UN MAUDIT FRANCAIS AU QUEBEC
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LETTRES
A UNE MONTREALAISE
16 AOUT 1998 :
Quelle impatience ! Quatre ans dattente ininterrompue, quatre ans à me languir dun hypothétique départ vers mon rêve. Jy croyais à ce voyage, Je savais, au plus profond de mon être, que je sacrifierai ce que jugerai utile de sacrifier pour parvenir finalement à franchir cet océan Atlantique, qui a eu la malencontreuse idée de sétendre entre nos deux continents. Souvent, je me suis mis à ma fenêtre, qui souvre justement en direction du nord-ouest, et je me suis laissé allé à songer, presque avec mélancolie, à ce pays immense, cette terre de contraste entre modernité et tradition, entre progrès et beautés sauvages. Ce pays quil me tardait de connaître. Alors mes yeux revenaient invariablement, immanquablement, vers les photographies et les innombrables bibelots que mavaient apportés, de « là-bas », les personnes qui savaient mon amour pour ton pays, et qui avaient eues la chance de me précéder chez-toi. Toutes ces quasi-reliques inspiraient en moi à la fois des vagues denvie et de rêves et, aussi, des montées de colère face à mon impuissance, face à un incommensurable sentiment dinjustice. De ma fenêtre, je voyais les avions qui décollaient de la piste toute proche ; Je ne savais pas quelles étaient leurs destinations, mais je mimaginais quils senvolaient vers toi, et je devenais jaloux deux.
Et les jours passaient, les saisons sécoulaient, comme tant de fois auparavant elles sétaient écoulées, et moi je restais là ! Nayant pour seuls horizons que la mer infinie dun côté, et les collines provençales de lautre. Tu connais mon attachement à ma Provence, même si je ny suis pas né, si je ny ai aucune racine. Ici, sur cette terre brûlée par le soleil et le feu, entre ces usines nauséabondes, cet étang insalubre, cette mer et ces plages surchargées destivants et ces collines de pins et de garrigue, ici, exclusivement ici, se trouvent mes souvenirs. Mes souvenirs denfance surtout, et mes premiers souvenirs, la plupart plus douloureux, dadulte encore naïf. Cet attachement, je ne le renie pas : Je nai aucune raison de le faire. Cependant, cela doit faire trop longtemps que je tourne et retourne entre ces quelques dizaines de kilomètres carrés, jai envie de voir autre chose, jai besoin de connaître dautres paysages et dautres vents aux noms que je ne connais pas, et plus ce mistral dont je sais par cur toutes les fantaisies et toutes les ruses.
Je suis comme ce garçon de café du Bar de la Marine qui, à force de voir partir les bateaux quittant le vieux port de Marseille vers les îles lointaines, na pas pu résister à lappel du large, et sest embarqué pour une folle traversée en abandonnant ceux qui laimaient. Oh ! Je te comprends Marius, tu ne peux pas savoir à quel point je te ressemble. Mon vieux port à moi est fait dune piste en béton et mes bateaux se sont fait pousser des ailes pour aller encore plus loin. Oui, jai moi aussi envie dailleurs ! Et cet ailleurs, cest chez toi. Certainement parce que cest justement chez toi, que tu y habites et que je sais pouvoir ty retrouver. Aurai-je eu de pareilles envies de voyage si tu étais venue dautre part ? Impossible de le savoir. Mais, je crois que le fait que tu viennes du Québec a renforcé en moi le désir dy aller : Parce quen plus davoir un pays à découvrir, javais quelquun à y retrouver. Il faut parfois croire aux coïncidences.
Cela na pas été facile de parvenir à saisir loccasion de faire ce voyage. Jai quelques fois crû quun sort contraire sacharnait sur moi : Javais beau me battre de toutes mes forces, à chaques fois que je progressais, que japlanissais quelques obstacles, de nouveaux surgissaient comme des diables de leurs boites. Toujours se levait un vent contraire qui me ramenait en arrière. Je me suis vu prêt à abandonner, découragé, réclamant à qui voulait lentendre ta venue pour combler le vide qui sinstallait en moi. Mais tu ne venais pas et je restais seul de lautre côté de cet océan frontière. Je ne sais pas quelle force a bien pu mhabiter alors pour que je retrouve encore et encore la volonté dimposer mon désir impétueux. Peut-être cette force mest elle venue du souvenir de ton sourire et de ton accent, cet accent qui me manquait et que je cherchais à réentendre dès que possible en écoutant des disques de chanteurs québécois ou en regardant les émissions de télévision concernant ton merveilleux pays.
