UN MAUDIT FRANCAIS EN HIVER

MONTREAL

MARIGNANE :

5 Heures du matin. Le réveil sonne. Mes yeux s’ouvrent difficilement, mais mon cœur est joyeux. Nous y voilà ! Mon rêve peut recommencer à l’endroit même où il s’était arrêté : Dans le froid et impersonnel hall de l’aérogare. Je repars…

Moi qui, par nature, suis assez lâche, il faut le reconnaître, moi qui, d’ordinaire, fuis avec une parfaite constance tout effort superflu, tout acte d’héroïsme par trop douloureux, je m’en vais endurer volontairement de longues heures d’un forcément inconfortable voyage. Tout me rend malade, de la voiture au bateau en passant, bien évidemment, par l’avion. Voilà l’une des seules raisons pour laquelle j’accepte de sacrifier quelque temps mon confort et mon bien-être : Le Québec. Puisqu’il faut en passer par là, je l’accepte. En priant bien fort pour que les avions se mettent rapidement à voler plus vite, pour abréger mes peines.

Le réveil est difficile, très difficile. Heureusement que j’ai en ligne de mire un objectif paradisiaque. Mon cerveau ne fonctionne pas au maximum de ses capacités et je dois me concentrer pour ne pas laisser à la maison la moitié de mes affaires. Bon, un peu de calme. Reprenons les choses dans l’ordre : Sacs, blousons, billets (ne surtout pas oublier les billets…). Penser à prendre les quelques dollars subsistant du précédent voyage. Déposer les papiers « civils » sur le bureau, avec les clés. Et puis, partir…

L’aéroport est quasiment désert, l’heure est matinale. Le vol FU 740 à destination de Zurich est à l’heure. Cela commence pour le mieux. Le départ est prévu à 6 heures 40. J’ai donc le temps d’enregistrer les bagages et de gagner tranquillement la porte d’embarquement, laissant mon père aller se recoucher. Je passe sans encombre la douane, mon T-shirt de Lynyrd Skynyrd attirant la sympathie d’un douanier, amateur de bonne musique. Presque dix-sept mois plus tard, j’ai l’impression que c’était hier que je décollais pour la première fois vers le Canada, une impression de déjà-vu. Mes yeux se ferment, qu’est-ce que cela va être à Zurich. J’ai 5 heures d’escale. Je pense que le temps sera long.

Enfin, je monte à bord du Fokker 100 et je m’installe tranquillement, en vieil habitué de l’aviation civile que je suis. Puis, vient le moment du décollage, à l’heure exacte. Au loin, à travers les nuages qui masquent l’horizon, apparaît le ciel rouge annonçant le soleil de ce nouveau jour. Au fur et à mesure la lumière envahit les cieux. La vision est splendide : Les sommets enneigés des Alpes se détachent au-dessus des nuages. Un lever de soleil sur les cimes blanches, quoi de plus apaisant à regarder : C’est beau ! Petit à petit, la neige passe du noir au rouge, puis au rose, avant d’atteindre lentement son uniforme blancheur. Au-dessous de nous, un tapis de coton envahit la vallée. Nous sommes entourés de blanc, et seul le ciel bleu vient troubler cet ensemble. Au milieu du tapis nuageux surgit une bosse géante, un cumulus ou un stratus fou. Un excentrique qui ajoute au décor une touche d’humour météorologique. Au bout d’une heure, nous entamons la descente vers la Suisse. Nous nous y posons en douceur, la première partie du voyage a été très agréable.

ZURICH :

Je débarque dans l’aérogare de Zurich, un peu perdu. C’est immense ici. Il y a du monde partout dans la zone de transit internationale. Les avions qui se posent là viennent de partout et y repartent : Afrique du Sud, Afrique noire, Thaïlande, Europe de l’Est, Yougoslavie, Europe du Sud. Toutes les races se croisent, toutes les langues se côtoient : Une vraie tour de Babel du trafic aérien. Je m’installe sur un siège après avoir parcouru une grande partie du bâtiment, des bâtiments devrais-je dire. Je sors un livre et je me plonge dans les pages pour ne pas m’assoupir. De temps à autre, je lève les yeux, attiré par le passage de nombreuses et charmantes hôtesses de l’air. Pour un peu, j’aurai envie de prendre l’avion plus souvent… Malgré cela, l’attente est tellement interminable que j’ai le temps de commencer, et presque de finir, un deuxième bouquin quand ma montre se met enfin à indiquer la bonne heure, celle du départ. Formalités identiques à celles de ce matin, embarquement dans un calme tout aussi olympien. Par chance l’avion est presque vide. Pour être optimiste, je dirai qu’il est tout juste à moitié plein. Je vais avoir deux sièges pour moi tout seul. Je vais être bien !

A 13 heures, l’Airbus se lance sur la piste cette fois-ci je pars vraiment. Bientôt, nous survolons la France. Par chance, aujourd’hui les nuages ont décidé de prendre des vacances. Le ciel est entièrement dégagé. Paris apparaît, au creux d’une boucle de la Seine. Je peux distinguer l’Arche de la Défense, mais pas la tour Eiffel, semble-t-il perdue dans un brouillard pas très écologique… Peu après, nous arrivons sur la côte. L’avion entame alors un virage à droite et nous longeons la rive jusqu’à la Bretagne. D’ici, cela à l’air beau. Il faudra que j’aille voir cela de plus près un de ces jours. Alors on s’élance droit vers l’Ouest passant au sud de l’Angleterre puis sur la pointe de l’Irlande, la verte Irlande. Enfin, on perd les terres de vues. Il ne reste plus qu’à patienter.

La route vers le Québec n’est pas la plus courte, puisque l’on fait un petit crochet jusqu’à Terre-Neuve avant de redescendre le Saint-Laurent, un peu à l’Est de celui-ci, jusqu’au Etats-Unis, puis d’obliquer droit sur Montréal. Contrairement à l’Europe, le continent Nord-Américain est recouvert de nuages. Est-ce la fatigue, Est-ce mon âme d’artiste ? Tout à coup me vient l’idée, si ce n’est l’envie, de descendre de l’avion et d’aller marcher sur cette couche ouatée si accueillante en apparence. Voilà encore un rêve définitivement irréalisable, une utopie enfantine : Marcher sur les nuages… Bon, arrêtons les délires monsieur RV. Nous voici au-dessus du Maine et de la Nouvelle-Angleterre. L’écran de contrôle m’indique que dans quelques instants nous allons franchir la frontière. 5, 4, 3, 2, 1… 0 ! Ca y est, je suis de retour au Québec. L’avion peut s’écraser maintenant, je tomberai en territoire connu. Mais bon, s’il peut encore voler quelques minutes… Peu à peu, nous perdons de l’altitude et nous approchons de Dorval. Le pilote annonce une température extérieure au sol d’environ -15°C. 30 degrés d’écart en moins de 24 heures, joli contraste.

MONTREAL :

A 15 heures 05 précises, les roues touchent la piste. Je sors de l’avion et je sens le froid s’infiltrer dans la passerelle. Je me présente à la douane : Toujours autant de monde, toujours aussi long… Je suis pressé d’en finir et désireux de sentir à nouveau le parfum de Montréal. Finalement je passe toutes les barrières et je suis autorisé à pénétrer en territoire canadien.

