UN MAUDIT FRANCAIS AU QUEBEC

SOUVENIRS

ESPOIRS :

Cela fait maintenant plus de deux mois que je suis rentré. Peu à peu, il a bien fallu que je reprenne le cours normal, de mon existence. Pour ne pas perdre contact avec la réalité, et m’enfermer dans mes rêves, dès mon arrivée je suis retourné, faisant fi de la fatigue, voir mes amis et leur apporter quelques cadeaux qui leur étaient destinés. Je suis vite reparti travailler, me perdant entre les murs carcéraux d’une usine. Mon horizon s’est vu ainsi bouché par les murs de béton et les grillages barbelés. Pourtant, au fond de moi, ma vie a changé, définitivement. On a coutume de dire qu’il y a toujours, quelque part, quelqu’un ou quelqu’une qui nous attend et qui est fait ou faite pour nous. Je sais maintenant qu’il y un pays qui est véritablement le mien. Je ne suis pas canadien, je ne suis pas né québécois, et peut-être ne le deviendrai-je jamais, mais mon cœur et mon âme sont candidats à l’exil, exil volontaires et espéré.

Ma famille a, en quelque sorte, une tradition de voyage. D’ailleurs, n’y a-t-il pas un rat, synonyme de voyageur, sur le blason familial ? De lointains ancêtres seraient partis de France, aux temps des croisades, et auraient abouti sur l’île de Malte. De là, plusieurs siècles plus tard, certains sont partis en Australie et d’autres en Afrique du Nord, avant de revenir, hasard du destin, en France. Je me sens, pour ma part, capable et désireux de perpétuer la tradition en m’exilant au Québec. Mais, peut-on parler d’exil lorsque l’on part pour un pays que l’on a déjà fait sien ?

Je voudrais partir en laissant ce passé qui me pèse, et me bâtir une nouvelle existence. Bien sûr, le fait de quitter ma famille et mes amis, de les laisser à des milliers de kilomètres ne serait pas être une chose facile. Je les aime et j’ai besoin d’eux. Et, peut-être, ont-ils besoin de moi ? Mais, je crois qu’ils comprendraient mon départ. Je crois qu’ils comprendraient que je ne les abandonne pas. Que si je pars, ce n’est pas parce que je suis malheureux avec eux, mais parce que je peux trouver le bonheur dans ce pays que j’aime. S’ils m’aiment, ils seront heureux de mon bonheur ! Et puis, ils ne seront jamais loin de mon cœur et de mes pensées. Il y aura toujours une empreinte indélébile en moi. De plus, le fait de me retrouver seul au Canada, en mettant certainement de longs mois avant de trouver quelqu’un à qui parler, moi qui ai tellement de mal à lier connaissance, me pèserait certainement. Mais, chaque médaille a son revers. Et je suis prêt à accepter ces difficultés. Mon caractère solitaire et introverti pouvant m’aider à supporter l’isolement. J’aime la solitude bien plus que les gens « normaux ». Mon anormalité pourrait m’aider, qui sait ?

Je connais du monde au Québec, je te connais MEG. Mais, si jamais je devais venir là-bas, si je devais « envahir » ton beau pays, je n’oserai certainement pas te déranger. Je viens de le faire pendant deux semaines. Je n’aime pas embêter les autres, surtout ceux que j’aime. J’ai peur que ma présence ne finisse par les gêner, et que l’amitié entre nous s’étiole. Si je pars un jour au Québec, je ferai en sorte de me débrouiller seul, sans bousculer la vie de ceux qui y vivent et qui n’ont rien demandé. Je ne veux pas troubler leur vie. Je veux juste m’intégrer peu à peu dans un peuple, dans une culture, dans un pays, dans une nation québécoise que je porte dans mon cœur.

SOUVENIRS :

Je me souviens des jours qui ont précédé mon départ vers le Québec. Cet été là où je comptais les semaines, les jours puis les heures, sur mon calendrier. Je me rappelle avec nostalgie du temps où il ne me restait que soixante jours avant la date promise. Je croyais alors que j’aurais du mal à supporter l’insoutenable longueur. Pourtant, j’ai « survécu » ! Aujourd’hui, cela fait soixante jours qu’un avion m’a ramené à la maison, je n’ai pas vu passer les semaines qui suivirent, les unes après les autres, ce fatidique vingt-sept septembre.