Et mon obstination a payé. Jai maintenant un billet davion que jai glissé dans mon passeport. Sur ce billet, une date et un nom : 12 septembre 1998, Dorval, aéroport de Montréal. Je ne réalise pas encore vraiment quel sera mon bonheur au moment de poser le pied pour la première fois sur le sol québécois. Jessaie vainement dimaginer laffolement de mon cur lorsque mes yeux sempliront à nouveau de ton visage. Il faut absolument que je moccupe pour passer le temps, et ne pas devenir fou à force dattendre, à force de compter les jours, et de regarder passer lentement, très lentement, les interminables heures me séparant encore du grand jour. Je vais mobliger à ne pas trop penser à mes futurs amis québécois, et à mon « ancienne » amie de Montréal, mademoiselle Marie du Québec comme tu aimes à tappeler. Il me tarde de te revoir et de tentendre, dentendre cette voix dont le téléphone ma offert un échantillon trop court, bien trop court. Jaime laccent québécois, jaime ton accent, le plus bel accent du monde à mes oreilles ! Cest pas pire non ?
2 SEPTEMBRE 1998 :
Tu mas écrit, et jai lu avec avidité les quelques lignes que tu madressais. Tu me dis que, toi aussi, tu mattends avec impatience ; Tu men vois vraiment ravi. Je suis flatté et honoré que le souvenir que tu as de moi soit aussi bon, suffisamment bon pour que tu veuilles me revoir avec plaisir. Pourtant, je suis un peu angoissé : Je ne sais pas comment vont se passer nos retrouvailles. Vas-tu encore apprécier ma présence ? Nous entendrons-nous toujours aussi bien ? Qui peut le dire ? Certainement pas moi ! Oh, je sais quil ny a objectivement aucune raison de croire que notre amitié épistolière va se briser lors de notre deuxième rencontre, quatre ans déjà après la première. En tous cas, je sais que la rupture, si rupture il devait y avoir, ne pourrait être causée que par moi, à cause de ma timidité et de ma maladresse coutumières. Heureusement, je te crois assez intelligente pour pouvoir me pardonner mes bêtises et pour voir quel est le garçon véritable qui se cache derrière mon masque. Jai plus confiance en toi quen moi !
Mon calendrier doit être truqué. Ce nest pas possible que les jours défilent aussi lentement. Ils le font exprès dirait-on. Chaque jour qui passe, jai limpression de lavoir déjà vécu, des dizaines de fois. Cest toujours la même attente, le même décompte des jours restant. Ici, plus rien ne mintéresse vraiment, je nai plus quun regard distrait sur les événements qui se déroulent autour de moi, et qui, parfois, devraient me toucher. Non, je men fous. Je me fous de tout cela, de cette activité grouillante. Je nai plus goût quà penser au Canada, au Québec, à Montréal, ces trois mots magiques qui résonnent inlassablement dans mon cur. Je nai plus goût quà penser à toi, pensées douces et impérieuses. Je sais que je vais enfin te revoir et, justement, le fait davoir une date précise me rend encore plus nerveux et impatient. Maintenant que je peux compter les jours, ces chiffres mobsèdent, trente puis vingt, et bientôt dix. Un tout petit peu plus de deux cent quarante heures, quatorze mille quatre cent secondes, toutes plus longues les unes que les autres. Quest-ce que cela va être interminable lorsque je serai dans lavion ! Insoutenable sans doute, je me sens déjà comme une vraie pile électrique. Je ne vais pas tarder à me transformer en une boule de nerfs. Jattends, je ne fais plus rien dautre, je nai plus le temps de faire autre chose : Mon attente moccupe à temps plein !
