UN MAUDIT FRANCAIS AU QUEBEC

LA BELLE PROVINCE

MARIGNANE :

Il est onze heures quarante. Ma valise est partie depuis plus d’une heure et moi j’attends depuis ce temps là dans l’aérogare, porte vingt-quatre. L’avion doit partir à douze heures dix. Je tourne en rond, le temps n’en finit pas de ralentir son cours. Je vais faire un tour dans la boutique de produits détaxés, c’est dire à quel point je m’ennuie ! Va-t-elle donc arriver l’heure du décollage ? L’avion de la Sabena va atterrir bientôt j’espère. Il vient d’ailleurs d’arriver en provenance de Bruxelles et libère son flot de passagers. Un flot bien relatif car l’appareil n’est pas très grand. Finalement voilà l’hôtesse qui annonce que l’embarquement peut débuter. Je pénètre dans l’avion, un petit Avroliner, et je cherche ma place à côté du hublot. A première vue, le nombre de place ne dépasse guère les quatre-vingt, quatre-vingt dix peut-être, pas plus. La plupart de mes compagnons de voyage sont eux aussi en partance pour Montréal ou pour les Etats-Unis. En effet, l’aéroport de Bruxelles est une gigantesque plaque tournante, où se retrouvent les passagers venant de tous les coins de France et d’Europe, à destination du continent nord-américain. Avec à peine cinq minutes de retard sur l’horaire prévu, l’avion prend son élan et s’envole dans le ciel, un peu gris, de ce samedi de septembre.

Le décor de ma chère Provence se révèle à nouveau à moi. Que la Provence est belle vue du ciel, comme d’ailleurs la presque totalité de la Terre. Quelques secondes après le décollage de Marignane je peux apercevoir, de manière fugitive, ma maison située non loin des pistes. Le temps pour moi de dire un dernier au revoir à ma terre bien-aimée, un au revoir sans arrière goût de regret : Je suis bien trop content de m’en aller enfin vers MEG. Sous moi se déroule le tapis multicolore de la Provence et de la vallée du Rhône. Peu à peu on parvient aux alentours de Lyon, avec une vue imprenable sur le Massif Central. Mais, bientôt, les nuages prennent la possession exclusive du ciel. Une possession que, jusque là, ils avaient accepté de céder par endroits. La mer de coton remplie l’horizon. Il ne me reste plus qu’à essayer de somnoler un peu pour passer le temps ou de lire les magazines, en anglais, que je trouve dans la pochette du siège. Le reste du vol se déroule sans incident et sans heurt, l’avion reprenant contact avec le sol aux alentours de treize heures vingt-cinq.

BRUXELLES :

Cela fait des années que je ne me suis pas retrouvé à l’étranger, et c’est en tous cas la première fois que je m’y trouve seul. D’accord, je n’ai pas besoin de sortir de la zone de transit et ma vision de la Belgique restera somme toute très limitée, mais j’ai quitté la France ; Et je me trouve sur le dernier palier avant que de changer de continent : La porte des Amériques s’ouvre devant moi. Je me dirige assez aisément dans cet immense aéroport où il doit être facile de se perdre. Déjà lors de l’atterrissage j’avais pu me rendre compte de la taille de l’aéroport au nombre d’avions stationnés sur les parkings. Heureusement, les informations directionnelles sont claires et accessibles rapidement, ce qui fait que je me retrouve vite devant le lieu d’embarquement. Le décollage initialement, prévu à quinze heures trente, sera finalement repoussé d’une demi-heure à cause d’un « surbooking », mais, bon, ce sont les aléas du transport aérien.

Sans le faire exprès, je me trouve être le tout premier à prendre place à bord. Je m’installe tranquillement et je me prépare à endurer la partie la plus pénible de mes quinze jours de vacances : La traversée est-ouest de l’Atlantique. Sept heures vingt-cinq de vol, monotones et épuisantes avant d’arriver au but ultime. Je me retrouve au milieu d’un groupe de belges flamands ne parlant pas un mot de français ou presque, au moins je ne serais pas dérangé par les bavardages de mes voisins : C’est déjà ça. Quelques minutes d’attente encore, puis les réacteurs se déchaînent, l’accélération me repousse contre le siège, quelques secondes de roulage et notre oiseau de fer s’envole pour un beau voyage. Sur les écrans vidéo installés à bord, je vois le parcours s’inscrire au fur et à mesure de notre progression, accompagné des données de vol concernant la vitesse, l’altitude et la distance restante, entre autres.

C’est long, long, long… Malgré les efforts déployés pour nous faire passer le temps, celui-ci s’écoule à la vitesse d’un escargot paresseux. Heureusement que les différents repas et collations, ainsi que le film, occupent l’esprit, sinon l’atmosphère deviendrait rapidement tendue à bord. L’homme n’est vraiment pas fait pour être enfermé, surtout s’il n’est pas maître de son destin. Seule la musique me sauve de la dépression, elle n’est pas mauvaise du tout et plutôt rock, ce qui n’est pas pour me déplaire, bien au contraire. Mais, au bout de sept heures, je commence à me lasser de certains morceaux que j’ai déjà entendus deux ou trois fois. Par bonheur, le petit avion sur l’écran me dit que l’on vient de franchir les côtes du Canada, et que l’on traverse la Nouvelle-Ecosse en direction du Québec. Cette nouvelle me réjouit le cœur malgré les turbulences qui ont, elles, plutôt tendance à le secouer un peu trop. Il ne faudrait pas que le vol s’éternise ou je vais être vraiment malade.

J’ai réglé ma montre à l’heure locale, six heures en moins par rapport à la France, et un rapide coup d’œil m’apprend qu’il est dix-sept heures. On ne doit plus être très loin maintenant. La lumière rouge s’allume : Il faut attacher nos ceintures, l’appareil amorce la descente. Brusquement, débouchant de la couche de nuages qui recouvre Montréal, l’avion sort au-dessus du Saint-Laurent, l’immense Saint-Laurent. Ca y est : Je suis au Québec. Mon cœur s’emballe et mon corps endormi par de longues heures à rester assis trouve une nouvelle vigueur. La phase d’atterrissage est assez longue et mouvementée, mais, doucement, on se rapproche de la piste de Dorval. Et puis, enfin, je peux libérer mes émotions. Il est exactement dix-sept heures et vingt-six minutes, les roues du MD11 viennent à l’instant de toucher le sol québécois !

Là, tout près, se trouve MEG qui, je l’espère, m’attend. Là, tout près, tout autour de moi, s’étend un pays qui a peuplé tant et tant de mes rêves. Québec me voilà : Je vais m’abreuver de toi jusqu’à ce que ma mémoire saturée me demande grâce. Je veux tout voir de tes beautés, que tu offres, comme une femme impudique offre ses charmes aux yeux des passants lubriques. Je veux effeuiller tes feuilles d’érables pour voir les dessous affriolants de tes forêts magiques. Je veux semer des milliers de fleurs de lys dans mon cœur inculte.

Il ne me reste plus qu’à franchir les dernières barrières me séparant de MEG, et ma grande, belle, fabuleuse, aventure québécoise pourra commencer.

ARRIVEE :

Me voilà donc à Montréal. Voilà le Québec ! L’hospitalité québécoise n’est pas un vain mot, tout dans les couloirs de l’aérogare n’a été que sourire et mots de bienvenue. Finalement, le plus long est bel et bien le passage de la douane. Encore une heure d’attente dans le hall de l’aéroport : Voilà bien de quoi exacerber l’impatience et exaspérer les plus placides. Mais, bon, l’important c’est quand même de mettre le pied pour la première fois sur le territoire canadien. Et, s’il faut en passer par quelques formalités supplémentaires, ce n’est somme toute pas très grave. Enfin, la douane passée (le douanier sympathique fermant les yeux sur quelques décilitres d’alcools dépassant la quantité légale d’importation), une dernière épreuve reste à surmonter : L’attente interminable des valises ! Dire que je suis arrivé, que celle qui doit m’accueillir et que je me languis de retrouver est là, à quelques dizaines de mètres, que je pourrais presque la voir à travers les vitres fumées, et devoir malgré tout attendre d’insupportables minutes encore, avant d’aller la trouver, attendre que cette satanée valise, qui n’en finit pas de se faire désirer, apparaisse sur le tapis roulant : Cela finit d’achever mes nerfs déjà bien fatigués. Et puis, la délivrance ! La valise débouche sur le carrousel. Je me munis d’un chariot (heureusement nombreux), j’y pose ma valise et mon sac, puis je franchis la dernière barrière douanière et je sors enfin dans le hall d’arrivée.

Et là, assaillis de toutes parts par des centaines de visages inconnus, saoulé des cris de joies des retrouvailles, je m’efforce à mon tour de croiser le regard de quelqu’un que je connais. De longues secondes d’hésitations, de doutes (Est-elle arrivé à temps ? Est-elle au courant du retard de l’avion ?), et puis le bonheur !

Je t’ai reconnu MEG. J’avais peur que les années t’aient changé et m’aient fait oublier ton visage. Mais rien de tout cela ne s’est produit. Tu étais toi, telle que je t’avais quitté quatre ans auparavant, le quinze juillet 1994. Tu m’es apparue toujours aussi belle et toujours aussi souriante. Je t’ai retrouvé comme si je t’avais quitté la veille, comme si rien ne s’était produit entre ton séjour en France et ma venue à Montréal. Je t’ai suivi jusqu’à ta voiture et j’ai commencé à te parler, moi qui d’ordinaire suis plutôt introverti, je me suis mis à discuter avec toi comme avant. Je me suis toujours senti bien avec toi. Je ne sais pas pourquoi, mais c’est ainsi. Je n’y peux rien ! Nous étions de nouveau ensemble, et à ce moment là rien ne pouvait me faire plus plaisir. J’étais bien, j’étais heureux. Heureux d’être au Québec, heureux d’être avec toi !