Je suis tellement sous l’emprise du Québec, que je n’ai pas encore rangé les souvenirs que j’en ai rapporté. Ils traînent toujours sur mon bureau, comme si je venais tout juste de débarquer, de poser mon sac de voyage bleu sur le lit, comme si je voulais croire encore que ce voyage n’appartient pas complètement au passé.

De temps à autre, je me promène, je surfe comme l’on dit, sur Internet. Je fréquente le site officiel de Montréal. Je vais voir les images vidéo qui me rappellent tant de bonheur… Maintenant, lorsque, autour de moi, on parle du Canada, je peux dire : « J’y suis allé ! » Du haut de ma prétention, j’assure tout connaître, tout savoir, à propos de la belle province québécoise. Pourtant, à y bien regarder, je n’en sais presque rien.

Alors, déjà, je reprends mes guides, cartes géographiques et autres documents se rapportant au Québec, et je m’imagine les parcours de mon, ou mes, futur voyage. J’ai encore tant de choses à voir et à découvrir. Je veux tout d’abord faire connaissance avec l’hiver. Non pas que je sois amoureux du froid mais, Montréal sous la neige, Québec sous la neige, les forêts sous la neige, les lacs gelés… Cela doit être formidable ! Je veux aussi parcourir les parcs immenses ; des Laurentides, de la Mauricie, et tant d’autres encore, et puis découvrir la Gaspésie et tout le nord du Québec. Je veux, encore, voir les autres provinces, l’Ontario et Toronto, car on m'a dit que la ville était superbe. La Nouvelle-Ecosse et le Cap-Breton et l’Acadie. Faire un tour vers les grands lacs et pousser une petite pointe du côté des Etats-Unis jusqu’à New-York. Je veux, enfin, retrouver les québécois dont je ne cesse de louer la bonté et la gentillesse.

Quoiqu’il arrive, une grande part de moi est restée à jamais sur les bords du Saint-Laurent. Quelque part entre Montréal et Québec, accrochée à un bout de Terre magique. Dans ma tête, je suis resté là-bas, c’est indéniable ! Le Québec est devenu, à l’heure actuelle mon rêve ; Un but à atteindre. Lorsqu’on est jeune, on a tous, ou presque, des rêves de gloire, de célébrité, d’argent. Ainsi que des rêves, paradoxaux, d’amours éternels et de femmes faciles. Puis, on grandit, ou plutôt on vieillit. Nos rêves se perdent dans les dédales de nos existences. Peu à peu, on en vient à oublier nos rêves. Et on les remplace par des regrets (Excuses-moi MEG, parfois mon côté français ressort. Je n’y peux rien…), on en oublie même, parfois, l’espoir. Aujourd’hui, j’ai retrouvé un espoir, un rêve, une planche de secours pour ma vie au ralenti. J’aime le Québec et son rythme tranquille au cœur d’une nature encore sauvage. J’aime Montréal et sa vie rapide de métropole occidentale.

Je pense souvent à toi, pays de mes rêves. Lorsque je marche dans la rue, je me croirais revenu rue Sherbrooke. J’ai des envies de balades sur le Mont-Royal. Je me crois encore avec MEG et je voudrais souvent lui parler. Ce matin encore, j’ai ouvert ma fenêtre, je me suis tourné vers le nord-ouest et, j’ai rêvé. J’ai repassé les images dans ma tête. J’ai revu la rue Sainte-Catherine, le Mont-Royal, la terrasse Dufferin, le château Frontenac, le lac Saint-Jean, le Saguenay, les baleines, les forêts de Charlevoix et les érables de l’île d’Orléans. J’ai revu les routes interminables, les écureuils du jardin botanique, le mont Saint-Hilaire, la chute Montmorency, le lac des castors, Cap-Aux-Oies, la rue Cartier. J’ai revu MEG, j’ai entendu son accent, son rire. Et, j’ai rêvé…