Il faut que je me tienne prêt pour ce voyage, et surtout pour cette découverte dun monde pas encore ancien, mais déjà plus tout à fait neuf. Je dois tenir mes sens en éveil pour quune fois arrivé à Montréal, je puisse tout retenir, tout voir, tout entendre, tout sentir, tout ressentir, avoir des souvenirs imprégnés en moi à tout jamais. Je veux pouvoir tressaillir pareillement que lorsque je vois un film, une image, un livre, qui évoque les collines provençales qui ont bercées mon enfance. Je pense avoir lénorme avantage de ne mattendre à rien de précis des paysages et des villes et villages québécois. Je suis prêt à me laisser charmer par ce pays lointain sans aucun préjugé. Le seul rêve que je veux vraiment concrétiser cest de voir de mes propres yeux les espaces immenses de ce Québec cher à mon cur. Et, là, je sais que je ne pourrai pas être déçu, nest-ce pas ? Toi qui as la chance de vivre là-bas, tu ne te rends peut-être plus compte de ton bonheur, comme moi non plus je ne me rends pas compte du mien dhabiter ici. Je vais au moins servir à te faire redécouvrir ton beau pays, avant quun jour tu ne viennes chez moi pour que je te fasse découvrir le mien. Mais, bon, pour linstant ce dont il est question, cest bel et bien de ma venue. Jai hâte de découvrir là où tu vis, de savoir ce quil y a de si différent entre nous, et aussi ce qui nous rapproche. Quimporte le climat lors de ma visite, il peut bien pleuvoir à longueur de journée, je serai avec toi, dans le plus beau pays du monde : Donc je serai bien ! Jespère quand même quil y aura du beau temps, malgré tout, pour que je puisse déambuler tranquillement dans les rues montréalaises, au hasard de mes envies. Je voudrais pouvoir tamener avec moi au gré de mes balades diurnes et de mes errances nocturnes. Je me languis, si tu pouvais savoir à quel point : Je suis certain que tu compatirais à mon impatience.
7 SEPTEMBRE 1998,
Plus que quelques jours de travail avant ma libération physique. Il y a longtemps que mon esprit, lui, vagabonde dans un autre univers, fait de quiétude et de nature. Jai commencé ce soir à préparer les bagages qui vont maccompagner dans mon périple. Jai aussi choisi les quelques cadeaux que je vais tamener. Jespère quils vont te plaire. Je les ai choisi minutieusement pour quils te conviennent. Jai fait mes comptes pour être sûr de ne pas être à court dargent : Je veux pouvoir profiter de tout sans avoir de soucis financiers. Je pense être fin prêt pour menvoler sans crainte. Ma condition physique nest, elle, pas au mieux. Pourtant je lai travaillé et entretenu. Trop peut-être Jai sans doute un peu trop tiré sur la mécanique et, forcément, elle commence à me lâcher. Au plus mauvais moment. Mais, enfin, ce nest quand même pas si dramatique que cela, et je pourrai malgré tout te suivre dans tes pérégrinations transquébécoises : sois-en assurée !
Ici lété est terminé, alors je pars avec encore moins de regrets Je ne pourrai, juste, pas tamener de soleil. Le seul que je possède, il est dans mon cur, mais celui-là je ne peux loffrir quà ceux qui le veulent. La pluie qui tombe ressemble certainement à celle qui irrigue ton pays. Au moins je ne serais pas dépaysé par cela.
Chez moi, je reste étonné par le nombre de personnes qui, apprenant où je vais, deviennent subitement envieuses. Beaucoup me disent que cela serait leur rêve daller visiter le Canada : Et bien moi jy vais Et jen suis heureux ! Cest vrai que le mythe américain est toujours vivant mais quil sest déplacé un peu vers le nord pour atteindre le Québec. Peut-être, sûrement, parce quon y parle le français, et quainsi le déracinement est plus facilement accepté. Je ne suis pas persuadé de cela, ce nest pas une langue qui fait une identité, enfin pas que cela. Elle y contribue mais ne suffit pas. On peut aussi bien être un étranger à cent kilomètres de chez-soi quà huit mille. De toutes façons, tout le monde est étranger avec tout le monde, personne ne comprend jamais vraiment les autres. Pour sintégrer, il suffit de se sentir chez-soi et dassimiler la culture qui vous convient le mieux. Je vois ainsi que je ne diffère pas des autres sur un point : Mon rêve est aussi le Canada. Mon rêve cest chez-toi, au pays de lhiver si bien chanté par Robert Charlebois. Je veux moi aussi « voir ce lac étrange où viennent se poser des anges. » (Est-ce toi lange ?) Bon, bien sûr, je ne viendrais pas dans un « grand Boeing bleu de mer », mais, quimporte lavion pourvu quon ait ladresse.
