement parce que, en sortant du musée dhistoire de Montréal, jai aperçu une grande banderole, immanquable par sa taille, proclamant la victoire de la France en coupe du monde. Bien évidemment, je me suis dit immédiatement que cela devait être un restaurant français. Javais raison ! Mon guide confirmant la bonne tenue de la cuisine, je my rends donc pour retrouver un peu le goût de mes habitudes. Je nai pas le moins du monde le mal du pays, mais cela mamuse de faire un clin dil culinaire en fréquentant un restaurant français en plein cur de Montréal. Je parviens vite devant la porte. Je constate que les prix sont abordables, vraiment pas excessifs, et quil est possible de manger très convenablement pour moins de cent francs. Ladresse ma lair bonne Je pousse la porte et, là, je me retrouve chez moi. Non seulement cest un restaurant français, mais, en plus, il est provençal. Laffiche de Marseille me saute immédiatement aux yeux. Partout je peux voir des objets, des livres évoquant la Provence. Je minstalle, le cur joyeux, et je commande un mignon de buf sauce béarnaise. Un vrai régal ! Et, en plus, la portion nest pas mesquine. Jai eu raison de venir. Je suis vite repéré, grâce à mon chandail. Le patron vient discuter cinq minutes avec moi. Japprends alors quil est de Toulon : Cest un voisin ! On parle un peu de lOM, racines sudistes obligent, et de léquipe de France de football. Il paraît que la fête dans Montréal a été surprenante par son intensité. Français émigrés, québécois amateurs de soccer et québécois amateurs de fêtes, ont, me dit-il, fêté dignement la victoire, avec force alcool. Je finis mon repas par un bon gâteau et je peux partir, content davoir trouvé un petit coin de France au Québec. Si un jour jai la chance, le bonheur, de minstaller à Montréal, ou dans sa région, il est certain que je reviendrai ici. Parce quen plus la cuisine est bonne et quon y mange à sa faim. Et, même si je reviens en vacances un de ces jours, je repasserai faire un tour à « La Gargote », avec quelques amis québécois, par plaisir gustatif : Ce sera « le fun ! »
Il ne fait pas froid dehors, et il nest pas vraiment tard. MEG, elle, ne doit revenir quaprès vingt-deux heures, au minimum. Quelque chose me dit que le centre ville du Montréal « by night », mérite sans doute une petite visite. Je reprends alors, une nouvelle fois, le métro en direction de la place Bonaventure. Je crois que je pourrai maintenant traverser Montréal les yeux fermés. Je connais le métro par cur, ma carte hebdomadaire est amortie depuis belle lurette.
Ce qui me surprend, en premier, en ressortant à lair libre, cest la calme qui règne dans les rues. Evidemment, le centre ville est, avant tout, un centre daffaire, ce qui fait que, la nuit venue, il se vide peu à peu. Ne subsistent alors que les employés finissant leurs heures supplémentaires et les rares touristes mimitant dans mes déambulations nocturnes. Cela me fait tout bizarre de marcher entre ces géants de béton, abritant le jour des milliers de personnes, et maintenant presque vides. Ils semblent dimmenses fourmilières abandonnées par leurs colonies dinsectes ouvriers. Latmosphère est froide, impersonnelle. Pourtant, larchitecture brillant de mille feux est splendide. Peut-être, certainement, encore plus belle que le jour. Je me sens libre, rien ne moppresse. Quelques voitures passent, des chauffeurs de taxi regroupés non loin de lhôtel Reine Elisabeth discutent entre eux. Je me sens bien et regrette dautant plus dêtre seul. Je voudrais partager mes émotions, mes sensations, avec quelquun qui saurait me comprendre à demi-mots. Je ne sais pas si mes amis de France apprécieraient autant que moi cette atmosphère particulière. Je me demande si MEG a ressenti les mêmes émotions que moi en passant ici. Après tant dannées et dhabitudes, elle ne remarque peut-être même plus les beautés de sa ville. Pris dans mes rêves, je ne sais même pas jusquoù jai pu aller, emporté au hasard de mes pas. Je reviens finalement à mon point de départ, sans trop savoir comment. En tous cas, me voici de nouveau devant la station de métro. Je me dis que cela doit être lheure daller dormir. Je repars donc. Jarrive à lappartement, il est près de vingt-deux heures trente. MEG ne devrait plus tarder. Elle doit me communiquer le programme de demain soir. En principe, nous devons sortir avec ses amis de travail. Quelque chose me dit que je vais avoir du mal à tout comprendre de la conversation, enfin, on verra Au bout de deux semaines, je suis habitué à laccent québécois, mais certaines phrases méchappent encore. Surtout si elles sont prononcées rapidement, dans le brouhaha et au milieu de lexcitation générale. Je fais confiance à MEG qui sera là pour mexpliquer, et se moquer un peu de moi aussi Et peut-être également pour « me traiter dépais, tant quà y être ! »