Je suis vidé. Mais, j’ai encore pleins de petits problèmes logistiques à régler. Le premier étant : Où vais-je dormir ce soir ? D’abord, je retire un peu d’argent, puis je téléphone au premier hôtel que j’ai noté sur ma liste. Il n’a de chambre que pour un soir, alors qu’il m’en faut deux, mais je n’ai pas le courage de chercher ailleurs. Demain j’aurais tout le temps. Le problème est réglé momentanément. Ensuite, il me faut trouver une voiture. Cela est vite résolu, dans un aéroport international, ce genre de services est aisé à trouver. Avant d’accéder au confort douillet de mon Oldsmobile dernier modèle, je dois traverser la route. Je sors de l’aéroport, il fait froid, très froid. Mais c’est encore supportable. Tout à coup, une rafale de vent balaie l’atmosphère et là, je gèle sur place. Je viens de sentir ce qu’est vraiment l’hiver ! Armé de mon véhicule et d’un plan pour trouver l’hôtel je me jette dans la grande métropole. Je subis toutefois un léger contretemps. Les boîtes automatiques c’est bien, mais encore faut-il savoir les débloquer. Mes quelques connaissances en anglais me disent que P = Parking, R = Arrière, N = Neutre et, donc, D = Marche avant ? Réfléchissons… Mais oui, c’est cela, Drive. Le tout est de comprendre comment placer le levier de vitesse sur D. Impossible ! Je ne comprends pas. Comment faire avancer cette putain de bagnole ? Je ne vais quand même pas dormir dans le parking de l’aéroport. Tiens, ça y est. J’ai réussi. Je ne sais pas comment, mais j’ai réussi. Je peux partir.

Les premiers tours de roues sur la neige sont effectués avec précaution. Le premier virage est pris en léger dérapage et je remercie le ciel qu’il n’y ait pas de véhicules qui arrivent lorsque je passe au Stop sans réussir à ralentir. Puis, tout rentre dans l’ordre et je m’en vais sur la 20 Ouest en direction du centre-ville. Rapidement, mes souvenirs reviennent à la surface et je me surprends à reconnaître toutes les rues et les bâtiments. L’Hôtel du Nouveau Forum doit se situer non loin du nouveau Forum (la patinoire de l’équipe de Hockey de Montréal), ce serait logique. Oui, il est là. Je me gare, je prends mes clés, je fais connaissance avec la (jolie) réceptionniste, et je vais m’écrouler sur le lit. Il est presque 18 heures et je suis épuisé !

Avant de m’endormir, je regarde un peu la télévision. Hé ! Il y a des émissions qui durent. Je les ai vues l’année dernière. On est jeudi, c’est le jour de « Un gars, une fille ». Une série qui a été copiée en France récemment. Mais l’originale québécoise est bien mieux. Je zappe au hasard, passant des chaînes anglophones aux francophones. Tiens, la météo. Qu’est-ce qu’ils annoncent ? Demain, froid et un week-end ensoleillé et très doux ? C’est parfait. Je découvre qu’en fait on donne deux températures différentes : Avec et sans vent. C’est pour cela que j’ai eu si froid. Il faisait bien –16°C à Dorval, mais, en fait, la température était de –32°C. Pour une belle mise en condition, j’ai été servi ! Mais, la première vue que j’ai eu du Québec sous la neige m’a comblé. Tout à l’air si beau. Je suis heureux d’être là ! J’ai eu raison de venir.

En plus, je me suis étonné aujourd’hui. J’ai réussi à repousser encore un peu plus ma timidité. Pour la première fois de ma vie je me suis retrouvé seul à l’étranger, sans connaître personne. Alors, par obligation, j’ai loué une voiture, j’ai réservé une chambre d’hôtel, je me suis jeté seul dans l’inconnu, ou presque. Le Québec a fait sur moi des miracles, pourvu que cela dure…

LA VILLE SOUTERRAINE :

J’ouvre difficilement les yeux : Il est à peine 5 heures et demi. Et bien, le décalage horaire fait des siennes ! Je tourne et retourne dans le lit. Je ne parviens pas à me lever, je suis complètement dans le cirage… Bon gré, mal gré, la séance de sommeil éveillé se prolonge pendant une bonne heure. Je me traîne jusqu’à la télécommande de la télévision et je me mets à repasser en revue les différentes chaînes. A cette heure, seules les informations sont disponibles ou presque. Je prends ainsi connaissance de soucis principaux actuels au Québec. Principalement, on entend parler de colère contre le prix de l’essence bien trop chère : Pensez-vous, 3,50 FF le litre… J’ai presque envie d’installer un tuyau à travers l’Atlantique pour alimenter mes cuves personnelles.

Avec tout cela, il est l’heure d’aller manger. Et puis, il va falloir que je libère la chambre, ce qui me fait penser que je dois me mettre en quête d’un autre hôtel pour ce soir : Ce n’est pas l’époque idéale pour dormir à la belle étoile. De toute façon, j’ai oublié mon duvet… Je rembarque mes affaires dans la voiture et je repars dans le centre ville. Le froid est conséquent, la météo ne s’est pas trompée. Le ciel est bas, quelques flocons tombent ici et là, et le vent est bel et bien présent. Bien sûr, ce n’est pas le mistral, mais, à –15°C, il suffit à vous glacer n’importe quel petit français égaré. Franchement, avec toute la fatigue qui m’assaille et le froid perçant, je n’ai pas envie de m’éterniser dans la rue. Oh que non ! Heureusement, je connais bien Montréal. Je sais donc où aller, c’est déjà ça.

Ma première étape est pour le centre infotouriste du Square Dorchester. Là, je vais pouvoir prendre les quelques renseignements dont j’ai besoin. Je vais aussi pouvoir acheter l’indispensable carte téléphonique « Bell Canada » ainsi que les cartes postales et les timbres. Je dois me dépêcher d’écrire et d’envoyer tout cela, si je veux que cela arrive avant mon retour. Une fois toutes ces formalités communicatives effectuées, je peux partir me replonger dans la ville souterraine. Histoire de reprendre la température, dans tous les sens du terme, de Montréal. Je ressors donc dans la rue et vais directement à l’entrée de la Place Ville-Marie. Les quelques minutes passées dehors suffisent à me conforter dans ma décision : « Y fait frêt en maudit ! » Mais, je suis heureux d’être là.

La ville souterraine : quel souvenir à la fois étrange et douloureux. Etrange car pour moi, une telle étendue à l’abri de tous les assauts du temps n’est pas habituelle. Il n’y a qu’ici que cela existe. Un enchevêtrement de commerces et de services. Un entrecroisement arachnéen de rues et d’escaliers, de portes et d’accès aux buildings, aux stations de métro, à la gare centrale. Douloureux parce que je me souviens de mon malaise psychique, ce sentiment de claustrophobie qui m’avait assailli lors de ma visite ici à l’automne 1998. Mais, j’ai décidé aujourd’hui que je vaincrais une nouvelle fois mes appréhensions et que je repartirai d’ici en étant vainqueur de ce dédale québécois. Je n’ai pas de fil d’Ariane, ni les ailes d’Icare. Mes ailes sont en moi, elles me portent jusqu’au cœur de la vie montréalaise.

Je pénètre donc à nouveau dans cet univers de science-fiction, les « Cavernes d’Acier » d’Asimov sont matérialisées ici. Je marche, je marche, je marche. Les couloirs ne semblent pas avoir de fin. Je passe de la place Ville-Marie au centre Eaton, à la Place Montréal Trust, à la Baie, aux Galeries de la Cathédrale… Immense ! La foule est gigantesque, à croire que tous les habitants de la ville se sont donnés rendez-vous dans ce centre commercial géant. Dans cette foule, je me rends-compte que Montréal est sans doute une des plus grandes villes bilingues du monde. Je croise autant d’anglophones que de francophones. Tout à coup, un vendeur m’accoste. Mon T-shirt de Lynyrd fait encore des siennes. Le vendeur le trouve ECOEURANT !!! Pas de doute, je suis au Québec…

Cette fois-ci, je me sens bien, à mon aise. Je visite tranquillement les lieux. Je tente de téléphoner en France, mais je n’y parviens pas. Je ne sais plus comment il faut faire. Mais, j’arrive à dénicher un Guide du Routard, vraiment utile, et je peux appeler avant qu’il ne soit trop tard… Puis, je reprends mon exploration. La place Montréal Trust est vraiment la plus belle. Avec ses immenses verrières et sa fontaine étonnante. Les vendeuses sont charmantes, les autres québécoises aussi, tout est parfait. Le centre Eaton n’est pas mal non plus. Au sommet, correspondant au 5ème ou 6ème étage, une vue sur la rue Sainte-Catherine est proposée à ceux qui veulent se reposer un instant. La vue est encore plus belle quand il neige, c’est une vision vraiment très romantique.