Quelle surprise pour moi que Montréal ! Enfin, non, pas vraiment une surprise car je m’y attendais un peu, quelle découverte plutôt. Un peu moins de huit heures d’avion, moins de temps qu’il n’en faut pour traverser la France en train, et me voici plongé au cœur de l’Amérique. Mais une Amérique faite pour et par l’homme, une Amérique à visage humain. Montréal : Une grande ville, avec son centre ville très américain, gratte-ciel et tours de verres. L’Amérique, celle des rêves et des films, celle de nos lieux communs à nous européens. Et, partout autour de ce centre d’affaire, une ville toute simple avec ses petits immeubles et ses maisons de briques rouges sagement alignées. L’Amérique des pionniers ou presque. Bientôt nous arrivons à l’appartement de MEG. Il est une heure du matin, heure de France, pourtant je ne me sens pas encore fatigué. Sans doute cela est dû au fait que je suis excité par mes retrouvailles avec MEG. J’ouvre ma valise et offre les quelques présent que je lui ai amené. Elle apprécie beaucoup les petits sacs de lavandes bien odorantes et, surtout, la boîte de calissons qui va faire les délices de ses moments de gourmandise. Finalement, après presque quatre heures passées à parler et à se montrer des photographies, nous décidons d’aller nous coucher, parce qu’il le faut bien : Mais un peu à contre cœur malgré tout. Demain dimanche va être une journée chargée, même si j’ai demandé à MEG de ne pas me « tuer » dès le premier jour.

LE MONT SAINT-HILAIRE :

La nuit fut courte. Je me lève avant le jour vers six heures du matin. Je suis au Québec, MEG est là tout près, j’ai un peu de mal à réaliser que cela est vrai. Encore quelques dizaines de minutes puis MEG se réveille à son tour. Me voici emporter dans un tourbillon. Pas le temps d’assimiler ce satané décalage horaire et je me retrouve emporté par la frénétique ardeur de ma québécoise préférée. Deux de ses amis nous attendent pour partir en balade avec nous. L’un d’eux est un français lui aussi, de Mulhouse je crois. Lui a la chance de vivre à Montréal, je sais qu’il est même en train de se renseigner sur les modalités pour devenir résident canadien. Je l’envie un peu et j’espère pouvoir faire un jour comme lui… Nous embarquons tous en direction du mont Saint-Hilaire situé à quelques kilomètres seulement de Montréal. Le mont Saint-Hilaire est l’un des lieux de promenade favoris des montréalais, l’endroit le plus fréquenté lors de la saison des pommes. Nous arrivons au pied du mont et nous empruntons les sentiers fléchés vers l’un des points-de-vue donnant sur Montréal. Il faudra que je revienne ici en hiver, j’ai vu au passage, sur le chalet du parking, que des expéditions de nuit en raquettes étaient organisées l’hiver. Ce doit être une expérience à vivre.

Après environ trois quarts d’heure de marche nous parvenons au belvédère : Vue plongeante sur la plaine avec, dans le fond, Montréal la belle. Premiers aperçus des paysages infinis de cette somptueuse province. Une grande ville perdue dans l’immensité sauvage. Des tours de béton, des rues s’entrecroisant remplies de camions, de voitures et de bus. Une ville avec ses banlieues industrielles, ses banlieues commerciales, ses banlieues dortoirs et ses banlieues résidentielles. Une ville moderne avec tout ce qui fait ce que l’on appelle la civilisation, en résumé. Et pourtant, aux frontières de cette ville, la nature, encore presque entièrement sauvage, surgit et reprend ses droits. C’est beau et impressionnant. L’homme s’est imposé à grands coups de béton et à force de persévérance, en taillant des routes à travers la forêt et en bâtissant des villes là où il paraissait impossible de s’établir ! Malgré tout, cet homme conquérant se doit de garder une grande humilité. On se sent tout petit ici, en dehors de l’abri rassurant des villes. On n’est plus maîtres mais seulement d’humbles hôtes de cette nature parfois hostile. Ma première vision des paysages québécois est réellement saisissante ! Mais, déjà, il nous faut redescendre et abandonner notre poste d’observation. Je me sens tout à coup envahi d’un étrange malaise. Je pense que tout ceci est dû au décalage horaire, et à une brusque lassitude qui m’étreint. Toujours est-il que je ne parviens absolument pas à me convaincre qu’il est seulement quinze heures. Je regarde plusieurs fois ma montre à quelques minutes d’intervalle, mais les aiguilles me disent à chaque fois la même chose : Que les minutes ont bien soixante secondes, ici aussi. Mon corps pourtant me dit, lui, qu’il serait temps d’aller dormir. Le seul inconvénient à tout cela, c’est que la journée est loin d’être finie. Je vais avoir du mal, je le sens, à tenir le coup jusqu’à la fin de la soirée.

Heureusement que le voyage de retour me laisse le temps de récupérer un peu. La conversation, à laquelle je n’ai pas la force de participer très activement, est animée. Les deux québécoises chatouillant l’orgueil français à propos des propretés respectives des villes du Québec et de France. Je dois avouer que, venant du sud de la France, je suis obligé d’admettre qu’elles ont en grande partie raison. Même si elles exagèrent un petit peu. Les villes françaises, du sud tout au moins, sont sales, je suis d’accord, mais ce ne sont tout de même pas des décharges : Il y a des limites ! Je conçois cependant que cela puisse choquer des gens habitués à des rues propres et nettes. L’arrivée à Montréal met fin, finalement, à cette discussion sur le point de virer à la dispute. Chacun se quitte en restant, comme toujours dans ces cas là, sur ses positions.

MEG m’entraîne alors chez ses parents où nous attends toute la famille : C’est à dire son père, sa mère, sa grand-mère, sa sœur, son beau-frère, et son neveu adoré. Je me rappelle cette soirée comme de la plus mouvementée de mon séjour. Elle n’a vraiment pas été triste, croyez-moi ! La maison est grande, splendide, c’est une maison où il doit faire bon vivre. Toute la famille est extrêmement gentille, la grand-mère, notamment, est d’une vitalité exceptionnelle. Avant que nous mangions, MEG m’a fait visiter la maison, puis m’a montré le carnet de voyage qu’elle a réalisé après sa venue en France, chez moi. Puis on a dîné dans une atmosphère de grande joie. Je ne sais pas si la famille de MEG est représentative des québécois en général, mais j’ai eu l’impression d’une grande gaieté et d’une très bonne entente entre tous. Je dois avouer que lorsque MEG, sa mère et sa sœur se mettaient à faire semblant de se disputer, quand elles parlaient toutes à la fois, j’ai quelques fois été complètement perdu ! Je ne comprenais plus rien à ce qu’elles se disaient, et mon esprit fatigué, pas encore habitué à l’accent québécois, déclarait forfait. Heureusement que le père de MEG, est venu parfois à mon secours en me jetant des regards amusés. Je me suis senti vraiment bien accueilli et bien à mon aise. Cela ne faisait qu’un jour que j’étais arrivé, et déjà je me sentais un peu chez moi. Moi qui suis d’ordinaire très timide, qui met toujours beaucoup de temps pour m’intégrer dans un groupe, quel qu’il soit, je me voyais devenir nettement plus communicatif que d’habitude, j’oubliais mes coutumières inhibitions. Comme dirait MEG, je me suis lâché. Déjà je savais que j’avais eu raison de venir au Québec et que ce pays possédait quelque chose de plus, quelque chose de particulier pour faire de lui un endroit unique au monde.

Comme je commençais vraiment à m’endormir, MEG, qui elle aussi était assez fatiguée, a décidé de rentrer. En prévision, nous avions pour le lendemain un aller-retour à Ottawa, la capitale fédérale du Canada, située à peu moins de deux heures de Montréal, vers le sud.

OTTAWA :

Après un réveil matinal, nous nous embarquons dans la voiture en direction d’Ottawa. Comme partout ici, la route est droite, parfaitement rectiligne durant des kilomètres et des kilomètres. Le soleil nous accompagne tout au long de la traversée du sud du Québec, les nuages n’apparaissent qu’après la frontière de l’Ontario. La pluie commence à tomber à notre arrivée à Ottawa. C’est dommage, j’aurai préféré voir le parlement du Canada baigné uniquement par le soleil, mais qu’importe, je m’accommoderai aisément de la pluie.

Une petite plaisanterie, un petit Joke, m’est venue, histoire de faire un peu enrager les québécois, et MEG en particulier. Je lui ai tout simplement dit que la plus belle chose que j’ai vu au Québec… C’était Ottawa. (Pour les nuls en géographie, Ottawa c’est la capitale du Canada, et c’est en Ontario, pas au Québec !) Non, sérieusement, Ottawa est une ville qui a son charme. C’est une ville, certainement pas la plus belle que je connaisse, mais assez agréable à visiter. Bien évidemment je ne peux pas trop en parler parce que, en définitive, je ne connais que les abords du parlement. Le parlement en lui-même est un lieu vraiment à voir. Il est surtout impressionnant pour son immense bibliothèque qui renferme, entre autre, tous les comptes rendus des sessions parlementaires depuis la création de la confédération canadienne. La bibliothèque est aussi le seul élément à avoir survécu à l’incendie qui a détruit le parlement. Le tout forme un monument tel que l’Amérique peut en offrir : Imposant et inspirant le respect.

Il suffit ensuite de marcher quelques minutes le long d’une rue très américaine, une rue comme l’on en voit dans les films américains, avec sa cohorte de voitures, que je ne connais pas pour la plupart, et sur les trottoirs, une foule pressée et bruyante, pour parvenir, comme souvent au Canada, en un lieu d’un calme quasi absolu. On parvient au bord d’un canal, accompagnés seulement par le chant des oiseaux et les courses des écureuils : le calme total à quelques hectomètres de la frénésie. Le soleil est revenu et je peux goûter sereinement à ma première image de l’Amérique. Souvent je vais retrouver ce calme, étrange presque, en plein cœur de la ville. Souvent je retrouverai l’eau tranquille en plein milieu de la civilisation. Mais, il nous faut déjà repartir dans la foule pour regagner la voiture. Je me rends compte que, finalement, l’atmosphère d’Ottawa est un peu trop anglophone à mon goût (Comme certains endroits de Montréal parfois…). Surtout pour un français désirant visiter, découvrir le Québec.