LILE NOTRE-DAME - LA VILLE SOUTERRAINE:
Les prémices mélancoliques de mon départ prochain arrivent avec ce vendredi matin. Ma dernière journée entière, et ma dernière nuit à Montréal se profilent à lhorizon dun jour ensoleillé. Lombre de ce retour en France attriste mon cur. Seule la perspective de revoir mes amis restés à Marseille parviens à ma consoler, et encore, pas tout à fait. Je ne suis pas parti du Québec et, déjà, je songe à y revenir. Je me lève avec difficultés, paresseusement. Je suis fatigué. Il faut reconnaître que ma semaine a été bien remplie et fructueuse. Que vais-je faire aujourdhui ? Tout dabord, je vais me rendre une dernière fois sur lîle Sainte-Hélène, puis sur lîle Notre-Dame. Ensuite, en fonction de lheure, je retournerai dans le labyrinthique dédale de la ville souterraine. Je mengouffre dans le métro, essayant de saisir le moindre détail de mon environnement pour men souvenir plus tard. Après les changements habituels à Jean Talon puis à Berry UQAM, jarrive une ultime fois sur lîle Sainte-Hélène. Je pars en direction du lac des cygnes. Je parviens rapidement à une statue en plein air de Calder : Lhomme. De lautre côté du fleuve, se dresse le centre ville, pourtant jai limpression dêtre sur une île déserte et sauvage. Jerre dans mes pensées expectatives tout en suivant le chemin côtier. Peu à peu, je tourne le dos aux gratte-ciel et je me dirige droit vers lîle Notre-Dame. Je passe le pont et je me retrouve directement sur le circuit de Formule Un, ouvert à la circulation tout au long de lannée. Par jeu, je me mets à suivre le parcours, dans le sens suivi par les bolides du mois de juin. A lune des extrémités du circuit, se terminant par une épingle à cheveux, je découvre le bassin olympique daviron, aménagé sur cette île artificielle bâtie sur des milliers de mètres cubes de remblais. Je poursuis ma route vers la ligne des stands et la ligne darrivée. Je parviens à la chicane, où Jacques Villeneuve est sorti de piste au premier tour, en 1997 je crois, qui amène sur la ligne droite. Malheureusement, je ne pourrai pas fouler le bitume du circuit sur toute sa longueur. Une série télévisée est en cours de tournage, juste devant la tribune officielle, et je me vois contraint de monter sur le muret. A ma droite sélève le casino de Montréal qui est établi dans le pavillon français de lexposition universelle de 1967. Je ne mimagine pas essayant dy rentrer. Je ne suis pas sûr quils acceptent les jeunes gens habillés en jean, tee-shirt et chaussures de sport. Ce nest de toutes façons pas ma préoccupation. Dès que je le peux, je redescends sur la piste et continu mon tour de reconnaissance. Je négocie la première chicane, dépassé par des cyclistes et des patineurs (sur roulettes, bien sûr). Jarrive bientôt à un virage sans visibilité, interdit aux piétons. Je me vois donc dans lobligation de passer par léchappatoire, puis de redescendre à travers les arbres. Oui, à la télévision, on a limpression que le grand prix se déroule en pleine ville. Alors quen réalité, il a lieu dans un véritable écrin de nature. Un îlot remplis darbres, de petites rivières et danimaux. Je reconnais lendroit où Olivier Panis sest blessé, toujours en 1997, il me semble même voir une éraflure sur le mur (mais peut-être est-ce dû à mon imagination fertile). Une dernière série de virage serrés et me voici sur la grande ligne droite, où je nose imaginer les vitesses vertigineuses que doivent atteindre les monstres mécaniques. Voilà, le tour est fini. Cela fera le deuxième circuit de Formule Un que jaurai arpenté après celui de Monaco. Mais, ce dernier a lavantage de la proximité.