Au bout de plusieurs heures de déambulations, pendant lesquelles j’ai repéré certaines petites choses que je compte ramener en France, des livres notamment, je décide de retourner dîner (Pour ceux qui auraient oublié, ici le dîner est à midi) au restaurant de la gare centrale que j’avais connu auparavant. Cependant, j’ai beaucoup de mal à retrouver la route. Pour tout dire, je me perds encore lamentablement. Mon sens de l’orientation est une nouvelle fois montré du doigt… Après de nombreux allers-retours, je prends la seule et unique décision possible : Je sors dans la rue. Il fait toujours aussi froid ! Je me hâte donc, en glissant sur les trottoirs tel un patineur aux Jeux Olympiques et je regagne l’entrée de la ville souterraine correspondant à la garde centrale. Ouf, il fait meilleur ici ! Je regagne le restaurant et je récupère avec plaisir quelques calories.

Après cela, je pars à la recherche d’un hôtel, si possible abordable. J’ai repéré une espèce de comptoir où sont notés quelques établissements avec un téléphone direct pour chacun d’entre-eux. J’en prends un qui ressemble à celui d’hier et je tente ma chance. Ils ont une chambre : C’est impeccable. Je déambule encore un peu dans les couloirs surpeuplés puis je me rends à mon nouvel hôtel, situé non loin du centre ville, sur la rue Sherbrooke. L’avantage de cet emplacement est que la rue mène directement à l’autoroute que je dois emprunter demain pour aller retrouver MEG et toute sa famille à Lorraine.

Je monte dans ma chambre et rédige mes cartes. Je les posterais demain, ainsi tout sera parfait. Je regarde la télévision, notamment le canal 17, celui de la chaîne météo. Les journées qui viennent promettent d’être beaucoup moins froides que les –32°C constants depuis mon arrivée, et même presque 0°C pour dimanche, avec le soleil en prime. J’ai de la chance et j’en suis ravi. Je crois que ce soir je ne mangerai pas. Je m’endors vraiment très rapidement, il n’est pas plus de 18 heures mais je suis déjà au bout du rouleau. Je m’écroule sans m’en apercevoir, me réveillant vers 21 heures, la télévision encore allumée, toujours habillé, au milieu de mes bouquins. Il est temps que j’aille me réfugier dans les bras de… Morphée. Bonne nuit à tous.

LORRAINE :

Il n’est pas encore 6 heures et je m’éveille déjà. J’aurais dû m’y attendre. Comme hier, je suis réveillé sans l’être tout à fait, et je somnole encore pendant de longues minutes, jusqu’à 8 heures pour tout dire. Dans mon cœur je suis plein d’entrain. Content de retrouver ma tannante préférée (avec sa cousine), et content aussi de retrouver toute la famille qui m’avait si gentiment accueillit un an auparavant. Je sais aussi qu’il ne faut pas que j’arrive là-bas trop tôt, et de toute façon je n’ai pas le courage de me dépêcher… Je me prépare donc tranquillement puis j’étudie une dernière fois le plan de la ville, aidé des indications que Miss Marie m’a envoyées peu avant mon départ. Cela m’a l’air simple. Suivre la rue Sherbrooke jusqu’à la 15 Nord, continuer sur cette autoroute en direction de Saint-Jérôme, puis prendre la 640 vers Repentigny (« Attention, pas vers Saint-Eustache ») et emprunter la sortie Lorraine. Là je tombe directement sur sa rue. Facile !

Je me rends à ma voiture, la température est nettement plus douce aujourd’hui. Le soleil brille déjà sans partage et il devrait faire –3°C, rien de bien méchant. Je prends la route et me laisse porter par la musique de l’autoradio. CKMF et CKOI principalement. Je tiens à savoir quels disques je vais pouvoir acheter. Je dois donc me tenir au courant de l’actualité musicale locale. Apparemment, il n’y a pas mal de bonnes tounes en ce moment. Eric Lapointe, La Chicane, Sylvain Cossette, pour ne citer qu’eux. Sans oublier l’incontournable Kévin Parent, mais de lui j’ai déjà toute la discographie.

Je m’engage sur l’autoroute. Les indications de MEG sont parfaites, et mes souvenirs assez précis. Je parviens finalement sans encombre sur le boulevard le remonte en cherchant la maison. J’ai du mal à trouver les numéros pour me situer, car je ne reconnais pas la maison parmi toutes celles de la rue. Je sais cependant qu’il doit s’y trouver une grande voiture, une Buick immense, une américaine vraie de vraie. Mais, je roule longtemps sans rien voir de tel. Je me dis alors que j’ai dû aller trop loin. La route n’était pas si longue. Je fais donc demi-tour et là, je reconnais la belle demeure familiale. La mère de MEG travaillant ce matin, la voiture n’est pas là. Voilà ce qui m’a trompé. Mais celle de la gamine québécoise y est. Elle je la reconnais, même si c’est bien la première fois que je la vois sans trous ni bosses ! Je me gare devant le 135, ayant du mal à escalader l’allée enneigée, et je m’approche de la porte.

Il est à peine plus de 10 heures et, jusqu’au milieu de l’après-midi, je vais me trouver emporté dans un curieux voyage intérieur. Pendant ces quelques heures, je vais perdre toute notion de chronologie et oublier les 17 mois qui se sont écoulés depuis ma dernière visite. J’ai vraiment l’impression que je suis venu ici hier… Si ce n’était la neige, mon cerveau serait totalement abusé. Mon deuxième voyage débute véritablement ici, si près de là où s’était achevé le premier.

Je sonne, en espérant ne pas trouver porte close. Je sais, j’aurais dû téléphoner avant, mais j’avais peur de m’y prendre un peu trop tôt… Mais, j’entends du bruit à l’intérieur, quelqu’un vient. C’est MEG. Elle m’ouvre et accueille le « français des neiges » qui débarque une nouvelle fois pour troubler sa petite vie bien tranquille… Les retrouvailles sont courtes. On se voit tellement souvent ces temps-ci : Presque tous les six mois ! Je pénètre dans la maison et y retrouve tout à sa place. C’est comme si rien ni personne n’avait changé. D’ailleurs, rien n’a vraiment changé, hormis quelques détails tels qu’un nouveau « flo » pour sa soeur et un nouveau « chum » pour elle. De simples détails…

MEG est en pleine effervescence. En effet, 2 points marquants ponctuent cette matinée de samedi. Elle doit s’avancer dans son travail (Bien obligée, si elle ne veut pas passer une troisième semaine à Mont Laurier.), et puis, surtout, un certain monsieur Cri doit arriver d’un moment à l’autre, en provenance d’une lointaine ville nommée Québec. Grâce à elle, je vais pouvoir reprendre mon expérience d’immersion au cœur de la culture québécoise. Et cela me plaît ! Ce que je veux connaître, c’est la vie de ce bout d’Amérique que j’aime tant. Je veux mieux comprendre les québécois pour mieux les apprécier. Je veux pouvoir observer, écouter puis partager. Mon but n’est pas de courir d’un bord à l’autre de la province pour tout voir. Non, je désire prendre mon temps et m’intégrer, ne serait-ce que très fugitivement, au décor. Avec MEG, et toute la famille, je suis servi. Pas de « round d’observation » : Dès mon arrivée, je suis entraîné et je dois suivre le mouvement. Il n’y a pas d’alternative !