Le soir donc, retour à Montréal, par cette route si étrange pour moi européen citadin. Un peu plus d’une heure et demie de voyage, et seulement des fermes parsemées deçà, delà, et, parfois, surgissant brusquement à l’horizon, un petit village. A perte de vue, des champs et des forêts : Les grands espaces du Canada enfin sous mes yeux. Un premier choc des cultures… Mais il y en aura d’autres.

Une fois arrivée à Montréal, nous nous dépêchons pour arriver tôt chez deux autres amis de MEG. Elle a son premier cours de danse de l’année ce soir et a décidé de m’abandonner lâchement. Entre nous, ceci ne me dérange guère. Je suis encore bien fatigué et j’ai un peu de mal à me mettre à l’heure canadienne. Ces quelques minutes de repos ne vont pas être de trop, surtout que demain commence la grande aventure !

QUEBEC :

Je me sors difficilement de mes rêves, le décalage horaire se faisant toujours sentir. Je me lève et je prépare mon sac de voyage. Puis, nous voilà reparti, cette fois-ci pour une semaine de pérégrinations à travers le Québec. Enfin, une partie du Québec seulement, problème de temps oblige. On embarque dans la voiture toute neuve de MEG, je crois d’ailleurs que je n’ai pas porté chance à la Toyota Tercel de mon hôtesse, je n’en dirai pas plus, MEG comprendra… On part enfin sur la route de Québec.

Deux heures et demie de trajet et seulement une ville, Trois-Rivières, sur le passage. Une immense ligne droite bordée d’arbres et encadrée de petites montagnes : Les pistes de ski des montréalais. De temps à autre (trop souvent à mon goût), sur le bord de la route, de grands panneaux publicitaires rappellent la présence invisible certes, mais bien réelle, des êtres humains. Sur ces panneaux, encore de nouvelles raisons de me sentir dépaysé. J’ai l’habitude, chez moi, en Provence, de tous ces panneaux annonçant des magasins qui vendent tous ce qu’il est possible de vendre, tellement l’habitude que je ne les voie même plus. Tous annoncent le prochain magasin à la prochaine rue à gauche ou tout droit à cinq minutes. Ici, au Québec, sous mes yeux, une affiche indique un magasin de meubles situé à… Trente-sept kilomètres ! Autrement dit, d’ici à là, il n’y a rien d’autres, il n’y a rien. De quoi donner le vertige et faire prendre conscience de manière tangible de ces infinis horizons. Il est vrai qu’il peut y avoir de la place dans ce merveilleux Québec. Imaginez : Un pays trois fois grand comme la France et à peu près huit fois moins d’habitants. La plupart groupés aux environs de Montréal et des rares autres grandes villes éparpillées sur cet immense territoire.

Tous les voyages effectués avec MEG à travers le Québec m’ont permis de parler longuement avec elle et d’échanger un peu de nos cultures respectives. Des cultures très différentes et dont les différences s’expriment d’abord par de petits détails : Ici on parle en heures de trajet, et pas en kilomètres ; Ici la radio est francophone et fière de ses artistes, diffusant à longueur de journée les chanteurs québécois, quelques fois français et plus rarement américains. L’occasion pour moi de découvrir des « stars » encore inconnues en Europe : France d’Amour, Kévin Parent, entre autres. L’occasion aussi de me rendre compte à quel point la langue française est défendue avec force, par ces hommes et ces femmes qui ne veulent à aucun prix se laisser submerger par l’Amérique toute proche. Toutes et tous unis sous un même drapeau fleurdelisé, et parlant une seule et même langue avec amour, obstination, voire acharnement. Mais, laissons là les considérations philosophiques, nous arrivons à Québec : Québec la coquette, qui garde son allure de vieille ville fortifiée rejetant l’architecture moderne à la périphérie du centre historique.

Voilà donc le lieu où tout a commencé (ou presque). Sur cette terre a été fondée véritablement la plus belle des provinces. Sur cette terre qui a abattu dès la première année l’immense majorité des prétentieux pionniers qui venaient la défier. Des hommes qui voulaient imposer leur mode de vie européen, là où seules les tribus amérindiennes étaient parvenues à domestiquer le climat hostile de cette belle rebelle. Voici donc la ville où s’est achevée l’aventure française en Amérique ! La France laissant ici ses enfants abandonnés qui ont du apprendre seuls à grandir dans l’adversité, qui ont du apprendre à s’unir et à être vraiment solidaires : Pour survivre tout simplement. Ces enfants ont bien grandi, ce sont nos « cousins » aujourd’hui. Et nos cousins n’ont pas oublié les trahisons et les abandons, mais je ne crois pas qu’ils nous en veuillent encore vraiment. Peut-être subsiste-t-il juste un léger sentiment de méfiance. Sans doute l’avons nous mérité, nous autres français, si arrogants parfois.

Québec est une très jolie ville. Elle est incontestablement bien plus belle, esthétiquement parlant, que Montréal. On sent qu’ici bat le cœur du Québec ! Montréal est une ville d’affaire, une ville multi-culturelle, une ville multiraciale. Québec, elle, est québécoise, définitivement et exclusivement québécoise. Ici, on parle québécois, on vit québécois, on pense québécois. Le Canada paraît parfois si loin. Le drapeau bleu et blanc à fleur de lys s’impose largement. Bien sûr, Québec est une ville éminemment touristique, commercialement touristique, la seule ville fortifiée d’Amérique du Nord qui attire des américains tout étonnés de découvrir un parfum d’Europe si proche de chez eux. Mais c’est une ville avant tout authentiquement québécoise. Québec est belle, très belle.

Nous pénétrons dans Québec par la Porte Saint-Louis et allons nous garer tout près du Parc Montmorency. Après un rapide pique-nique improvisé dans la voiture, on se dirige, sous une pluie éparse, vers le château Frontenac. Une longue montée d’un escalier de bois nous amène à la porte Prescott. On entre au cœur du Vieux-Québec, dans la Haute-Ville. De là, visite obligée aux Plaines d’Abraham. C’est là que Montcalm perdit, un beau jour de 1759, la ville et par la même occasion la vie. La taille de l’endroit me semble bizarre, je pensais que le site serait immense, et il m’apparaît bien petit pour un si grand événement. La forteresse anglaise, bâtie sur l’emplacement des fortifications françaises, et les tours de guet entourent ces vastes pelouses, souvenirs de lointaines batailles pour une cité qui n’a plus connu de guerre depuis. Je ressens une impression étrange en marchant là où sont morts tant d’hommes. Cela me rappelle une visite que j’ai faite, lorsque j’étais plus jeune, au site de la bataille de Verdun. Je retrouve un peu la même sensation troublante : Voir ces paysages paisibles, d’un vert uni, et se dire que là sont morts tant et tant d’hommes, cela a quelque chose de surréaliste. Nous sommes seuls sur ces plaines, la pluie semble avoir rebuté les touristes, et c’est tant mieux. Devant nous le fleuve Saint-Laurent coule lentement, surveillé par les canons désormais muets. En face, sur l’autre rive, la ville de Lévis nous apparaît distinctement. Le fleuve n’est pas très large à la hauteur de Québec, d’ailleurs son nom ne vient-il des indiens Algonquin chez qui le mot « Kebec » signifie « Là où la rivière se resserre » ?

Après avoir parcouru les plaines, nous parvenons sur le bord de la falaise à la promenade des gouverneurs qui nous amène, par une longue suite d’escaliers en bois, à une autre promenade, absolument superbe : La promenade Dufferin. C’est une immense terrasse de bois qui conduit au château Frontenac. Le majestueux château Frontenac à l’architecture unique. On se croirait presque dans un conte de fées, plein de belles princesses tristes. Moi, à cet instant, ma princesse s’appelle MEG et, elle, est loin d’être triste. En regardant le château, je me dis que je n’envie pas ceux qui sont affectés au nettoyage des innombrables vitres de cette bâtisse constellée de fenêtres. En oubliant les touristes, je pourrai me croire revenu un siècle en arrière, avec les maisons québécoises typiques, en bois, multicolores, et, derrière, la vieille ville aux ruelles étroites bordées de maisons de pierres à un ou deux étages. La balade dans Québec est réellement agréable. Le calme des petites rues et le charme de ces anciennes demeures, créent une atmosphère reposante, apaisante.

L’après-midi avançant, nous regagnons la voiture et nous partons à quelques kilomètres de la ville pour voir la fameuse chute Montmorency. On peut considérer la chute comme une revanche des québécois contre l’Ontario. En effet, la chute est plus haute que celles du Niagara (83,5 mètres), moins large, certes, mais plus haute. Et c’est vrai qu’elle est haute ! Bien sûr, il y a un téléphérique pour accéder au sommet. Mais, MEG et moi nous nous sommes promis de faire une visite « sportive » : Nous allons donc monter à pied. Je déconseille à ceux qui sont allergiques aux escaliers d’entreprendre cette essoufflante ascension ! La chute, d’après ce que j’ai vu sur les cartes postales, est encore plus belle l’hiver, lorsque l’eau gèle, formant une surprenante sculpture naturelle.