Tout à coup, je me souviens que, parfois, je dois penser à malimenter. Sans doute trouverai-je un restaurant sympa et sans prétention dans la ville souterraine. Je fais mes adieux aux îles, et je men retourne dans le métro. Encore un dernier effort et jaurai vu tout ce que je voulais voir. Devant mes yeux pourront longtemps danser les images hypnotiques de cette ville ensorcelante. Je descends une nouvelle fois dans les entrailles de Montréal. Je repasse une dernière fois le fleuve pour revenir dans la civilisation urbaine.
Jaboutis station Bonaventure. Je me plonge dans la foule, en mouvement perpétuel, des sous-sols. Je men vais en direction des noms célèbres de cette ville de lhiver : Place Ville-Marie, Place National Trust. Jai lu, quelque part, que la ville souterraine serait le deuxième plus grand centre commercial du monde. Je comprends vite pourquoi ! Partout des boutiques ! On doit y vendre absolument tout ce quil est possible de désirer. A part, peut-être, des voitures, dont lutilité ici serait proche du zéro absolu. Je ne dois pas oublier de téléphoner à MEG, pour quelle me confirme lheure et le lieu exacts de notre rendez-vous pour la soirée. Je pourrai même aller la voir à pied : toutes les tours possèdent une entrée directe à partir de la ville souterraine. Je naurai même pas besoin de ressortir dici. Mais, dune, je noserai pas la déranger, et, de deux, je suis bien incapable de me diriger correctement dans cet enchevêtrement de rues, sur plusieurs étages qui plus est. Lendroit est à déconseiller fortement aux claustrophobes et autres agoraphobes graves. Et, que de bruit ! Je me croirais dans un concert de rock. Sans doute cela est dû au fait quil est moins dune heure, et que les restaurants sont pleins des employés travaillant au centre ville profitant de leur pause. Plus je marche et plus jai limpression de me perdre. Je ne sais absolument pas où je suis à lheure actuelle, et je commence à me dire que je vais devoir emprunter lune des sorties vers lextérieur pour parvenir à me réorienter. Tout à coup, au détour dun couloir, je me vois rendu place National Trust. Celle-ci je la reconnais grâce à son immense, et superbe, fontaine intérieure. Cest vraiment beau ici. Les étages, que je vois tout au-dessus de moi, me donnent un sentiment de vertige. Je ne sais plus ce qui est en surface. Je grimpe quelques étages mais, subitement, je me rends compte que je suis un habitant de la surface, pas des profondeurs. Langoisse sinstille doucement en moi. Je préfère sortir avant de commencer à paniquer ou à déprimer. Je retrouve le soleil avec soulagement. Je pars vers le bas de la rue, sachant que je finirai bien par croiser la rue Sainte-Catherine. En effet, quelques secondes plus tard, jy parviens. Maintenant je sais où je suis : Je peux reprendre tranquillement mes esprits. Jai faim ! Courageusement je replonge dans les sous-sols, mais en prenant soin de choisir des endroits calmes. Il ne fait pas de doute que si jai loccasion de fréquenter de nouveau la ville souterraine, et que si japprends à my diriger aisément, je pourrai facilement calmer la panique qui ma saisi aujourdhui. Le plus dur à supporter, pour moi, cest la foule. Je dois avouer que cest véritablement cela le plus douloureux pour mon esprit. Je minstalle à une table un peu à lécart et je me mets à manger de bon appétit. Cela me redonne quelques forces mentales. Je finis vite mon repas et je me réinsère dans la foule, maintenant beaucoup moins dense. Je téléphone à MEG. Elle nest pas à son bureau, tant pis ! Je la rappellerai plus tard. Pour lheure, je men vais au Vieux Montréal me promener et finir mes achats.