Environ une heure après moi, le père de MEG, rentre, suivi quelques minutes plus tard par Cri. Marie est heureuse : On va enfin pouvoir manger… Je sais, je suis un incorrigible « niaiseux ». Nous parlons de tout et de rien. Je reste d’ailleurs un peu à l’écart, le temps de me remettre les idées en place. J’ai un peu de mal à me persuader que je suis vraiment au Québec… Puis, nous décidons de nos activités de l’après-midi. Par un temps pareil, il est impensable que nous restions cloîtrés dans la maison. MEG a très envie d’aller voir sa sœur et de partager avec moi les joies du patinage. Je suis d’accord, mais pas certain de ne pas finir en pièces détachées. J’espère que mes professeurs se montreront performants. Je n’ai pas envie de passer mon temps allongé par terre. Enfin, on verra…

La température est clémente, ce qui ne m’empêche pas de m’équiper chaudement. Le vent est là pour me rappeler que l’hiver est actif en cette région du globe… Je n’ai pas de patins ? Qu’importe, je prendrais les vieux de son père. Et ma grâce et mon élégance naturelles feront le reste ! Nous franchissons les quelques centaines de mètres nous séparant de Terrebonne, lieu de mes premières aventures glissantes. Là, nous retrouvons la petite famille avec les 2 enfants, dont le plus jeune dort sagement dans sa poussette. Et nous partons en direction de la patinoire publique, ouverte à tous et, bien sûr, en plein air. Tout d’abord, une séance de glissade s’impose (très peu pour moi, merci). Une belle descente sur la glace, assis sur une luge, et c’est parti ! Il faut être fou, ou québécois pour faire ça. Je me contente de regarder, me préparant mentalement à affronter les lames hostiles et rebelles qui doivent m’emmener tracer d’harmonieuses courbes et d’acrobatiques pirouettes.

Voici l’heure fatidique. Je dois avouer que j’ai déjà tenté, quelques année auparavant, de pratiquer ce sport. Mais, sans guide pour m’apprendre, je ne peux pas dire que j’ai patiné (en fait, je suis resté accroché à la rambarde…). Cette fois-ci, je ne pourrai pas me tenir à la rambarde : Il n’y en a pas ! Je m’en remets donc entièrement à MEG et aux autres. En plus il y a du monde, je vais essayer de ne pas être trop ridicule. Si je ne parle pas, personne ne remarquera que je suis français, mais dès que je vais mettre le pied sur la glace, cela va se voir… Enfin, allons-y. J’ai du mal à enfiler les patins, mais il paraît que c’est normal, que cela fait toujours un peu mal. Je suis mes professeurs de glisse et je m’approche, pas à pas, de la surface gelée qui nous attend. Attentif, je copie tous les gestes de Marie, m’arrêtant, sur les derniers tas de neige pour retirer les protections des lames. Une fois ces dernières retirées, le plus dur est de se relever. Le pied droit ayant tendance à s’échapper plus vite que prévu. Voilà, je suis debout. Seul sur la glace, immobile et tétanisé. MEG est déjà partie, elle passe derrière moi et me pousse de plus en plus vite. Immédiatement, c’est la panique à bord. Mon cerveau est submergé par les messages d’alerte que lui transmettent les récepteurs nerveux de mes sens désorientés. Rapidement, je finis assis dans la neige, soulagé d’être encore entier. Bon, allez, il faut que j’y retourne, mais en douceur. Je parviens à me remettre sur mes pieds et je commence à me laisser glisser, approximativement à la vitesse d’une tortue unijambiste. Mais cela va déjà trop vite pour moi… C’est à ce moment que les conseils de première urgence me sont prodigués par les québécois qui m’entourent. Immédiatement, mon style s’en trouve nettement amélioré. Par miracle, je ne tombe pas, malgré quelques figures spectaculaires. Peu à peu, je prends de l’assurance, pas au point de MEG, et surtout de sa soeur qui effectuent de belles arabesques, ni même de Cri, plus adepte d’un patinage de joueur de hockey, puissant et rapide. Mais, je suis presque fier de moi. Je suis bien meilleur que je ne l’aurais crû. Encore quelques années d’entraînement et je pourrais presque être à l’aise.

Au bout d’une longue séance, je commence vraiment à fatiguer, cela doit bien faire une heure que je fais travailler mes muscles d’une manière totalement inhabituelle. J’ai mon compte, apparemment, je ne suis pas le seul. Et puis, je n’ai pas chuté une seule fois : Je pense que je vais rester sur cette belle performance. Il est bientôt temps de rentrer. Marie part avec Cri faire ses dernières glissades de la journée pendant que je profite de l’occasion pour marcher dans la neige fraîche. J’aime cela, c’est fatiguant mais agréable. Je les rejoins ainsi et nous allons retrouver la famille. Nous devons tous aller manger à Lorraine. Après m’être allégé d’une partie de mes chauds vêtements et après avoir retrouvé un sol un peu moins glissant, je vais m’asseoir dans la voiture : Cela fait du bien ! Ensuite, nous partons tous vers le souper que j’imagine devoir être joyeux.

Lorsque nous arrivons, j’ai le plaisir de retrouver la mère de MEG. Comme en ce soir du 13 septembre 1998, la famille au complet est réunie. En attendant de souper, je regarde les photos de voyage des cousines en Europe. Elles sont bien réussies, même celles que j’ai prises, étonnant, non ? Ensuite, une discussion s’engage ayant pour sujet les différences entre le Québec et la France dans les domaines économiques. Les prix français étonnent l’assemblée, il faut dire qu’ils sont environ 20% plus élevés qu’au Canada : Cela commence à faire. Heureusement que nous avons le climat provençal. C’est sans doute notre seul avantage…

Le repas, comme toujours, est bon, gai et animé. Je me rends compte des progrès que j’ai effectué en québécois. Je ne suis quasiment plus perturbé par l’accent. Mieux, je le remarque de moins en moins, n’ayant plus à faire d’effort pour le comprendre, hormis certains mots, certaines expressions. Après le souper, je profite de quelques minutes de quiétude pour aller admirer la neige à travers la vitre de la cuisine, la véranda devrais-je dire. La vue est tellement merveilleuse. Un vrai conte de fées… Je rêve de pouvoir contempler un tel décor tous les jours, voilà bien l’idéal pour mon âme d’artiste, n’est-ce pas Miss Marie ! Cela surpasse la splendeur des plus beaux bijoux. Comment ne pas aimer ce pays après avoir vu les couleurs d’automne du Saguenay et la blancheur d’hiver des jardins ?

C’est tout heureux de ma journée que je pars me coucher, vaincu une fois de plus par le décalage horaire. J’ai l’impression d’être retombé en enfance et de vivre un de ces Noëls enneigés que ne connaît pas la Provence. Un Noël à la fin de janvier, un Noël ayant lui aussi subi le décalage horaire. C’est véritablement un inégalable cadeau que je me suis offert. Après toute mes hésitations, mes angoisses, maintenant je suis convaincu : J’ai eu raison de venir ici, et tort de ne pas l’avoir fait plus tôt !