En premier lieu, il nous faut passer sous la douche d’embruns qui balaie le pied de la cascade, puis commencer à gravir les marches de bois détrempées pour atteindre les différents belvédères permettant d’observer la chute sous divers angles. Nous commençons par gravir les marches en courant mais, rapidement, notre rythme se ralentit. Le souffle se fait plus court : Ce doit être à cause de l’altitude… En haut, au niveau du sommet de la chute qu’enjambe un pont, de bois lui aussi, démarre un chemin bordé de pelouse qui serpente au milieu d’un ancien camp militaire anglais. Une fois arrivés sur le pont, on embrasse du regard le décor immense, apparemment sans limite : L’île d’Orléans, Lévis et les forêts d’érables s’étendent devant nos yeux émerveillés. Il ne nous reste plus qu’à descendre une volée de marches pour parvenir de l’autre côté de la chute et apercevoir, avec satisfaction, le chemin parcouru pour arriver là… Puis nous dire qu’il ne nous reste plus qu’à redescendre tout cela ! J’ai compté les marches au retour et, sauf erreur de ma part, j’en ai dénombré 576 ! Ca n’a pas de bon sens de faire une telle escalade juste par plaisir…

Nous devons dégringoler rapidement les escaliers : Un ami de MEG nous attend pour souper et il doit nous rejoindre sur le parking en bas de la chute. Heureusement, nous tenons une forme olympique. Nous prenons une nouvelle douche en passant au pied de la chute, et c’est relativement « humides » que l’on parvient, finalement, à l’heure, à la voiture. Vous ai-je déjà dit que les québécois sont des gens merveilleux ? Nous retrouvons l’ami de MEG en bas et, tout de suite, je sais que je vais bien m’entendre avec lui. Malgré une bonne grosse fatigue, je passe une excellente soirée. Il parle beaucoup, et MEG n’est pas en reste. Tout le repas ils échangent des histoires et des anecdotes dont je ne saisis pas toujours le sens : Ma compréhension du québécois s’améliore mais elle n’est pas encore parfaite. La conversation dure tant et si bien que les serveurs doivent attendre impatiemment notre départ pour pouvoir enfin fermer. Finalement nous quittons les lieux, la soirée nous aura permis de dénicher un logement, relativement proche de Tadoussac, nous permettant d’aller voir les baleines avec une grande tranquillité d’esprit. Et quel logement ! Mais, j’y reviendrai plus tard.

Je ne m’attarderai pas trop longtemps sur notre nuit à Québec. Si ce n’est qu’elle m’a fait découvrir les résidences universitaires de l’université Laval. Nous sommes reçus là-bas par MD, une cousine de MEG. Je ne sais pas si j’ai le droit de le dire ici, mais j’ai dormi à un étage, en principe, réservé aux filles… Ce n’était pas si désagréable que cela ! (Ne soyez pas jaloux messieurs…) Même si la chambre était à peu près aussi grande que ma main, à peu près aussi grande que la sincérité d’un homme politique. C’est, sans doute, ce que j’ai vu de moins grand au Québec, avec l’aéroport de Dorval. Mais, bon, on peut accepter quelques sacrifices pour un aussi beau pays, surtout en étant en si bonne et si charmante compagnie…

LE QUEBEC TYPIQUE :

Au réveil, la pluie avait cessé et un beau et grand soleil accueillait nos âmes encore embrumées de sommeil. Départ rapide en direction du village de la réserve indienne, le village de Wendake, le dernier village Huron existant. Pour nous, européens, le nom de Huron évoque des tribus de guerriers sanguinaires et sauvages. Nous, européens incultes encore ignorant de l’extermination qu’a provoqué la colonisation. Les Huron n’étaient principalement que des agriculteurs, nomades et pacifiques, qui se sont alliés aux colons français pour commercer avec eux. Ils apportaient les peaux et les fourrures et nous leur avons donné en échange la guerre, les maladies infectieuses, la civilisation. De plusieurs milliers, ils ont fini à peu près trois cents survivants au bord de l’extinction. Maintenant ils sont revenus un peu plus de mille, travaillant dans l’artisanat pour la plupart, un artisanat local qui se retrouve écoulé en partie grâce au village.

Le village est un village reconstitué qui permet aux Huron de nous faire découvrir, et de défendre avec conviction, leurs traditions et leur mode de vie. Les Huron sont, de ce point de vue là, très proches des québécois, à une échelle différente. Les deux peuples sont obligés d’être solidaires pour préserver leurs cultures respectives. la visite du village indien est pleine d’enseignement. Je découvre une manière de vivre un peu divergente de celle diffusée par les westerns américains de mon enfance. Je découvre tout au long du parcours les tentes réservées au sauna, qui était destiné à purifier les âmes, à les faire entrer en transe. Je découvre les fumoirs et les séchoirs pour la viande et le poisson, la tente du sorcier, la grande maison, abritant sous un même toit toutes les familles du village. J’apprends aussi les différentes méthodes de construction des canoës, la façon d’élire le grand chef. J’apprends à connaître la médecine indienne qui permet de guérir ou de soulager nombres de maux, de manière entièrement naturelle. Les substances utilisées sont, d’ailleurs, fort étudiées par les chercheurs qui en tirent certains de nos médicaments occidentaux. La visite guidée se termine par un vrai moment d’émotion : Notre guide chante réellement très bien. Et puis, les chants indiens sont d’une beauté poignante, ils pénètrent au plus profond de nos êtres pour nous amener dans un état proche de l’hypnose. Ce sont vraiment des chants fabuleux. Je crois que cet instant restera comme un des moments forts de mon voyage. MEG, elle, a brusquement l’envie de devenir Huronne en apprenant que les indiens vivaient dans une société matriarcale, où la femme était à la source de toute décision. Ce qui la séduit le plus, c’est d’apprendre que, chez les Huron, c’était la femme qui choisissait son mari, et, qu’en plus, elle avait le droit de l’essayer avant de confirmer son choix… Moi, personnellement, je ne vois pas ce qu’il y a de si différent par rapport à qui se passent partout dans notre monde occidental ! Finalement, ce sont toujours les femmes qui décident dans ce domaine, et pas nous, pauvres hommes si faibles. Les indiens avaient aussi découvert le caractère psychosomatique de certaines maladies. Par exemple, quand un homme était déprimé par le fait ne pas pouvoir avoir la femme qu’il désirait, alors le sorcier pouvait exiger que cette femme passe quelques temps avec le malade, pour lui permettre de retrouver un bon moral… Je crois que cela convient beaucoup moins à MEG, je me demande pourquoi ? Moi, au contraire, cela me semble bien intéressant. Trêve de plaisanterie, le village des Huron est un lieu extrêmement intéressant et instructif. Pour en finir avec certains de nos préjugés qui encombrent nos esprits, c’est une visite indispensable à mon avis.

Nous partons alors pour dîner (on dîne à midi au Québec), dans un fast-food typiquement québécois. MEG me fait goûter, je n’ai pas le choix, à la célèbre poutine, nous ne sommes pas allés chez Ashton pour rien ! Il faut que je vous explique : La poutine, ce sont des frites mélangées avec du fromage coupé en dés, le tout recouvert de sauce barbecue. Je ne peux pas dire que cela atteigne des sommets dans la gastronomie, mais, bon, ce n’est pas plus mauvais qu’un hamburger ou un hot-dog. Et, de plus, c’est un passage obligé pour qui veut se plonger véritablement dans la vie des québécois, notamment la jeunesse québécoise. Mais, heureusement qu’en ce qui concerne la nourriture, le Québec a bien d’autres choses à offrir, à nous faire déguster.

Après ce repas cent pour cent québécois, nous reprenons la voiture dans le but de faire le tour de l’île d’Orléans, une île absolument magnifique ! Sur cette île, située juste à la périphérie de Québec, et dont le tour ne fait approximativement que soixante-sept kilomètres, ne se trouvent que six villages. Chaque village, comme partout, possède son église, toutes fort belles. Les maisons y sont superbes, vraiment exceptionnellement belles. Tout ici respire le bonheur et la douceur de vivre. Si un jour j’en ai l’occasion, c’est sur cette île que je veux venir me reposer de l’effervescente activité de la ville.

Notre premier arrêt est pour une cabane à sucre qu’un panneau nous indique, excitant notre gourmandise, la mienne et surtout celle de MEG qui, bien sûr, connaît ce que c’est et n’en est que plus enthousiaste. La cabane à sucre : Un endroit magique ! C’est là que l’on recueille et traite le sirop d’érable, là où l’on retombe rapidement en enfance au milieu de toutes ces sucreries si tentantes. Dans la grande salle, un groupe de touristes a le droit à une animation typique avec chants et danses du Québec. Nous, nous restons un peu à l’écart après que ceux qui s’occupent de l’endroit nous aient assurés que l’on pourrait goûter à la tire d’érable. Que je vous explique : La tire d’érable, c’est tout simplement du sirop d’érable que l’on fait bouillir, puis on le dépose sur de la neige pour qu’il fige. Il ne reste plus qu’à l’enrouler autour d’un bâton pour en faire une sucette. Un bonbon au caramel en quelques sortes… En mille fois meilleur ! En attendant d’avoir le droit de nous régaler, on prend un peu le temps de flâner. Le temps aussi de se procurer au magasin des bonbons au sirop d’érable : Cent pour cent de sucre, et de bonheur. Et puis, il y a aussi le sirop d’érable en cane, en bouteille quoi, que l’on verse sur les gâteaux ou sur les crêpes, excellent, tout bonnement excellent ! Dans une espèce d’atelier attenant, un homme fait bouillir du sirop d’érable en prévision de notre tire prochaine. L’odeur est fabuleuse, mon estomac se met à réclamer sa part de douceur. Je lui intime l’ordre de se taire et je continue ma visite. En effet, dans la cabane à sucre se trouve également un petit musée retraçant l’histoire de la récolte du sirop d’érable, ainsi que l’histoire succincte des bûcherons. Les fameux bûcherons canadiens : Une véritable image d’Epinal, liée aux fleuves remplis de troncs d’arbres. Le Québec de mes rêves d’enfants. Derrière les bâtiments destinés à la récolte et au commerce du sirop d’érable, se trouve un petit village indien. On nous explique que cela sera une nouvelle attraction de la cabane à sucre.

Vient l’heure de la tire. Je m’approche du morceau de neige artificielle en suivant MEG. Je lui fais confiance, dans le domaine de la gourmandise elle est infaillible. Je suis ses gestes et je l’imite scrupuleusement. Je goûte et je fonds de plaisir. C’est bon qu’ça s’peut pas ! Si je ne savais pas que le sucre à haute dose me rend malade, je me resservirais encore et encore. Je suis comme un gamin, et MEG est pire que moi. Rien ne semble pouvoir l’arrêter. Elle est incorrigible !