DERNIERE SOIREE :
Jappelle MEG à partir dune cabine téléphonique du métro : Elle est enfin là ! Rendez-vous est pris à dix-neuf heures trente devant le « Steak et Frites », dans le Vieux Montréal. Il est à peu près quinze heures, jai donc tout le temps devant moi. Je vais visiter les derniers magasins qui ont encore échappé à ma perspicacité. Jy trouve un petit cadeau pour MEG, pour la remercier de sa gentillesse, pour la remercier pour les deux semaines formidables quelle ma permis de passer au Québec. Je ne veux pas quelle croit que je suis insensible à tout ce quelle a fait pour moi. Je cherche aussi une canadienne (pour mhabiller, pas pour épouser), une veste polaire si vous préférez, car je sais quici elles sont vraiment efficaces Et pas chères en plus. Jen découvre une parfaite, toute douce et chaude à nen plus pouvoir. Et bien voilà ! Il ne me reste plus quà trouver lobjet symbole de ma venue : Un porte-clés, du même type que celui que jai cassé juste avant de venir. Je le découvre dans le tout dernier magasin où je pénètre, mon dernier objectif est atteint. Je nai plus quà rentrer déposer mes achats et revenir ensuite ici pour manger. Jarrive à la station et Pas de chance, le métro est en panne. Une heure se passe à attendre quil soit remis en service puis que le surnombre de voyageur soit absorbé. Si cela sétait passé en France, tout le monde aurait râlé, aurait essayé de voler une place dans la file dattente. Ici, rien de tout cela : Tout est accepté avec philosophie et bonne humeur. Puisquon ne peut rien y faire Pourquoi se taper dessus pour de telles futilités ? Les plus pressés nont quà prendre un taxi, ou le bus, ou sen aller à pied. Je rentre à lappartement : Il est dix-sept heures. Ma dernière soirée à Montréal débute, je suis prêt à laffronter.
Je reviens rue Saint-Paul. La soirée est douce et je suis un peu en avance. Je fais quelques pas sur le trottoir, admirant Montréal sous les lumières de le nuit. Jai beaucoup de mal à me convaincre que demain soir, à la même heure, je serais dans lavion, prêt à quitter ce pays qui a fait chavirer mon cur. Exact au rendez-vous, MEG et ses amis arrivent. Nous rentrons dans le restaurant qui va se révéler bon et copieux. Décidément, ma fin de séjour se révèle être gastronomique. MEG doit avoir lhabitude de manger ici En tous cas, elle connaît exactement ce quelle veut sans avoir besoin de la carte. La soirée se déroule très agréablement, dans la bonne humeur généralisée. Tout se passe dans loptimisme communicatif de ces québécois que japprécie tant. Mes amis me connaissent. Dordinaire, je suis dun naturel très timide, excessivement réservé. Tellement que le son de ma voix, parfois, me surprend moi-même. Pourtant, emporté par la chaleur québécoise, je me laisse, un petit peu, aller. Peut-être est-ce dû à la culture canadienne, si différente de la mienne, mais je me sens rapidement intégré au sein du groupe. Que je sois français, simple touriste, ne semble pas les déranger outre mesure. Le fait est que je me mêle, timidement encore, à la conversation. Parfois, quelques mots méchappent, comme je lavais prévu, mais MEG, ainsi que tous les autres convives, font preuve dune grande patience envers moi et, finalement, mon vocabulaire senrichit de quelques mots nouveaux. Je me sens à laise, cest étonnant chez moi. Je fais demblée partie intégrante de la micro-société que nous formons en cette soirée. Que ne suis-je aussi à laise en tous temps et en tous lieux ! Ma vie en serait grandement facilitée. Vers vingt et une heures, nous traversons une partie de la ville pour aller prendre un dessert dans un des lieux réputés pour cela. Je comprends vite pourquoi : Des dizaines de gâteaux, de toutes sortes, soffrent à notre gourmandise en une accumulation appétissante. Après avoir dégusté chacun notre part, nous rentrons à lappartement. Japprends au cours de cette soirée un jeu de carte qui a vite fait de ménerver un peu Parce que je perds ! Et je naime pas ça (non, je rigole !). Les filles travaillant, hélas, le lendemain, nous nous quittons peu après minuit. Je men vais me coucher, mais je trouve difficilement le sommeil. Une grande tristesse sempare irrésistiblement de moi. Elle me murmure à lâme que je risque de regretter longtemps cet endroit, car il a su toucher ma corde sensible. Jaime le Québec, jaime Montréal, jaime les québécois (ne lai-je pas déjà dit ?). Tant de mots, dexpressions, de noms, de lieux tournent dans ma tête. Je les entends, prononcés par la voix, avec laccent de MEG. Demain, tout à lheure, il faudra que je reparte vers la vieille, la languissante Europe, et cela me consterne.