JOURNEE SPORTIVE :

Je me réveille encore tôt, bien avant tout le monde. Je me sens encore envahi des courbatures de la veille. Je peux le garantir : Le patinage, c’est physique. Le père de Meg ne va d’ailleurs pas manquer de rire de mes courbatures… « Y’é pas fin ! » Finalement, je me rendors plus ou moins, jusqu’au moment où le bruit m’indique que la maisonnée se réveille. Je me lève donc, encore tout étonné d’être là. Si loin du soleil de ma Provence. Je pense à mes amis qui doivent se plaindre du froid, endurant péniblement les 10°C de moyenne… Aujourd’hui, la météo est encore clémente. Grand soleil et 0°C : Parfait !

Le programme de la journée est claire et limpide : Sport à toute heure. Pratique d’abord puis spectacle ensuite. Deux événements sont prévus. Une partie de Hockey au Centre Molson. Puis, le Super Bowl à la télé. Pas question de manquer l’événement. Impensable. Interdit ! Mais, tout d’abord, un petit tour sur la rivière des Mille-Îles, gelée et aménagée pour les sports d’hiver.

Seule ombre de la journée, et d’importance, MEG est malade. C’est bien dommage. Elle ne pourra pas participer à nos activités, j’en suis bien déçu. Nous partons donc sans elle vers la rivière. Une fois sur place, je constate que, pour une somme minime, on peut pratiquer au choix, le traîneau à cheval, le ski de fond, les raquettes, le patin à glace… Tout est fait pour que les gens s’amusent en toute tranquillité. Moi, je n’ai pas spécialement envie de me risquer de nouveau sur la glace, et puis mes muscles ne seraient pas d’accord. Je reste donc à marcher dans la neige et à observer le décor et la foule. Les enfants profitent eux des pentes pour les dévaler sur sa luge, empruntant avec joie les minis tremplins. Le temps est agréable et les familles sont nombreuses à profiter de ce beau dimanche, c’est vraiment un endroit relaxant. L’atmosphère est bon enfant et je me sens réellement bien à mon aise.

Nous rentrons vers midi. Il nous faut faire vite car le match est à 14 heures. Horaire spécial pour permettre aux spectateurs de rentrer chez eux ensuite voir le Super Bowl qui débute à 18 heures. On a juste le temps de manger et de partir en direction du centre de Montréal. Nous gagnons, lentement, le centre ville. La circulation est dense dans la métropole, et le match attire bon nombre de spectateurs. De plus, le Centre Molson est situé en plein cœur de Montréal, au milieu des immeubles. Il semble un peu perdu, sa hauteur étant insignifiante comparée aux hauts buildings. Mais, il faut savoir qu’il s’enfonce loin dans le sol, la patinoire en elle-même se trouvant à plus de 2 étages de profondeur. Contrairement à ce que je connais de Marseille, les stationnements sont pratiques et en quantité suffisante. Heureusement d’ailleurs, sinon nous ne pourrions arriver à temps à nos places.

Nous entrons dans l’arène au moment même où s’achèvent les hymnes nationaux (la rencontre oppose les Canadiens de Montréal aux Hurricanes de Caroline aux USA). L’enceinte est assez impressionnante, différente des stades que je fréquente de temps à autre, puisque les 22000 personnes sont confinées dans un espace très restreint. Nous nous installons et le match démarre immédiatement. En fait ; l’ambiance dans les tribunes ne m’enthousiasme pas exagérément, j’ai vu bien plus « chaud », mais du côté de la glace, là je suis époustouflé : Cela va vite, très vite. Impossible de suivre la rondelle en permanence. Et encore, j’ai quelques notions des règles et des stratégies de ce jeu, sinon, ce serait infernal pour comprendre quelque chose à ce qui déroule sous mes yeux. Le match étant diffusé en direct, la télévision est omniprésente. Les écrans géants permettent de voir les ralentis des meilleures actions et, également, de s’affranchir des zones d’ombres dues à la rambarde nous protégeant des palets perdus.

Les deux premières périodes sont relativement calmes. Il faut être honnête, ce n’est pas une grande rencontre. Mais c’est quand même un match professionnel, donc de haut niveau. Pendant les repos, je pars avec Cri visiter le complexe : Musée, boutique, restaurants… Le tout dans une organisation Nord-Américaine, propre et nette. Trop, peut-être ? En tout cas complètement à l’opposé de mes habitudes plus « Latines ». On pourrait discuter longtemps sur ce sujet, mais cela ne servirait à rien, je pense. Il y a du bon et du moins bon dans les deux ! Mais, la dernière période va débuter, le résultat est toujours de 0 à 0, il va bien falloir que les équipes se réveillent si elles veulent l’emporter.

Les dix dernières minutes rattrapent en actions et en émotions le reste de la partie. Grâce à une fin tonitruante nos favoris, les Canadiens de Montréal, l’équipe la plus titrée de tous les temps, s’imposent 3 à 0 dans l’enthousiasme que l’on peut imaginer. C’est une des rares victoires à domicile cette saison, mais elle a été le prélude à une bonne série. J’ai dû leur porter chance.. Non, je rigole ! En tout cas, moi j’ai de la chance, lorsque je suis allé à une rencontre sportive de haut niveau, mes favoris n’ont jamais perdu ! Cette expérience a été très intéressante. Le hockey c’est vraiment « l’fun ».

Il est 16 heures. Juste le temps de rentrer pour participer à la traditionnelle soirée du Super Bowl. Chips, ailerons de poulet, pizza et bières (ou soda) de rigueur. C’est un rituel qui fait même recette dans les éditos des journaux. Certains y voient l’opposition entre la culture populaire et la culture bourgeoise. Entre les « colons » et les snobs. Nous arrivons juste à temps pour continuer cette journée sportive. Il est de bon ton de se choisir un favori, si possible différent de son voisin de sofa pour animer un tantinet la soirée. Il faut dire qu’il y en a pour 4 bonnes heures de sport et de publicité. Il paraît même que certains ne regardent le match que pour découvrir les pubs créées spécialement pour l’événement. Bon alors, qui va gagner ? Les « Rams de Saint-Louis » ou les « Titans du Tennessee » ? Je penche plutôt pour les premiers, sans savoir vraiment pourquoi. Pourtant, le Tennessee devrait me rappeler des souvenirs musicaux lointains… Mais, Saint-Louis est un nom qui sied bien à mes oreilles de « maudit » français, alors…

La partie commence et, je dois l’avouer, ce sport finalement ne me passionne pas vraiment. Il est bien trop haché. Et, m’explique-t-on, il faut bien connaître les tactiques employées pour profiter réellement du spectacle. Au fur et à mesure des minutes, la maison se vide. Cri puis la sœur de MEG et sa famille nous quittent. Le premier pour retourner à Québec où je le rejoindrais en fin de semaine. MEG, tout juste rétablie diffère son départ et s’accorde une nuit supplémentaire à Lorraine : Elle partira tôt demain.

Pendant ce temps là, la partie continue et devient véritablement prenante dans les dernières minutes, le score étant très serré. Finalement, Saint-Louis s’impose. J’ai encore choisi les bons, j’aurais dû parier ! Ils gagnent à temps, juste avant que je ne sombre dans le sommeil. Je n’ai pas encore digéré le décalage… A mon grand plaisir, je suis invité à rester ici tout le temps de ma présence à Montréal. Je dois avouer que malgré mes hésitations, je ne voulais pas déranger, cela me fait extrêmement plaisir. Et puis, cela me permettra sans doute d’avoir des discussions intéressantes. Pour ce soir, en tout cas, pas de bavardages, je m’en vais dormir !

MONTREAL SOUS LA NEIGE :

Six heures du matin, je suis parfaitement réveillé. Je jette un coup d’œil à la fenêtre. Il a neigé cette nuit. Une couche supplémentaire de blanc a recouvert le paysage : C’est beau ! Je descends pratiquement au moment où MEG et sa mère quittent les lieux pour partir vers leurs labeurs respectifs. Rendez-vous est pris avec Marie pour Québec à compter de la semaine prochaine. Un peu plus tôt même, puisque je pense être là-bas dès vendredi, jour de son retour définitif chez elle.