Malheureusement, les meilleures choses ayant une fin, nous sommes bien obligés de quitter ces lieux de gourmandise. Nos sens sont rapidement consolés. Tout au long de la route nous apparaît le charme inégalable de cette île merveilleuse. Partout, ce ne sont que nature et beauté. Les érables s’étendent à perte de vue sur le léger relief central. Les champs entourent les maisons, des maisons à la beauté vraiment rare pour des constructions d’habitations humaines. Rares sont les villes ou les villages où les maisons sont aussi agréables à contempler que le paysage. Elles semblent légères, de vraies maisons de poupées à échelle réelle. Ce sont des maisons québécoises, les vraies de vraies sont en bois blanc, surmontées d’un toit rouge. Sans oublier les lucarnes sous le toit, chapeautées d’un triangle de bois, rouge lui aussi. Qu’elles sont belles ces maisons posées sur de grandes pelouses au vert éclatant. Ici, comme partout au Québec, pas de barrières. La liberté est totale, et le regard n’est pas arrêté par de revêches palissades semblant forcer les hommes à se recroqueviller dans un égoïste individualisme. La route longe la côte à n’en plus finir. Mes yeux ne parviennent plus à saisir autant de splendeurs. Chaque mètre parcouru découvre de nouvelles visions que je voudrais saisir pour pouvoir m’en souvenir éternellement.

Nous empruntons un petit chemin qui s’éloigne de la route principale, et qui s’enfonce entre les arbres en direction du bord de mer. Nous sommes juste un peu avant l’entrée de Saint-François. La route n’est vraiment pas en bon état, il nous aurait fallu un 4X4. Le chemin nous amène devant de petites cabanes, de pêcheurs je pense, ou bien de chasseurs, là n’est pas la question. Nous nous retrouvons à quelques encablures seulement du Saint-Laurent. Plus aucun obstacle ne vient arrêter nos regards, seul un marécage nous sépare encore du fleuve. La vue est superbe et nous offre une impression d’immensité. Face à nous le cap Tourmente dresse son extrémité forestière. C’est beau, tout simplement. Je suis sûr que les centaines, voire les milliers de touristes qui viennent chaque année sur l’île d’Orléans n’ont pas la chance d’avoir accès à cette vision de rêve. En effet, la route principale passe plus loin, derrière les arbres, et il faut être avec une québécoise aventurière pour s’engager sur ces petites routes que les bus évitent.

Nous repartons pour Saint-François. Un arrêt devant l’église nous donne l’occasion de descendre sur la plage rocailleuse. J’approche, presque respectueusement le Saint-Laurent calme et imperturbable. Je ne résiste pas longtemps à l’envie de tremper mes mains dans l’eau transparente. Elle n’est pas aussi froide que je ne l’aurai imaginé. J’ai juste l’impression d’une fraîcheur toute douce, l’impression aussi de me mêler un peu à cette terre que je commence à aimer tant. Je crois, en quelque sorte, que je me baptise une deuxième fois avec l’eau du Saint-Laurent. Je deviens, dans mon âme, un enfant adoptif de ce pays où mon cœur trouve enfin sa vraie place sur Terre. Je crois (je suis sûr en fait), que MEG ne s’est rendue compte de rien, qu’elle n’a pas réalisé la lente transformation qui s’amorce en moi. Je deviens de moins en moins un touriste pour passer au statut de sans-abri, de locataire à la recherche d’un endroit où vivre et s’installer pour longtemps, pour toujours peut-être… Les paysages du Québec se sont fait les murs de mon hypothétique future demeure, et MEG la plus convainquante des représentantes de son Québec bien-aimé.

On finit le tour de l’île en roulant tranquillement, avec la certitude d’avoir la triste obligation de devoir partir bientôt. La voiture s’engage sur le pont reliant l’île à Québec, nous regagnons à contrecœur la civilisation. Il est bien tard déjà. Nous décidons de nous rendre directement dans la vieille ville pour nous promener encore un peu au hasard des ruelles de la ville basse, et pour chercher un restaurant québécois. MEG tient absolument à me faire découvrir les spécialités culinaires locales. Elles sont, croyez-moi, très, très consistantes. Nous nous garons donc puis nous partons déambuler dans la ville. On part du vieux port qui est certainement l’endroit que j’aime le moins : Trop bruyant, trop de voiture, trop banalement urbain. Nous remontons ensuite vers la cathédrale Notre Dame des Victoires, remontant la rue Dalhousie bordée de canons, prenant par endroit des allures de Monaco aux alentours du palais princier, en beaucoup plus plaisant à mon goût. Puis, en touristes que nous sommes, nous faisons le tour des magasins de la vieille ville qui ne vit d’ailleurs que de cela. Après avoir errés dans la ville, découvrant des trésors de charmes architecturaux, nous partons en quête d’un restaurant, l’estomac dans les talons, et les talons fatigués par des heures de marche. Un petit restaurant spécialisé dans la gastronomie québécoise attire notre attention. On y entre donc. MEG m’impose quasiment les plats qu’elle veut que je découvre. Amusé par son empressement, je me laisse faire. Pour moins de quatre-vingt francs, j’ai failli finir au bord de l’asphyxie. Tout d’abord l’entrée : Une salade composée que n’aurait pas renié Gargantua lui-même. Puis le plat principal : Une tourtière du lac Saint-Jean. Alors la tourtière, on peut dire, en résumé, que c’est une tourte avec différentes viandes qui tient particulièrement bien au corps. De plus, la portion est loin d’être radine. Après une bonne tourtière, on peut affronter le froid l’esprit tranquille : On a assez de calories pour tenir le coup un long moment. Dire qu’il y a encore un dessert à avaler ! Je n’arrive déjà pas à finir mon assiette… Finalement le gâteau est servi. Il a l’air bien bon, je vais trouver une petite place pour le mettre. C’est un pudding chômeur. Tout le monde connaît le pudding, n’est-ce pas ? Il suffit d’en retirer les fruits (d’où le nom de chômeur, il me semble), et de le napper ensuite, et à volonté… De sirop d’érable ! Mon dieu que c’est excellent ! J’en salive encore. Tout cela fait un repas peut-être un peu lourd à digérer, mais vraiment inoubliable. La cuisine québécoise est sans doute moins raffinée que la cuisine française, mais putain qu’elle est bonne ! Il faut avoir l’estomac solide, mais les papilles, elles, sont en extase. Les quelques minutes de marches nécessaires pour rejoindre la voiture sont bien utiles pour digérer ce pantagruélique repas.

Il est bientôt vingt et une heures, et on nous attend pour dormir… A Chicoutimi. Deux heures et demi de voyage à travers le parc des Laurentides nous attendent pour finir cette éprouvante journée. Une des journées les plus réussies que j’ai vécu depuis longtemps. Une bonne journée ! Je dois avouer que je n’ai plus trop de souvenir du voyage vers Chicoutimi. Je m’en excuse encore auprès de MEG. J’aurais bien voulu lui tenir compagnie, mais le sommeil m’a rattrapé, et je n’ai pas eu le courage de lui résister. Je peux juste me souvenir que l’on a tourné un bon moment dans Chicoutimi, à la recherche d’une route qui prenait un malin plaisir à se dérober à nos yeux. Heureusement, grâce au plan d’un noctambule serviable, nous trouvons la maison des amis de MEG qui se proposent, avec plaisir, de nous loger pour les deux prochaines nuits. Comme partout au Québec, l’accueil est impeccable, simple et chaleureux. On a beaucoup à apprendre de nos « cousins d’Amérique » en matière d’hospitalité, et en bien d’autres domaines aussi d’ailleurs… Le temps de faire connaissance mes hôtes, le temps de se décider sur l’itinéraire du lendemain, et je m’endors pour une longue nuit réparatrice. Je suis fatigué et MEG l’est bien plus encore car, en plus, elle a conduit pendant que moi je dormais. J’ai honte... C’est pour cela que, le lendemain, le réveil est plus pénible, et plus tardif, que prévu. Ce n’est pas sérieux de se lever à dix heures du matin quand on veut occuper pleinement ses vacances.

LE LAC SAINT-JEAN, VAL-JALBERT :

Dès le matin, me voilà replongé dans la vie américaine avec un petit déjeuner surprenant pour moi qui n’ai pas l’habitude de manger autant le matin : Œufs, bacon, toasts et, surtout, beurre de peanut. Là, je dois avouer que j’ai du mal à avaler cela. L’après-midi, à l’heure du goûter, je ne dis pas : Le beurre de peanut, ce n’est pas mauvais. Mais, c’est salé, extrêmement salé, salé à l’excès. Manger cela dès le matin ? Désolé, ça a vraiment du mal à passer. Mais, bon, j’ai essayé.

Après ces nouvelles expérimentations culinaires, le cours de notre visite reprend. Le premier arrêt est pour le plus beau point de vue que l’on puisse avoir de Chicoutimi sur le fjord du Saguenay. Encore une grosse claque pour mes sens, partout de la splendeur et de la beauté. Voilà comment bien commencer une journée, par un regard illuminé d’amour sur ces infinis paysages. J’ai retrouvé dans la région du Saguenay, cette lumière et ces décors sauvages que l’on découvre en France du côté des gorges du Verdon. La région du lac de sainte-Croix ressemble un peu à un Québec en miniature. Je pourrais dire aussi que le Québec est un pays où l’on découvrirait des sites, dignes de ces fameuses gorges, à chaque détour de chemin…

Nous partons ensuite en direction de Val-Jalbert, le village fantôme ! L’occasion de longer l’immense (et oui, tout est grand ici) lac Saint-Jean. Par temps clair, et en prenant un peu d’altitude, on peut tout juste apercevoir, parfois, les reliefs de l’autre rive. C’est vous dire la taille de l’étendue d’eau en question. Je me sens tout petit en face de ce lac sans fin. Je me dis que la petite île flottant au milieu serait, peut-être, intéressante à acheter. Ce serait la certitude d’être au calme.

Les arbres tout autour du lac sont magnifiques, ils commencent à prendre leurs couleurs d’automne. Un automne comme je n’en ai jamais connu, un automne de carte postale. Moi, mes décors ne sont que des décors de plages postales, sans aucun rapport avec les saisons bien différenciées de la belle province. Ici, l’automne n’est pas une saison fantôme, l’automne existe !