COMPTE-A-REBOURS :
Et voilà, me voici arrivé à la fin du voyage. Nous sommes samedi matin. Le jour paraît, il brise la nuit, la déchirant des pointes des rayons de son soleil naissant. MEG part pour un travail dune heure, qui se verra malheureusement multiplié presque par quatre. Je nai pas envie de me lever. Pourtant, il va bien falloir que je trouve le courage de quitter mon lit. Jai limpression que, lorsque mes pieds vont toucher le sol, cela va déclencher la minuterie du compte à rebours fatal, le décompte de mes douze dernières heures québécoises. Je regarde ma valise, que jai eu bien du mal à fermer hier soir. Elle est pleine, heureusement quelle est solide ! Je me lève enfin, mais je me sens abattu ce matin. Je vais attendre MEG en regardant la télévision. Jen profite aussi pour ranger le salon qui ma servi de chambre. Pour quil retrouve lallure quil avait avant que je débarque, bouleversant les habitudes de la jolie brune aux yeux rieurs que jai eu la chance, un beau jour, de connaître.
Les heures défilent vite, tellement vite. Et MEG ne rentre toujours pas. Je suis déçu, autant quelle je crois. Jaurai tant aimé passer cette dernière journée avec elle. Heureusement, elle ma annoncé une grande, une très grande nouvelle : Bientôt, avant lété prochain, elle va venir en Europe ! Et bien entendu, en France, chez moi. Jai dû attendre quatre ans, un mois et vingt-huit jours avant de la revoir, cette fois-ci, lattente sera beaucoup moins longue. Je vais pouvoir mefforcer de lui rendre tout ce quelle ma donné, au cours de mes deux semaines de présence auprès delle. Elle ma supporté patiemment, avec le sourire, malgré mes erreurs. Elle a accepté ma présence avec, jespère, du plaisir. Elle a su effacer les soucis qui auraient pu troubler le bon déroulement de mon voyage et de nos vacances. Je ne la remercierai jamais assez.
Je pense à tout cela et, pendant ce temps là, lheure tourne. Midi approche et jentends MEG qui arrive enfin. Je suis heureux de la voir, toujours souriante malgré son agacement. Nous avons encore un peu de temps devant nous, par chance. Les photos quelle a prises durant notre périple québécois sont développées. Nous les regardons ensemble, et les premiers souvenirs reviennent déjà à la surface. Tout cela me parait déjà si loin, cest déjà du passé et pourtant encore si présent dans mon cur. Je prends quelques doubles et je choisis les photos que MEG fera refaire pour mes les envoyer en France : Les images des baleines sont vraiment très réussies. En plus de toutes ses qualités, MEG est une excellente photographe, on dirait. On mange une dernière fois ensemble, ce soir MEG a une réunion avec ses camarades de promotion pour fêter la fin de ses études, brillantes études ! Elle ne pourra donc pas rester longtemps avec moi à laéroport. Cela me fait un peu de peine bien sûr, mais, dun autre côté, jaime mieux ça. Je nai pas trop envie de lui montrer ma tristesse, qui ne manquera pas de ressortir alors.