Je viens en automne, je ne verrai donc pas lhiver, mais je pourrai limaginer en voyant ces villes et ces paysages qui se retrouvent couvert de leur manteau de neige irisé de la lueur boréale. Qui sait, peut-être que moi aussi, un jour, je me marierai avec lhiver ? Moi, un fils du soleil, pour qui la neige de Noël nexiste que sur les cartes postales et dans les contes de fées. Moi, le monsieur chaleur comme tu me surnommes, qui ne vit jamais mieux que lorsque le thermomètre dépasse les trente degrés centigrades à lombre. Moi qui ne connais du froid que le nom, qui ne laffronte quen ouvrant le congélateur Moi je désirerais vraiment me plonger dans la vie montréalaise hivernale. Je ne crois pas que cela me dérangerais vraiment, je pense mhabituer rapidement à tout. Je suis, en fait, caméléon. Je nai pas de place privilégiée où me poser. Et puis, toi tu as bien « survécu » à lété provençal, lun des plus chauds du siècle en plus, et tu ne ten plains pas trop après coup. Alors moi je me dois de résister à lhiver québécois Dautant plus que tu as promis, souviens-toi, que tu mapprendrais à skier ! Pour cette année ce ne sera pas possible, mais je compte bien revenir à Montréal, et cette fois-ci en plein cur de lhiver. Au minimum en décembre, pour vivre enfin, et pour la première fois, un Noël, un vrai Noël sous la neige et, pourquoi pas, un réveillon de Jour de lAn par la même occasion.
Enfin, avant den arriver là, il faudra que je me pose et que je foule le sol québécois. Je nallais pas venir en hiver pour ma première visite, je me dois de découvrir au maximum cette belle, si belle province. Le Québec en automne ce nest certainement pas si mal non plus, nest-ce pas ? Mais, joublie que toi non plus, en fin de compte, tu ne connais pas beaucoup ton pays. On ne prend jamais assez le temps de découvrir les beautés de là où lon vit. Tu vas voir, on va faire tout ce quil est possible de faire en une semaine pour sillonner ta province américaine. Des baleines du Saint-Laurent aux érables des forêts de lîle dOrléans. Tu te rempliras, toi aussi, les yeux dune multitude dimages sublimes, dune myriade de souvenirs multicolores, de « roses bleues, de roses dor. » Avant que le Québec ne se recouvre de son drap de neige et que le Saint-Laurent ne sendorme sous son manteau de glace, on parcourra les espaces encore presque intacts de cette nature si tentante. Jai hâte aussi de rencontrer tes amis, de me mêler à eux, à cette population québécoise, mes « cousins dAmérique » comme lon dit ici. Jen ai déjà connu quelques-uns de ces québécois, quil me tarde de retrouver. Jai déjà pu goûter à lextrême gentillesse de ces gens, qui pourtant viennent du pays du froid, mais qui ont dans le cur toute cette chaleur, cette chaleur qui fait fondre les glaces quand revient le printemps. Il ny a pas chez eux cette méfiance, parfois si longue à dissiper que lon rencontre souvent. Bien sur, comme partout, lamitié, la vraie, celle qui établit des liens puissants est longue à obtenir. Mais il est tellement agréable de se sentir accueilli avec plaisir, plutôt quavec défiance. Cest cette façon dêtre, qui oublie quelquefois lindividualisme habituel pour rendre service, avec le sourire en prime, qui me fait tellement de bien. Ton attitude à propos de ma visite me confirme dans mon opinion. Je ne tai rien demandé, jai juste espéré, mais sans oser te le dire, et toi tu mas tout offert. Tu as tout fait pour que mes deux semaines, dont une vraiment avec toi, soient parfaitement réussies. Tu aurais pu juste te contenter de me recevoir pour quelques nuits, voire pour un soir, en me souhaitant ensuite un bon séjour, mais non : Tu tes démenée pour prendre toi aussi des vacances et trouver des lieux où loger au cours de notre balade. Tu tes investie, tu as passé du temps pour que je naie aucun souci à mon arrivée. Je ten suis extrêmement reconnaissant, cela me fait réellement énormément plaisir. Je savais les québécois sympathiques, je te savais gentille, mais je nimaginais pas que cela létait à ce point. Je suis honoré par les efforts que tu as fait pour moi. Je te promets de faire de même lorsque tu te décideras à retraverser lAtlantique pour nous faire un petit bonjour. Je te suis redevable pour longtemps. Jai envers toi une grosse dette damitié que jespère pouvoir te rembourser rapidement. Jaime le Québec, ton Québec, jaime les québécois (et les québécoises Je sais lhumour français nest pas toujours du meilleur goût) et je taime aussi énormément. Je sais que je ne me suis pas trompé en mettant une confiance quasi totale en toi. Jarrive bientôt, et déjà je suis triste de savoir quil faudra que je reparte quinze jours plus tard
11 SEPTEMBRE 1998
: Ceci sera ma dernière lettre avant mon départ vers toi. Je suis en vacance aujourdhui et jen suis extrêmement ravi, plus que quelques heures et lavion décollera memportant au-dessus de lAtlantique vers mon rêve. Je remercie le progrès et ses nouvelles voies de communication qui me permettent de correspondre avec toi via Internet, diminuant par là même mon excitation croissante à lidée de te revoir. Jamais je naurai pu supporter une telle pression sans avoir fréquemment des nouvelles de la MEG, la seule et unique MEG du Québec, celle qui mattend avec impatience paraît-il ! Je sais, je tai abreuvé de message, encombrant ta messagerie des fruits de mon effervescence. Mais, que veux-tu ? Javais tant besoin de pouvoir texprimer mon envie de te revoir et mon désir de découvrir le plus merveilleux des pays. Je pense que tous ces messages, envoyés à ton bureau, ne tont pas trop empêché de travailler
Je suis en train de mettre la dernière main à mes bagages. Oh, il restera de la place dans ma valise : Suffisamment pour que je puisse la remplir de souvenirs à mon retour. Je ne sais pas trop quoi y mettre, dois-je prendre des affaires dété ou dhiver. Le problème est insoluble : A Montréal il devrait faire plutôt chaud, mais, au fur et à mesure que nous monterons vers le nord, les températures devraient baisser de manière sensible, je ne suis pas frileux mais je risque davoir du mal à mhabituer à la fraîcheur locale. Enfin, cela moccupe et mempêche de trop penser aux heures qui défilent bien lentement.