L’arrivée au village de Val-Jalbert est assez rapide. C’est le commencement d’un grand moment de rigolade. Mais, tout d’abord, visitons les lieux : Ce village présente une intéressante rétrospective sur la vie des pionniers du début du siècle. Il abrite une maison qui reconstitue le mode de vie de l’époque. Tout y est réuni, de la cuisine aux chambres. Cette même maison possède un mini-musée avec une chapelle, une salle de classe où l’on trouve de vieilles cartes géographiques (du début du siècle : Que le monde a changé depuis !) et une galerie de photos-portraits des anciens maires et des institutrices, toutes religieuses, comme souvent au Québec à l’époque.

Une fois finie la visite de la maison, on emprunte un bus qui nous fait découvrir le village en partie restauré. C’est à ce moment que le fou rire éclate. Le chauffeur du bus, qui commente aussi la visite, est sans doute un peu « fatigué » de la longue saison estivale touristique qui s’achève. Ses plaisanteries au sujet du « village fantôme de Val-Jalbert » ne sont comprises que par les québécois présents. J’en comprends aussi la plus grande part mais, les autres français nous accompagnant, et encore peu familiarisés avec l’accent québécois, semblent bel et bien perdus sur une autre planète.

Malgré les délires de notre chauffeur fou, on apprend, malgré tout, que le village a été abandonné entre les deux guerres, en 1928 je crois, lorsque l’usine de pâte à papier a fermé ses portes et qu’il a été ensuite restauré pour conserver une part du patrimoine humain québécois. Je me crois dans un décor de western, un peu comme dans un épisode de « la petite maison dans la prairie ». Les maisons sont toutes en bois, posées sur le flanc de la colline, au milieu des arbres qui ont repris leurs droits depuis le départ des hommes, recouvrant même l’ancienne voie de chemin de fer.

Au-dessus du village, l’ancienne usine a été transformée en point central de la visite. Elle abrite le magasin de souvenir, bien entendu, le départ du téléphérique qui conduit en haut de la chute (d’une hauteur de 72 mètres, elle aussi dépasse les chutes du Niagara) qui faisait fonctionner l’usine, et un restaurant, bienvenu pour nos ventres affamés. Le temps d’avaler un hot-dog (fort bon, ma foi. Meilleur que ceux que j’ai l’habitude de manger.), De discuter avec la serveuse qui se félicite de la présence de touristes français qui dépensent ici pas mal d’argent, et nous voilà parti pour le téléphérique.

La chute de Val-Jalbert était, à l’époque, captée dans une énorme conduite forcée pour alimenter l’usine. Cette eau servait à faire tourner les turbines pour produire de l’électricité et pour faire tourner les machines fabriquant la pâte à papier. Un canal charriait les troncs jusqu’aux broyeuses. L’eau de la rivière, grâce à la chute, servait vraiment à faire vivre le village, elle était sa richesse, sa matière première. Arrivés tout en haut de la chute, nous empruntons un sentier cheminant dans la forêt. On débouche vite sur une esplanade aménagée d’où la vue est saisissante. On se croirait sur le tournage de « La rivière sans retour ». Une rivière sauvage court entre les arbres, au fond d’une vallée étroite et encaissée. Elle se transforme en rapides avant de se laisser tomber tout en bas pour aller se jeter ensuite dans le lac Saint-Jean. Quelques fois, en fermant les yeux, j’avais rêvé de tels paysages, mais jamais je n’aurais pu imaginer qu’ils auraient une telle splendeur, une telle force émotionnelle. Tout au long de son cours, la rivière à la même fougue sauvage, la même agilité, la même liberté. Je me détache du paysage, il faut bien rentrer avec le téléphérique à un moment ou à un autre. De retour en bas de la chute, nous reprenons le bus pour redescendre à la voiture. C’est le même chauffeur qu’à l’aller, toujours aussi disjoncté. Une nouvelle tranche de fou rire nous prend. De quoi garder un souvenir agréable et impérissable de notre visite au village fantôme de Val-Jalbert. Vive la Marseillaise, vive la France et vive le Québec !

Nous refaisons alors la route à l’envers, suivant de nouveau la rive du si vaste lac Saint-Jean. Il faut toujours que les québécois exagèrent. Ils auraient pu se contenter d’un lac normal. Mais non, à la place il ont une véritable mer… Sacré Piekouagami !

Avant de rentrer à Chicoutimi, nous faisons un petit détour par La Baie. Le point de vue, paraît-il, le plus beau sur le fjord du Saguenay à la sortie du lac Saint-Jean. Je me pose des questions au sujet de la véracité de cette affirmation en y arrivant : Une énorme usine est posée sur la rive et semble devoir rompre tout le charme de l’endroit. Je dois pourtant reconnaître, encore une fois, que la vue est magnifique dès que nous laissons cette usine derrière nous. Sur l’autre rive, on aperçoit l’image typique du Québec : Un petit village qui pointe vers le ciel le clocher brillant de son inévitable église. Un petit village blotti contre la colline et s’étendant langoureusement sur le bord de la rivière. Un village ravissant pour tout dire. Même l’usine toute proche ne parvient pas à troubler l’ordre naturel de l’endroit. Les couleurs sont splendides et la lumière saisissante : Je suis sous le charme !

Nous repartons enfin à Chicoutimi. MEG veut voir la célèbre maison blanche. La seule maison qui a résisté aux inondations catastrophiques de 1995. Le symbole de la résistance québécoise aux intempéries climatiques. Ensuite, après que MEG ait essuyé ses larmes, nous allons faire un petit tour du côté de la maison qu’elle occupait lorsqu’elle habitait ici, vingt ans auparavant. A la fin de cette journée marathon, nous rentrons finalement nous reposer. Je profite de l’occasion pour zapper toute la soirée en parcourant l’univers télévisuel du Québec. Une première bonne surprise : Ici les émissions sont à l’heure. Mais les coupures publicitaires sont très fréquentes. La qualité des programmes n’est pas exceptionnelle : Existe-t-il un pays où la télévision est vraiment intéressante ? MEG me force juste à regarder deux des séries incontournables au Québec : « La petite vie », et « Un gars, une fille ». Elles ne sont pas si mal que cela. Il y a de quoi rire franchement.

Pendant MEG et son amie discutent entre femmes, en feuilletant des albums photos, je m’en vais dormir : Demain, il va y avoir une matinée chargée. L’un des points d’orgue de notre périple est prévu : La croisière-safari sur le Saint-Laurent pour aller voir les baleines. Direction Tadoussac. J’espère que les cétacés seront au rendez-vous. Septembre est en principe la fin de la saison, mais il devrait en rester suffisamment.

TADOUSSAC :

Le voyage de Chicoutimi à Tadoussac est un véritable enchantement. Sur des conseils avisés, nous prenons la route longeant la rive nord de la rivière. Le trajet passe par le parc du Saguenay, superbe, surtout en cette saison automnale. L’automne au Québec : L’une des plus belles saisons sur Terre ! Les couleurs qui commencent à sortir sont absolument sublimes, mélange de vert, de jaune et de rouge, avec des milliers de subtiles nuances. Partout ce ne sont qu’arbres aux feuillages chatoyants et fournis. Où que je pose mon regard, je n’aperçois qu’une forêt dense et multicolore. Soudain, au milieu de cet environnement végétal, surgissent par endroit des petits lacs, petits bouts de paradis perdus dans un jardin d’Eden, d’où l’homme, heureusement, n’a pas encore été chassé. Je m’imagine bien possédant un des chalets bâtis au bord des lacs, pour pouvoir m’y cacher de la foule citadine. Pour qui aime la tranquillité, tout en conservant un aspect pratique, c’est l’endroit idéal : Pas très éloigné de la route principale, mais, en même temps, plongé au cœur de la forêt québécoise, un vrai rêve… Je sais maintenant qu’un jour je reviendrai voir tout cela. Il est impossible que je ne revienne pas me perdre dans ce parc si naturel. Il est impensable que je puisse me passer de ce pays merveilleux, de ces décors apaisants et puissants à la fois. Je ne peux pas croire que je ne reverrais jamais cette province si belle, si belle, tellement belle. Jamais auparavant je n’avais senti une telle passion naître en moi autrement que pour une femme. Je suis tombé amoureux de ce bout de Terre. J’aime de plus en plus le Québec, vraiment ! MEG m’avait dit, avant mon départ de France, qu’elle voulait que mon séjour soit une totale réussite, pour que je déverse des torrents de louanges sur son pays à mon retour. Elle y a déjà réussi bien au-delà de ses espérances. Non seulement je suis littéralement subjugué par la Belle Province mais, de plus, je voudrais ne pas en repartir : Tout est tellement beau ici !

Il est un peu plus de midi et le Saint-Laurent s’annonce. Nous voici arrivés à Tadoussac, un village côtier tout mignon. Ici, tout a été dédié aux baleines. On leur a fait un musée et on y a développé un florissant tourisme de croisière, pour les approcher au plus près. Impossible de ne pas trouver un endroit pour réserver un billet : Le village est truffé de panneaux indiquant diverses sociétés de croisières concurrentes. On m’a conseillé d’effectuer le safari-photo aux cétacés à bord d’un des multiples zodiacs qui se proposent à nous. Nous partons donc en quête d’un billet pour affronter l’eau froide du Saint-Laurent Rapidement, nous trouvons exactement ce que nous recherchons. Il nous reste juste le temps de manger, avant d’embarquer pour la croisière qui dure quand même trois heures : Il vaut mieux partir le ventre plein. Le repas me donne l’occasion d’apprécier l’un des multiples desserts locaux que je ne peux m’empêcher de vous présenter. Bon, d’accord, il faut aimer manger sucré pour les apprécier vraiment, mais, dans ce cas, force est de reconnaître qu’ils sont absolument excellents. J’en ai goûté plusieurs et, à chaque fois, je me suis régalé. Comment ne pas parler de la très fameuse tarte au sucre, pour commencer ? Elle vous fond dans la bouche, sans donner l’impression d’être avalée, j’en mangerai sans fin. Si, en plus, on rajoute une boule de glace, de préférence à la vanille, par-dessus, on atteint les sommets du bonheur gustatif : Un vrai chef-d’œuvre !