Lheure avance, encore et encore. Bientôt, il va être temps de partir. Pendant que MEG se prépare pour sa soirée, je charge la voiture. Ma valise disparaît dans la malle arrière. Un pincement au cur me saisit quand je ferme le coffre : Cette fois-ci cest sûr, je men vais ! Il va bien falloir que je me fasse une raison Encore quelques minutes fugitives et il est seize heures. Lheure est venue de sen aller. MEG paraît : Elle est très belle, sa veste lui va à merveille. Jai du mal à croire que cest la même femme avec qui jai passé une semaine sur la route. Est-ce elle qui jouait à la petite fille, se mettant à chanter en pleine rue et à faire des caprices (pour rire seulement) ? Si les clients dont elle soccupe lavaient vu alors, sans doute se seraient-ils inquiétés pour leurs capitaux ! Maintenant, devant moi, elle sest transformée en une élégante femme daffaire. Mais, malgré tout, elle ne peut empêcher ses yeux malicieux de rire
Je monte dans la voiture. Je ferme la portière. MEG démarre : Cest fini, je men vais ! Direction Dorval. Comme par compassion avec moi, le ciel commence à lâcher quelques gouttes de pluie. Les nuages se rassemblent pour me souhaiter un dernier au revoir. Le soleil, lui, est parti mattendre au-dessus de Marseille. La voiture sarrête devant laérogare. Je descends prendre un chariot et jy empile mes bagages. Je ne sais plus trop quoi faire, ni trop quoi dire. Je serre une dernière fois MEG dans mes bras et je lui dis « A bientôt... » Mes propos sont dune telle banalité, mais rien ne pourrait exprimer réellement ce que je ressens. MEG paraît triste, elle aussi. Est-elle triste de me voir partir, ou triste de me voir triste ? Quimporte, cela me fait tout bizarre : Cest la première fois que je vois MEG triste depuis que je la connais. Les « au revoir » ne sont jamais bien gais. Une dernière embrassade, puis je regarde MEG partir vers un ailleurs différent du mien. Je suis du regard la Toyota qui séloigne. Mais, très vite, je me retourne et je mengouffre dans laérogare. Je ne tiens pas à craquer sur le trottoir, et à laisser quelques larmes franchir la barrière fragile de mes yeux.
Je pénètre pour la dernière fois dans le hall de laéroport de Dorval. La foule aéroportée qui peuple le terminal sert de refuge à ma solitude. Dans ce pays aux proportions démesurées, cet aéroport est bien le seul endroit qui soit véritablement trop petit. Je ne sais pas qui a conçu ce bâtiment, mais je pense quil navait pas prévu quil puisse accueillir autant de personnes en même temps. Il me faut me battre pour accéder au comptoir denregistrement du vol Sabena SN 582 à destination de Bruxelles. Je suis très en avance, je peux donc enregistrer rapidement mes bagages, et choisir ma place dans lavion selon mes désirs. La zone denregistrement est comme une oasis de calme au milieu du tumulte. Cest aussi le coup de grâce infligé à mes rêves de Québec. Ma valise séloigne sur le tapis roulant, en direction de la soute à bagage dun avion maudit, partant pour Marseille. Je me réinsère dans la foule, décidant de profiter des minutes qui me sont accordées pour visiter laéroport et pour, si possible, macheter quelques bouquins pour meubler le temps. Je me fraye un passage à travers les voyageurs. Que cette aérogare est ridiculement petite ! Je ne sais pas si cest parce que je pars, et que cela me met de fort mauvaise humeur, mais je déteste profondément cet endroit. Les files dattentes devant les portes dembarquement me barrent le passage, je dois me faire tout petit avec mon sac pour me faufiler entre deux touristes en partance pour Chicago. Le hall ressemble plus à une rue commerçante de la ville souterraine quà un véritable aéroport international. Finalement, je déniche ce quil me faut dans la librairie et je men vais, tristement, vers mon avion qui va décoller dici à deux petites heures.
La porte dembarquement est très éloignée du poste de contrôle douanier. Après avoir franchi ce dernier contrôle, je mengage tristement dans les dédales de laéroport. Je me retrouve seul, sur le tapis roulant qui traverse un immense couloir vide. Au mur, un grand dessin, évoquant ce Québec que je quitte, accompagne lincessant ballet du tapis. Tout à coup, sans que je puisse rien y faire, les larmes se mettent à couler, soulageant mon cur, mon âme. Je nessaie même pas de les retenir : Il est des peines quil vaut mieux laisser sexprimer. Il est des peines quil est préférable de consoler avec modération. Je me sens stupide, et sans doute le suis-je. Je dois avoir lair ridicule, debout, mon sac sur lépaule, les yeux embués des larmes que je verse sur quatorze jours de bonheur.