Avec mes amis nous avons passé une soirée au restaurant pour quils me souhaitent un bon voyage. Jai vu dans les yeux de certains dentre eux une pointe de jalousie : Eux aussi voudraient partir, mais aujourdhui cest moi qui les abandonne pour accomplir le plus enthousiasmant des voyages. Mon périple sera accompagné par leurs pensées, je les emmènerai avec moi pour quils partagent un peu de mon bonheur. Je tenvoie ce message en sachant quavec le décalage horaire il te parviendra en début daprès-midi. Moi, je vais me coucher car demain est le grand, le très grand jour. Je sens que je vais avoir beaucoup de mal à mendormir, mon cerveau est bouillonnant, mes pensées sautent dune idée à lautre en narrivant plus à sarrêter. Je suis surexcité et je ne parviens pas à stopper les battements frénétiques de mon cur. Demain à onze heures quarante un avion senvolera en direction de Bruxelles, première et dernière escale de mon voyage. Demain à onze heures quarante la partie la plus longue de mon attente commencera, elle durera en principe une douzaine dheures et me mènera à Dorval, où, jespère, tu mattendras, non je rigole Où tu mattendras et où, enfin, je te retrouverai. Ma valise est là, au pied de mon lit, et dessus jai posé mon sac de voyage. Tout est prêt, sauf moi Jai peur de linstant où je vais débarquer et où je vais te voir au milieu de la foule de laérogare. Je sais que je suis stupide davoir peur, mais je suis comme cela : Jai toujours peur de déranger, et je crois toujours que je suis une gêne pour tous ceux qui maiment et mapprécient.
Je pense à tout ce qui va se produire lorsque nous allons nous revoir. Cinq ans ou presque : Cest long ! On va en avoir des choses à se dire. On va avoir du temps pour apprendre à se redécouvrir. Et puis, il me faudra me réhabituer à laccent québécois, ton si bel accent. Avec la fatigue du voyage en plus, je risque de ne pas comprendre la plupart des phrases que tu vas me dire. Mais bon, tu auras, je crois, les mêmes problèmes avec le mien daccent. Déjà que mes propres amis ont parfois du mal à me comprendre parce que je parle vite et en plus pas très fort Je vais devoir mappliquer à mexprimer en articulant distinctement. Cela nous promet de bons moments de rigolades avec toutes les incompréhensions et les contres sens que nos problèmes de communication vont engendrer. Je pense quil va presque falloir que je me trouve, si cela existe, un dictionnaire français-québécois. Bon, daccord, je sais que jexagère un tout petit peu Jai, par avance, acheté un guide qui, entre autres informations, recense les expressions québécoises les plus populaires et, surtout, les mots qui ont des sens différents, voire opposés, dans chacun de nos pays. Avec cela, jespère bien faciliter nos conversations, le temps que je me familiarise avec cette langue superbe, le français du Québec.
Bon, allez, je
te laisse. Il faut quand même que je me repose pour être
en forme et prêt à te suivre dès mon arrivée,
car je crois que tu ne me laisseras pas une minute pour souffler. Je
te connais un petit peu et je sais à quel point ton énergie
est débordante. Cest un peu pour cela que je vous aime
autant mademoiselle MEG ! Je te quitte en tenvoyant ces quelques
lignes, par un courrier devenu électronique, et je te dis enfin,
cela me fait tout drôle lorsque jy pense : A demain ! |