Je n’oublie pas la non moins délicieuse tarte aux bleuets (Autant vous le dire tout de suite, messieurs-dames les européens : Le bleuet est un fruit qui ne pousse que là-bas.), elle est aussi légère que la tarte au sucre, et presque aussi bonne. Il faut dire que les bleuets sont, par eux-mêmes, d’excellent petits fruits ; Mais c’est préparé sous la forme de tarte qu’ils trouvent l’expression parfaite de leur saveur. Je vous ai déjà parlé du pudding chômeur. Je ne reviendrai dessus que pour confirmer l’excellence de ce dessert mémorable. Je m’en voudrai, enfin, d’oublier les tartes aux pommes de MEG. Sinon elle va m’en vouloir. Elles n’étaient, vraiment, pas mauvaises du tout. N’est-ce pas Marie ? La reine des McIntosh… Je crois qu’un jour je vais ouvrir une pâtisserie québécoise dans un coin de France. Juste pour pouvoir me gaver de dessert à longueur de journée ! Je crois que je remangerai même de cette gourmandise dont j’ai oublié le nom. Constituée tout simplement de pâte à tarte mélangée à de la cassonade. Et oui, encore et toujours du sucre ! Quiconque aime les desserts et le sucre, se doit d’aller un jour au Québec, pour faire un pèlerinage gastronomique sur les traces de Cartier. Tiens, c’est une idée à développer ca ! Le seul inconvénient, et il est de taille (c’est le cas de le dire), c’est que ce régime n’est pas forcément idéal pour garder la ligne… Il entretiendrait plutôt les courbes, les miennes surtout.

Laissons là ces considérations caloriques et partons rejoindre les quais, car l’heure approche. Nous avons quand même encore un peu de temps devant nous. Nous prenons un petit moment de détente en nous promenant sur le chemin qui longe le fleuve, en faisant le tour de la pointe pour offrir une fort jolie vue sur le fjord et l’embouchure du Saguenay. Une petite promenade pour digérer et attendre que le bateau accoste. Tout à coup, nous voilà prit d’une intense agitation : MEG se met à chercher désespérément son billet, ce même billet qu’elle perdra régulièrement pendant la demi-heure précédant l’embarquement… Et qu’elle retrouvera toujours, caché dans l’une ou l’autre de ses poches, ou dans son sac. Enfin, le bateau arrive. Il nous faut tout d’abord prendre un grand navire de plusieurs centaines de places, qui nous déposera un peu plus loin, là où nous attendent nos vedettes. Finalement, comme nous avons tous deux le mal de mer, le choix de naviguer sur un zodiac se révèle être le bon : Cela nous permettra de respirer à l’air libre. Le bateau s’ébranle et s’éloigne lentement du quai, puis il accélère peu à peu. Nous voilà parti vers les rorquals et les bélugas, et aussi les phoques.

Nous débarquons sur une petite jetée où sont regroupées quelques dizaines de touristes, comme nous, et où sont amarrés quatre zodiacs d’une relativement grande taille. En suivant le mouvement général, nous voici vite rendus devant un vestiaire où l’on nous distribue des pantalons et des vestes de cirés, d’une épaisseur conséquente, qui doivent nous permettre de résister vaillament au froid glacial qui règne sur l’eau. Après cela, nous nous installons sur le bateau et, rapidement, nous partons enfin vers le large. Là, je comprends pourquoi nous sommes aussi chaudement vêtus. L’air marin, conjugué à la vitesse, refroidit vite l’ambiance. Tout le monde se tait et essaie, tant bien que mal, de se protéger du vent, tout en admirant le paysage grandiose qui se dévoile à nos yeux. On se rapproche de la zone d’observation où sont déjà regroupés plusieurs autres navires. Il doit certainement y avoir quelque chose à voir là-bas pour que tout ce monde s’y rejoigne.

En effet, c’est un spectacle magique qui s’offre à nos regards de citadins. Un troupeau de baleines, des rorquals communs, nous dit-on, se trouvent là ! Pas loin d’une quinzaine de cétacés crachent leurs jets dans un grondement impressionnant. Le ballet dure une poignée de minutes puis, les baleines replongent et disparaissent pour une dizaine de minutes, laps de temps durant lequel on peut suivre d’autres baleines, plus petites. Celles-ci ne soufflent pas. Leurs mouvements sont remplis d’une grâce inimaginable au vu de leur taille. La mer est constellée de très nombreux phoques tout mignons, qui nous regardent avec étonnement. Le suspens est à son comble, le zodiac progresse lentement sur l’eau en guettant le retour à la surface des mammifères géants. Personne ne peut dire où vont reparaître les baleines. En dix minutes, elles ont eu largement le temps de parcourir de nombreux kilomètres, et ce dans n’importe quelle direction. Il nous faut juste faire confiance au pilote qui, par son instinct et ses réflexes, doit nous amener au plus près des cétacés. Après plusieurs tentatives, nous voici brusquement rendus en plein cœur du troupeau ! Les baleines surgissent, provoquant un mouvement collectif de surprise. Elles sont là, à dix mètres à peine. Elles sont véritablement gigantesques et majestueuses. Tous, sur le bateau, nous sommes hypnotisés par ce spectacle. En voici une qui plonge et passe juste en dessous de nous. Une autre se met bord à bord avec nous, elle nous suit pendant de longues secondes. Un silence respectueux s’installe, tout juste troublé par le bruit des appareils photos. Tout à coup, le grondement des évents reprend de plus belle : Cinq ou six baleines passent à proximité dans un roulement de tonnerre ! Les minutes coulent, puis le dos des cétacés s’arrondit, indiquant leur plongée imminente. Soudain, la mer se vide et le silence revient à bord.

Deux heures et demi se sont écoulées depuis notre départ, sans que l’on s’en soit rendu compte. Le pilote nous propose de profiter du peu de temps qu’il nous reste pour aller voir de plus près l’embouchure du fjord. A l’unanimité, sa proposition est acceptée. Nous quittons alors, avec un peu de regret et de nostalgie, nos baleines, et nous rentrons à grande vitesse vers notre port d’attache. Quelques minutes plus tard, nous entrons dans le fjord. Les falaises qui surplombent la rivière Saguenay sont impressionnantes. Une splendeur sauvage, sans nul doute un des joyaux de la nature. Le long de la falaise coule une petite cascade, haute de plusieurs dizaines de mètres. Le bateau s’en approche jusqu’à effleurer la roche. La civilisation est juste là à seulement un kilomètre ou deux, pourtant on se croirait perdu au fin fond d’une terre encore vierge. Mais, voilà qu’il nous faut partir : Les trois heures se terminent. Une dernière vague… De froid, et le port de Tadoussac apparaît. Nous nous défaisons de nos habits de marins et nous remettons, un peu tristement, le pied sur la terre ferme. Un moment inoubliable s’achève ! Impossible de venir au Québec sans aller voir les baleines. C’est vraiment un événement à ne pas manquer ! Seules les célèbres baleines bleues auront manqué à notre « tableau de chasse », mais elles sont rares, tellement rares…

Notre premier objectif, une fois à terre, est de dénicher une boutique ou un bar pour nous réchauffer. Ce sera la seule et unique fois que j’aurai froid au Québec. Heureusement que la chaleur d’un petit bar-restaurant nous permet de récupérer rapidement quelques degrés centigrades. Nous nous remettons de ce merveilleux voyage, puis il nous faut reprendre la route, les yeux encore brillants, pour rejoindre notre lieu d’accueil pour la nuit. Il nous reste à parcourir la route longeant le Saint-Laurent une heure et demi durant pour atteindre Cap-aux-Oies.

Nous empruntons tout d’abord le traversier, gratuit, pour regagner la rive sud du Saguenay. Le bras de mer n’est vraiment pas très grand et le voyage ne dure donc pas longtemps. Nous débarquons sur la rive sud de la rivière Saguenay qui trace une réelle démarcation entre le sud du Québec et le nord. Déjà, la croisière me semble loin. La trépidante frénésie de notre folle semaine paraît dilater le temps, faisant durer une heure autant qu’une journée. Cela fait une heure que nous avons débarqués à Tadoussac et déjà, mon aventure avec les baleines semble appartenir au passé.

Nous redescendons la route en suivant la côte passant par Baie-Sainte Catherine, Saint-Siméon, la Malbaie, Pointe-au-Pic et les Eboulements. Qu’il est agréable de voyager au milieu d’un tel décor, tout simplement superbe. Le soleil darde de ses derniers timides rayons la terre québécoise. La route défile, apportant régulièrement à nos yeux émerveillés, des images sublimes. Nous sommes presque seuls sur la route, uniquement accompagnés par la forêt à gauche et le fleuve à droite.

CAP-AUX-OIES :

Nous passons, peu à peu, de la région du Saguenay à celle de Charlevoix. Autre région mais toujours la même beauté. Ce n’est pas pour rien que Charlevoix est devenue officiellement Réserve mondiale de la biosphère. Statut accordé par l’UNESCO, et ce pour la première fois, à une région habitée par l’homme. Le paysage est très vallonné et recouvert d’une dense forêt multicolore en cette fin septembre. La partie du fleuve que nous longeons est salée, le Saint-Laurent s’est mû déjà en mer mais cultive le paradoxe en restant fleuve malgré tout. Comme souvent, les villages sont presque tous rassemblés sur la rive du fleuve, dans la vallée.