Je me retrouve donc seul, attendant le départ du maître des lieux. J’en profite pour observer le magnifique décor qui s’étale derrière les vitres. Je feuillette le journal, histoire de prendre contact avec la vie quotidienne. Puis, je prépare, plus ou moins, mon programme. En fait, j’ai décidé, inconsciemment, de ne pas connaître une nouvelle fois la frénésie de mon premier séjour. Non pas que je n’aie pas aimé cela, mais j’ai juste envie d’autre chose cette fois-ci. De plus, le lundi est un jour où les lieux touristiques sont fermés. Donc je vais devoir me rabattre sur autre chose. De toute façon, il faut que je procède à la location d’une nouvelle voiture, mon contrat arrivant à son terme. Le temps que j’aille à Dorval et que je revienne à Montréal, la journée sera bien avancée.

Le père de MEG donne le signal du départ. Ce qui me donne l’occasion de procéder à mon premier déneigement de voiture. Il a bien neigé cette nuit. Je comprends les québécois qui râlent contre l’hiver au bout du deux ou troisième mois de neige et de déblaiements matinaux. Pour moi, c’est presque amusant. Je pars en respectant de mon mieux les conseils que l’on m’a donné : Ne pas rouler trop vite et faire attention, c’est glissant en maudit.

Après la location de mon autre voiture, une confortable Chrysler toutes options, je retourne au cœur de Montréal. J’y arrive presque à midi. Quasiment par défi, je décide de replonger dans la ville souterraine. Cette fois-ci je vais la vaincre ! Et puis, maintenant j’ai compris pourquoi je m’étais perdu les autres fois. Cela ne se reproduira plus ! Et, en effet, je ne me perds pas. Je sais, cela peut paraître bizarre comme endroits de visite, mais cela me donne, je pense, un bon aperçu de la population et des habitudes des montréalais. Je crois d’ailleurs qu’il n’y a pas de comparaison possible avec le reste du Québec. Ce sont deux mondes distincts, même s’ils sont très proches. Ils sont différents dans leur vie quotidienne mais unis par une très forte histoire commune. Les rivalités existent mais, au fond d’eux-mêmes, ils sont avant tout québécois. Et, j’en suis sûr, fiers de l’être.

Je m’arrête quelques minutes pour prendre un sous-marin (un sandwich pour les français incultes) et pour observer la foule. Le seul détail, mais est-ce seulement un détail ? C’est le fait que l’on m’adresse le plus souvent la parole en anglais. Pourquoi d’abord l’anglais ? Alors que, pourtant, partout les gens parlent français. Peut-être parce que les lieux sont fréquentés par de nombreux anglophones du monde des affaires. Je ne sais pas, mais cela me chagrine. Il parait d’ailleurs que l’usage du français a baissé d’environ 5% à Montréal au cours de la dernière décennie. Cela ne m’étonne que peu… Même si ce problème de langue semble être circonscrit à certaines zones bien délimitées. On sent bien là, la force de l’histoire. Français et anglais peuvent-ils vraiment fusionner en une seule et unique communauté ? Sans doute pas complètement. Enfin, à mon avis…

Bon, je pense, je pense… Mais l’heure tourne. Puisque j’ai une voiture et qu’il fait un temps agréable, -2°C, je vais profiter du soleil pour effectuer un petit tour de ville. Une idée me vient, si j’allais voir le circuit Villeneuve. Peut-être qu’il est ouvert. Je pars donc à travers les rues montréalaises en direction du pont Jacques Cartier qui mène à l’île Sainte-Hélène. Après moult détours qui me font, entre autre, découvrir un panneau indicateur intéressant pour l’habillage photographique de certaines œuvres musicales, je parviens enfin sur l’île. Ne trouvant plus le passage pour rejoindre l’île Notre-Dame, je repars vers le pont de la Concorde. Là, je suis sûr de moi. Je débarque sur le circuit. Je m’offre alors une petite séance de pilotage sur neige fort agréable. Je vais forcément un petit peu moins vite qu’une formule 1, mais les dérapages, les glissades et les trajectoires que j’effectue me plaisent bien. Ce qui est bien c’est que la route est déserte. Evidemment puisqu’elle ne mène nulle part ! Comme cela, maintenant, je suis prêt à maîtriser mon véhicule dans n’importe quelle situation hivernale.

Je retrouve le passage entre les deux îles, et je retourne sur l’île Sainte-Hélène. Elle est superbe cette île. Je l’avais énormément aimée en automne, je l’aime encore en hiver. Blanche et douce, calme et tranquille. Durant cette période, se déroule ici la Fête des Neiges, manifestation plutôt pour les enfants mais où l’on peut trouver un superbe château de glace et de nombreuses petites sculptures de glace et de neige. Je reviendrais ici demain prendre quelques photos, si le temps le permet.

Je tourne et je vire d’une île à l’autre, d’un pont à l’autre, d’une rive à l’autre, d’une rue à l’autre, m’imprégnant de l’atmosphère de cette ville, métropole de la Belle Province. Tant et si bien que l’heure de rentrer à Lorraine est venue. La circulation est dense et je dois bien compter une heure de route. Je pars donc, la radio entonnant incessamment toutes les chansons à la mode. Il y en a de très bonne. Je vais faire le plein de disques ! Allez, direction Lorraine.

J’arrive après avoir enduré de longs embouteillages. Bien content de retrouver des personnes de connaissance. Je suis bien fatigué, je prends juste le temps de manger et je monte m’affaler sur le lit. Je n’ai même pas la force de regarder la télévision c’est un effort trop contraignant ! Je tente de mettre un itinéraire au point pour demain puis je m’endors gentiment, sombrant dans de beaux rêves blancs et purs…

DU JARDIN BOTANIQUE AUX MUSEES D’HISTOIRE :

Mardi matin, il a encore neigé. De nouveau la corvée de déneigement ! Mais, je n’ai rien à dire, je l’ai voulu, oui ou non ? Malgré ces pelletées matinales, je reconnais que la météo est, une fois de plus, clémente. Bien éloignée de l’idée de terrible rudesse que je me faisais avant de partir. Même si mes observations via Internet m’avaient rassuré en partie. Le soleil se montre encore et toujours présent, faisant régner une agréable lumière sur le paysage blanc. Ce matin, mes objectifs se situent sur l’Est de Montréal : Quelques photos à la Fête des Neiges puis une promenade bucolique au splendide Jardin Botanique, devant lequel je suis passé hier et qui me semblait toujours aussi accueillant.

Pour commencer, je me perds. Je ne sais pas ce qu’il me prend, mais je m’engage sur une sortie d’autoroute au nom réjouissant : Côte-de-Liesse, confondant sans doute avec une rue que je croyais connaître. Le temps de me remettre dans le droit chemin, je perds une heure et demi avant d’atteindre le centre ville : Une éternité ! Bon, de là je n’ai qu’à gagner l’île Sainte-Hélène. J’y arrive, me gare et descends dans la neige fraîche. C’est fou comme j’aime gambader là-dessus, ou plutôt là-dedans. J’ai dû être ours polaire dans une vie antérieure (d’ailleurs, j’en ai presque conservé le poids…) ! Je me rends sur le site de la fête. C’est réellement mignon, ce château fort fait de blocs de glace et ces sculptures pullulant sur le devant. J’ai juste le temps de prendre mes photos qu’un monsieur vient me prévenir que l’entrée est payante mais que c’est fermé pour l’instant. Il me prie de bien vouloir partir. Oups ! Désolé… Avant de reprendre la voiture pour aller au Jardin Botanique, je contemple le décor, ce centre ville toujours aussi proche, et pourtant si loin, et le Saint-Laurent charriant indifféremment les navires de commerce et les plaques de glace. Une vue qui comble mon imaginaire nourrit d’étés quasi perpétuels.