RETOUR :
Je vais masseoir à lécart des autres voyageurs et jattends. Je nai plus que cela à faire de toutes façons. Dehors, la nuit sinstalle et la pluie se remet à tomber. Tout se conjugue pour accentuer ma tristesse. Les premiers râleurs se font entendre. Ils sont français, bien évidemment. Ils sont pressés dembarquer ! Quelle ineptie. Moi, cela ne me gêne absolument pas de patienter encore. Jai limpression ainsi de maccorder un ultime sursis. Mais, au bout du compte, je suis bien obligé de suivre le mouvement, et me voici installé dans lappareil. Je fixe, au dehors, le mot « Montréal » qui brille au fronton de laéroport. Encore quelques minutes et lavion se met à bouger. Il prend place sur la piste et lâche toute la puissance de ses réacteurs. Je me crispe sur mon siège, attendant avec appréhension linstant du décollage. Puis ça y est ! Les roues quittent le sol ; il est exactement vingt heures et quatre minutes. Je viens de passer, en tout et pour tout, quatorze jours, deux heures et trente six minutes sur le sol du Québec.
La dernière vision que moffre cette belle province est superbe. Montréal est sous mes pieds, illuminée de milliers détoiles terrestres. Des lumières sentremêlent pour former un halo brillant où bat le cur de Montréal, où bat encore un morceau du mien. Le voyage de retour ne doit durer que six heures et trente minutes. Je mets le casque sur les oreilles : Le film est exclusivement en anglais, je nai pas le courage de tenter de le comprendre. Je passe donc tout le trajet à écouter de la musique. Je narrive pas à dormir. Jai bien trop defforts à faire sur moi-même pour ne pas pleurer. Je ne peux pas me laisser aller, me décontracter. Je suis trop énervé, trop stressé, trop déprimé pour massoupir. Je voudrais me révolter à la fois contre tant dindifférence et contre tant dinjustice. Tant dindifférence dans cet avion où tout le monde semble content. Content de rentrer chez soi, pour les européens, et content de partir en vacances pour les québécois. Je voudrais leur crier ma douleur, la souffrance que me cause cet arrachement. Quelquun pourrait-il maider à calmer mes maux ? Tant dinjustice aussi, lors de ce départ que je ne voulais pas. Suis-je donc obligé de vivre ailleurs que dans le pays de mes rêves ? Je crois avoir mérité, pour une fois, un peu de bonheur. Avoir mérité de prendre ma part de bienêtre en ce monde. Me calmer, il faut que je me calme ! A mon excitation succède trop souvent la résignation. Cette fois-ci, je dois me battre pour parvenir enfin à mon nouvel objectif : Changer ma vie, en faire quelque chose dont je puisse être fier. Je pars aujourdhui mais, bientôt, demain, je reviendrais, rein nest plus certain ! Pour lheure, dans ma tête tous mes souvenirs commencent déjà à se bousculer. Je pense à MEG qui va me manquer, je le sais. Je pense à tous ces gens que jai rencontré et que jai tant apprécié. Je pense à ce pays qui me plaît et vers lequel je reviendrai un jour je le sais, un jour, qui sait ?
Il est huit heures vingt cinq lorsque lavion se pose, me ramenant en Europe. A peine le temps de débarquer, de traverser laéroport bruxellois et de masseoir quelques minutes, quil est déjà lheure de repartir. LAvroliner senvole, moi je profite de ce dernier transfert pour prendre une heure de sommeil, la seule de cette nuit là. Le ciel, de toutes façons, est couvert et ne permet pas dapercevoir la Terre. Je me réveille peu avant midi. Les nuages disparaissent brusquement : On vient de passer les collines entourant létang de Berre. Le soleil brille généreusement. Lavion sen va faire un détour au-dessus de Marseille. La lumière est superbe, fantastique. Marseille est bien plus jolie vue du ciel, sous le soleil, que vue du sol. Le bleu profond de la Méditerranée contraste fortement avec la blancheur des falaises et des collines ainsi quavec le vert des pinèdes. Notre-Dame de la Garde me salue et me souhaite la bienvenue. Puis, lavion amorce sa descente, ralentit, se pose enfin, freine et simmobilise sur la piste. Je suis arrivé !
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