Un plan nous permet de nous guider et de choisir notre route. De toutes façons, les routes ne sont pas nombreuses, et il est difficile de s’égarer vraiment. Ce plan est, en fait, dessiné à même un set-de-table. Je l’ai conservé en souvenir, c’est un vrai chef-d’œuvre ! Impossible de se perdre avec une telle carte. Elle nous indique avec fidélité les moindres détails du parcours. Le temps de voyagement lui-même est respecté presque à la seconde près. Quatre-vingt dix minutes seulement après notre débarquement du traversier, nous arrivons devant notre « hôtel » privé. Un vrai rêve pour allergique au béton : C’est un chalet entièrement en bois, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur. Un second chalet, tout aussi grand, lui aussi en bois, permet de loger les visiteurs de passage. A proximité se situent le garage et l’atelier, ainsi que la serre chauffée. Le tout également en bois. Pour compléter ce tableau idyllique, j’aperçois un puits et une cabane (en bois, bien sûr), sans oublier le bain chauffant pour l’hiver. C’est une merveille de propriété, blottie tout contre la forêt, avec, en plus, une vue réellement imprenable sur le fleuve, à peine à cinq cent mètres en contrebas. Le drapeau québécois peut bien flotter sur le mat devant la maison, il a raison d’être fier. Je lance une idée : si quelqu’un veut un jour me faire un cadeau, il peut m’offrir cette maison. Je pense que je ne refuserai pas, il se peut même que je sois très content…

Nous sommes reçus comme des rois en ce merveilleux palais. Il nous attendait avec impatience, et paraît sincèrement heureux de nous recevoir. Le repas qu’il nous a concocté est excellent : Du porc mariné dans une sauce légèrement sucrée, un vrai délice. Et en plus, il y a de la tarte au sucre au dessert. Je suis au nirvana, d’autant que la chaîne stéréo diffuse de la bonne musique : Du blues de la meilleure qualité. Merci ! La digestion est facilitée par une petite promenade au bord du fleuve, dans le noir total. L’air est doux, je me sens bien. Je me sens libre. Je me sens heureux. J’ai du mal à croire que j’ai pu vivre plus de vingt-cinq ans sans connaître ce paradis terrestre. Pour la première fois depuis bien longtemps, je me sens satisfait de vivre. Nous rentrons à la maison et là, on découvre quatre ratons laveurs sur la terrasse. Ils sont venus se nourrir des restes de notre souper. Ils ne se soucient apparemment pas de notre présence. Ici, la communion avec la nature n’est pas un vain mot. Je m’amuse à les observer, comme un citadin naïf, que je suis finalement, qui découvre la vie jour après jour. Je me sens bien, et je crois que MEG aussi. C’est un petit moment de calme après une semaine vécue à deux cents à l’heure. Nous n’avons tous deux qu’une seule envie : Profiter du temps présent et déguster pleinement la tranquillité de ces lieux paradisiaques. Je voudrais disposer de plus de temps pour pouvoir m’attarder ici. Je pense d’ailleurs que demain sera une journée calme, très calme ! Il se peut fort que notre programme se voit raccourci, et que l’on passe une demi-journée, au moins, à se reposer dans la quiétude de Charlevoix. Je ne sais pas si mes amis de France, habitués à la ville, ses activités et sa vie trépidante, apprécieraient autant que moi set endroit magique. Mais j’aimerais qu’ils soient là pour en profiter, et partager mon bonheur. La soirée se passe agréablement. Notre hôte parle, comme d’habitude, il nous raconte des histoires, il nous fait rire. La musique est celle du film Forrest Gump, avec Tom Hanks, et elle nous replonge dans nos souvenirs musicaux des années soixante-dix. Le sommeil me gagne doucement, je me laisse aller à une lente léthargie, je suis détendu, parfaitement relaxé. Je vais alors me coucher, avant de m’endormir sur le canapé. Dehors la nuit est calme, belle. Quelle journée, oh oui, quelle journée !

Le lendemain, le réveil est pénible. La veillée s’est prolongée assez tard, et tout ça mêlé à la fatigue du voyage m’a achevé. Le soleil brille, et j’ai juste le temps de m’habiller, de traverser l’allée pour regagner le chalet et d’aller à la fenêtre pour admirer le Saint-Laurent qui coule lentement, délicatement irisé par ce soleil matinal. Bien vite, les nuages arrivent et s’emparent entièrement du ciel. Rapidement le ciel est gris, bas et triste. Quelques gouttes s’échappent de temps à autre et humidifient le sol. Ce n’est pas vraiment un temps réjouissant. MEG et moi sommes déjà un peu fatigués, et le climat ne nous donne pas tellement envie de bouger. Nous repoussons notre départ d’heure en heure. Dehors il fait gris et un peu froid mais, à l’intérieur, l’atmosphère est chaleureuse. La gaieté naturelle de mes deux compagnons me permet d’oublier la pluie. MEG, profitant de la musique de Grease, essaie de me faire danser du rock, ainsi que d’autres rythmes exotiques. Mais, hormis u pas ou deux, elle ne réussit pas trop. En revanche, j’apprends à jouer au backgammon, suivant des règles quelques peu différentes des originales. MEG est forte à ce jeu là. Elle nous bat sans nous laisser la moindre chance. Et il faut que nous nous mettions à deux pour réussir, difficilement, à vaincre. Mais, c’est bien normal : Quand il s’agit d’être rusées et instinctives, les femmes sont souvent les meilleures. Quand, en plus, elles ont de la chance… Après notre victoire, nous partons manger dans un petit restaurant. Il se révèle, ma foi, fort bon. A la fin du repas, je n’ai plus faim. J’ai peu dépensé et je me suis régalé : Que demander de plus ? Nous retournons ensuite au chalet. Nous y discutons encore un peu, tout en préparant nos affaires. Malheureusement, l’heure avance et nous devons rentrer dans la soirée à Montréal. Quatre heures de route nous attendent, et il est bientôt dix-sept heures. La voiture se retrouve vite chargée de nos sacs et habitée par quantité de souvenirs. Finalement, nous nous décidons à partir, un peu triste de quitter ce domaine béni des dieux. On quitte notre hôte en le remerciant chaleureusement, et en se promettant de se revoir un jour. Puis nous reprenons la route en direction de Montréal, la ville où je vais passer le reste de mon séjour.

LORRAINE :

Quelques minutes après notre départ, nous nous arrêtons pour nous régaler de la vue superbe sur le fleuve et sur l’île aux Coudres. En bas se trouve le village de Baie Saint-Paul, encore un village merveilleux. Sur le fleuve, l’île aux Coudres est pareille à un immense bateau mouillé au large. Lors d’un prochain voyage au Québec, il faudra que j’aille m’y promener : Il paraît que le tour de l’île en vélo est fort agréable. Mes yeux commencent à être saturés par tant et tant de beauté. Je pense qu’il faut un peu de repos pour mes sens usés. Peu à peu la nuit tombe. Le paysage devient de moins en moins visible, et nous ne sommes plus accompagnés que par des silhouettes se découpant sous la Lune. La musique coule à flots dans la voiture, les éternelles cassettes de Céline Dion. Ce n’est pas que je n’aime pas Céline Dion, mais au bout d’un moment, je ne sais pas pourquoi, je craque. Même si, parfois, les chansons sont accompagnées par la douce voix de MEG, je souffre ! (Joke ! Ne m’en veux pas MEG, je plaisante…) Puis, au fur et à mesure que nous nous rapprochons de Montréal, les radios locales prennent le relais. Notamment les si célèbres « Cité Rock Détente » et, surtout, « CKOI » ! Toujours beaucoup de chansons québécoises, la plupart récentes, et en particulier la toute nouvelle « toune » de Kévin Parent, dont je ne vais pas tarder à acheter le disque, sur les conseils, judicieux, de MEG. Le disque est très bon, et je serais étonné qu’il n’arrive pas un jour ou l’autre en France. En tous cas, ce « Fréquenter l’Oubli » est devenu l’hymne de mon voyage. Il y a des chansons, comme cela, qui marquent de leur empreinte les périodes heureuses de notre vie. D’autres chansons sont là aussi pour me rappeler mon voyage. Notamment celle de Notre-Dame de Paris qui doit être l’un des plus grands succès de ces dix dernières années au Québec. Le voyage se passe dans la bonne humeur. On se paye, de temps à autre, des crises de fou rire en reprenant en cœur les chansons les plus connues (du Starmania entre autres), et en faisant étalage de nos talents respectifs dans le domaine de la chanson… Oui, on s’amuse bien ! Heureusement toutefois que personne n’est là pour nous entendre : Il y aurait de quoi souhaiter devenir sourd…

Puis, nous arrivons à Montréal, ou plutôt à Lorraine, chez les parents de MEG. Nous sommes un peu tristes tout à coup. Les vacances sont finies pour MEG, et pour moi, voici la fin d’une semaine extraordinaire, pleine de paysages splendides, de gens merveilleux et avec une MEG parfaite. Une bonne nuit de sommeil se révèle bien nécessaire pour retrouver notre joie. Un peu de repos pour que nos cœurs et nos âmes fatigués regagnent une part de leur vitalité. C’est pour cela que la journée du lendemain prévue originellement pour être chargée, se voit considérablement allégée.

Le dimanche, le soleil nous attend est semble nous reprocher notre paresse matinale. Il est vrai que la vie semble s’être ralentie. Nous nous levons tard, surtout MEG, ce n’est pas l’envie qui nous assaille aujourd’hui. Un peu de nettoyage dans la voiture, quelques notes égLe père de MEGes sur le piano. Puis nous partons chercher des amies de Meg. Ensemble, nous allons participer à la cueillette des pommes.

La cueillette des pommes, les dimanches de septembre, est une des sorties familiales des montréalais. Les agriculteurs ouvrent leurs vergers, organisent parfois quelques animations, et il suffit de payer pour quelques cents un sac ou un panier, et de le remplir de pommes directement cueillies sur l’arbre. C’est surtout, bien sûr, l’occasion de faire un tour à la campagne, et de s’amuser un peu au milieu des arbres. L’occasion aussi de retrouver un peu de son âme d’enfant, au cœur des vergers. Il y a beaucoup de circulation, tout le monde semble vouloir des derniers beaux jours. Nous parvenons enfin à un verger qui nous paraît accueillant. Nous passons un peu plus d’une heure au milieu des arbres, choisissant les meilleurs fruits et nous amusant surtout, profitant de ce bref instant de liberté totale, absolue.

Le soir venu, nous retournons à Montréal puis, rapidement, nous regagnons l’appartement de MEG, rue Jacques Cartier. Demain lundi, MEG reprends le travail, je vais partir seul découvrir cette mystérieuse cité qui s’offre à moi. Montréal m’ouvre ses bras, et je vais bientôt m’y jeter à corps perdu !