D’un tour de roue, je gagne le Parc Olympique. Je sors de la voiture et je sors de la ville… Dieu que ce chemin me plait. Je suis entouré d’arbres, des centaines, des milliers d’arbres. En été, cela ressemble à un jardin fleuri. L’hiver venu, c’est une vraie forêt ! Toutes sortes d’espèces prolifèrent : Sapins, ifs, bouleaux, cyprès, ormes, hêtres, thuyas, mélèzes, épinettes et, bien évidemment, les légendaires érables. Les passants sont rares et je me trouve presque seul dans ce bois nordique. De temps à autre, un skieur passe, empruntant les pistes de ski de fond qui traversent le parc et disparaissent à l’horizon. Horizon très proche, si proche que je ne vois plus aucune des constructions, pourtant si peu éloignées. En quelques pas, j’ai plongé dans le désert blanc. Enfin, blanc et vert. Et puis pas si désert que cela non plus, les oiseaux et les écureuils foisonnent. Des écureuils qui, pour certains, n’hésitent pas à s’approcher de moi. On ne sait jamais, je pourrais avoir de la nourriture… Je ne connais pas la taille exacte de ce jardin extraordinaire, mais il me faut plus d’une heure pour en faire le tour, en marchant à bonne allure.

Lorsque je reviens à mon point de départ, je me dirige vers la bibliothèque, autant pour me reposer que pour me réchauffer. Car, malgré les –5°C et le soleil, le vent qui souffle par intermittence est un peu frisquet. J’y découvre une biographie de Gilles Vigneault très instructive. Ce n’est pas un arbre, mais ses racines sont profondes et puissantes ! Ensuite, une fois ma lecture achevée, je pars déjeuner. Je réserve l’après-midi aux musées d’histoire. Les deux que je n’avais pas eu le temps de visiter la première fois. Les musées Mc Cord, rue Sherbrooke, et le château Ramezay, dans le Vieux Montréal, tout près de l’hôtel de ville. De quoi satisfaire mon insatiable curiosité !

Le repas me donne l’occasion de déguster mon premier muffin : Miam ! Je repars ensuite sur la rue Sherbrooke, en direction du musée Mc Cord. Une partie de celui-ci est consacré à une exposition de photos. Certains clichés sont spectaculaires, tels le palais des glaces construit vers 1890 pour le Carnaval et qui dépassait les 15 mètres de hauteur, et les images de la ville après de violentes tempêtes de neige tout au long du siècle : Impressionnant ! Le reste est une galerie d’objets divers ayant tous rapport avec l’histoire des montréalais. Pour la plupart, ce sont des objets usuels : Poêles, raquettes, vêtements, qui ont permis aux immigrants de s’adapter aux dures conditions climatiques de cette terre de froidure. Voilà donc le but de ce musée : Raconter la vie et les changements d’habitudes, au fil des âges, des habitants de l’île de Montréal. Tant dans leur vie quotidienne, leurs moyens de transport que leurs loisirs, etc… En parlant de loisir, parmi les jouets rassemblés se trouve une espèce de Baby-Foot, mais dédié au hockey, cela surprend. Il y a aussi une salle réservée aux amérindiens, comme dans la plupart des musées québécois. Et, comme toujours, cette partie m’intéresse particulièrement. A signaler, une initiative originale : Celle d’avoir collecté des objets ayant appartenu à des montréalais et les exposer avec un texte retraçant leur histoire et celle de leur propriétaire. Je trouve cela assez émouvant.

Mais, j’ai encore des tas de choses à voir. Je quitte donc le centre-ville et je pars dans le vieux quartier. Le château Ramezay était la demeure du gouverneur de Montréal à l’époque française. C’est une belle bâtisse bien restaurée et bien entretenu, située à deux pas de la superbe place Jacques Cartier, la place de l’hôtel de ville. Le château, un nom un peu prétentieux pour une maison améliorée, abrite un musée qui concerne lui aussi l’histoire de Montréal. De la découverte au XIXème siècle. Dans de nombreux domaines, aussi bien l’habitât que la politique ou l’urbanisme. On y trouve des meubles, des décorations, des journaux d’époques … Je dois me dépêcher de faire la visite car le musée doit fermer bientôt. Tiens, ils vont tourner une émission télévisée avec un musicien qui s’installe et accorde son instrument. Je l’entends au loin et cela semble être une espèce de cornemuse. Je prends, malgré tout, le temps de tout lire, ou presque, car les explications et les documents sont, pour beaucoup, forts intéressants. Mais, l’heure vient où je dois quitter les lieux.

Dehors, je m’en vais faire un tour vers le vieux-port, transformé en une gigantesque patinoire à ciel ouvert. Je reconnais l’endroit : Il est une des vedettes d’une caméra reliée à Internet. Hé ! Je passe en direct sur le réseau, bonjour le monde… La nuit tombe. Les uns après les autres, les éclairages se mettent en action et illuminent le décor. La place Jacques Cartier est véritablement sublime ainsi. Tous les arbres brillent et les lumières se reflètent sur la neige, superbe ! C’est une vision quasi féerique, avec l’hôtel de ville en arrière plan. Je n’ose qu’à peine imaginer ce que cela doit être au moment des fêtes, lorsque le nombre des décorations atteint son maximum. Cela doit être absolument somptueux ! Cela me désole, mais il va falloir que je m’arrache à ce beau paysage : Il est temps que je rentre à Lorraine. Vu l’heure qu’il est, je serais certainement en retard pour le souper. Mais, bon, le paysage que je vais retrouver là-bas n’est pas non plus des plus laids… Depuis mon arrivée au Québec, cette province est un véritable plaisir pour mes yeux comblés par tant et tant de beauté.

En effet, on mange tôt le soir ici, vers 18 heures, et j’arrive à presque 19, après m’être sorti des inévitables embouteillages. Tant pis pour moi. Je mangerais seul dans mon coin… Je crois que j’ai réussi enfin à digérer le décalage horaire. Je tiens le coup jusque tard et peux ainsi préparer activement ma prochaine journée : C’est décidé. Puisqu’il va encore faire beau, je monte au Mont Royal ! Je sens que je vais me régaler…

MONT ROYAL ET BIODÔME :

Le soleil, le merveilleux soleil est de nouveau de la partie. Comme tous les matins, je prends mon petit-déjeuner devant la fenêtre, mon regard se perdant au milieu de l’étendue blanche. Comme tous les matins également, j’attends le départ du père de MEG pour entamer mon marathon quotidien (un petit, tout petit marathon…). Nous profitons de ces quelques minutes pour discuter ensemble. Ce matin, le sujet sont les taxes réciproques de nos deux pays, ainsi que la différence de niveau de vie, de l’ordre de 10 à 20%. J’apprends de la sorte bon nombre d’informations sur le Québec, renseignements toujours très intéressants pour un incorrigible curieux tel que moi. Et puis, cela pourrait m’être, peut-être, fort utile un jour, qui sait ?

Vers neuf heures, nous partons vers nos occupations respectives. Malgré un petit vent « vivifiant », je décide de grimper au Mont Royal. Je ne peux pas rater cela, la vue et le décor y sont si incomparables ! Toutes radios allumées, je retourne au cœur de la métropole. Une fois de plus, je cafouille un peu mon itinéraire, mais je parviens à me situer malgré tout et j’arrive au pied du mont, au lac aux castors pour être précis, relativement rapidement. Avant de sortir de mon cocon automobile je m’équipe sérieusement. Il fait froid aujourd’hui…

Je prends mon courage à deux mains, à deux gants devrais-je dire, et je descends. O fan de putan, y fait frêt en maudiiiiiiiiiiit ! Heureusement que je vais marcher, cela va me réchauffer. Je m’engage sur le chemin du chalet, avançant dans la neige, patinant involontairement par moment. D’accord, il fait froid, mais c’est tellement beau que cela le vaut bien. Je marche, croisant des courageux en ski de fond et d’autre, encore plus courageux, en train de courir ! Le paysage est radicalement différent en hiver, pas question d’emprunter les sentiers détournés : Il me faudrait des raquettes. Je parviens sur l’esplanade du belvédère. Le centre ville s’offre de nouveau à moi, habillé de son manteau de neige, exhalant le souffle vaporeux des chaufferies centrales. Au loin, le Saint-Laurent en partie gelé s’écoule lentement, sans heurt. J’ai l’impression de contempler une carte postale du temps des fêtes de fin d’année. Cependant, à ma grande joie, je suis moi-même dans la carte, petit point du décor, isolé au milieu de l’immensité. Je pars ensuite vers la croix, que je n’avais pas vu la dernière fois, ayant pris le sentier de l’escarpement actuellement impraticable. Sur ma route, je croise des écureuils venus se nourrir autour des mangeoires installées par les employés municipaux. Mon passage ne les dérange pas le moins du monde, comme ceux du Jardin Botanique. Tout juste s’arrêtent-ils une seconde pour me jeter un rapide coup d’œil, puis ils reprennent leur activité comme si de rien n’était. Je marche longtemps, abrité du vent glacial par les arbres et la montagne. Puis, je reviens à mon point de départ, accompagné par les nombreux oiseaux qui peuplent agréablement cette forêt intra-muros.

Dès que je sors de l’abri des arbres, je gèle littéralement. La voiture n’est guère loin, 1 kilomètre tout au plus, mais cela me laisse le temps de sentir le froid mourir, non pas « au cœur de chaque bière », comme dirait Charlebois, mais au cœur de mon visage, seule partie un peu découverte. Lorsque j’arrive enfin, je ne sens plus mes pommettes ni ma bouche. Je suis complètement frigorifié et il me faut plusieurs minutes avant que je ne me remette de mes émotions. Pourtant, il ne fait que -10°C aujourd’hui. Simplement, les rafales de vent font facilement baisser tout cela à - 20°C… Mais, bon, cela méritait bien l’effort que je viens d’accomplir : Que c’est beau !

Après cela, je crois qu’il est sage de rester à l’intérieur. Pourquoi pas dans la forêt, tropicale celle-ci, du Biodôme ? Aussitôt pensé, aussitôt fait ! Au moins, là, j’aurais chaud. Je parviens au stade olympique et je me gare sur le stationnement prévu pour les visiteurs du site. Pour l’anecdote, on me remet à mon entrée sur le parking, une note d’information me disant de bien fermer ma voiture, un vol se produisant toutes les 12 minutes au Québec ! Quand on pense qu’à Marseille il doit s’en produire un toutes les trente secondes… Je franchis difficilement les mètres me conduisant à l’entrée du Biodôme, les bourrasques de vent soulèvent une véritable pluie de neige me cinglant au visage… Bienvenu dans l’hiver, Monsieur RV !

Je ne vais pas revenir très longuement sur la visite du Biodôme, déjà largement traitée dans un précédent épisode de l’épopée d’un maudit français au Québec. C’est toujours aussi bien fait et aussi agréable à voir. Un peu de nature dans un lieu où on ne l’attendait pas. Un raccourci climatique extrêmement bien réalisé. Je ne regrette pas d’y être retourné, c’est à la fois reposant et instructif. En revanche, je ne recommande pas le café-restaurant… J’y mange parce que c’est plus pratique, mais c’est relativement cher et pas vraiment intéressant gustativement. Même si, à l’heure où je me présente, le choix est assez restreint. Le reste n’a pas l’air de meilleur goût. Mais, bon, c’est déjà mieux que rien.

Je regarde l’heure, il est un peu tôt pour rentrer, mais un peu tard pour envisager une quelconque activité culturelle. Ayant mes appareils photos sur moi, je décide de retrouver le panneau indicateur de lundi et d’aller l’immortaliser sur ma pellicule. Je repars donc et je me mets à sillonner les rues innombrables. Les kilomètres défilent, les minutes aussi, et je ne parviens pas à le retrouver. Pourtant, il est là, tout proche… Bon, cela me permet de visiter de fond en comble Montréal. Maintenant, je suis un expert en orientation métropolitaine. Finalement, je suis contraint d’abandonner. Je reviendrais demain, si j’arrive à me souvenir d’un détail me mettant sur la bonne piste…

Je m’en vais donc à Lorraine. J’y arrive un peu tôt et je dois attendre devant la porte, tant pis pour moi, je n’avais qu’à mieux organiser mon emploi du temps. Finalement, tout rentre dans l’ordre et je peux me réchauffer après cette froide journée. J’admire une nouvelle fois le terrain enneigé et la piscine dont seule l’échelle trahie l’existence. Le père de MEG, (un peu fatigué de l’hiver ? Peut-être un peu.) me dit qu’il se félicite d’avoir cette piscine et qu’il a envie de pouvoir en profiter… Puis, nous en venons en parler des écureuils, je ne sais pas pourquoi d’ailleurs, et il me raconte l’histoire de MEG et de son petit écureuil qui venait tous les jours la voir et qui, au fil du temps, en est venu à monter sur sa jambe pour y manger des peanuts. Jusqu’au jour où il a grimpé sur la table pour manger directement dans les assiettes… Ce jour-là les parents ont dit : Stop ! Une bien belle histoire, n’est-ce pas ?

Demain sera mon dernier jour à Montréal, je dois donc y faire tout ce que j’ai besoin : Magasinage, et dernières visites importantes. Je ne reviendrais que dans une semaine, pour prendre l’avion.

COSMODÔME :

Je me réveille, bien au chaud. Incroyable ! Le soleil est encore et toujours au rendez-vous. Je suis chanceux ou quoi ? Il faudra que je me renseigne sur ce sujet ce soir avec Camille et Le père de MEG. Aujourd’hui, c’est vraiment un super soleil, un méchant soleil de fou ! La météo prévoit –12°C pour la journée, mais sans vent ou presque : Parfait !

Pour cette dernière virée montréalaise, je me suis concocté un programme magnifiquement étudié. Je vais aller du plus loin au plus proche, logique, non ? Ma première mission, si je l’accepte, est de remplir le réservoir de mon véhicule automobile à moteur thermique. Mon « char », quoi ! Je pense ne pas avoir de problème, cela doit être comme partout… Erreur ! Même là il faudrait un mode d’emploi. Au bout d’une poignée de minutes, au moment où j’allais partir demander de l’aide, l’employé de la station sort et me demande « Vous êtes français ? » La honte ! Et oui, comment l’avez-vous devinez ? Il fallait juste soulever la petite poignée sous le pistolet de la pompe. C’est simple, une fois que l’on a vu la chose. Tout ça pour de l’essence. Enfin, bon, l’important c’est d’y arriver.

Ensuite, je décide de me rendre dans les différents magasins de la ville souterraine et de surface pour y effectuer quelques menus achats. Comme à mon habitude, je stationne dans le même parking, tant et si bien que les employés commencent à me connaître et me demandent mes impressions de français sur Montréal. Que leur dire sinon que c’est bien, que le Québec est l’image même de ce que j’aime ? Puis, je replonge dans la ville souterraine que maintenant je maîtrise sur le bout des chaussures. En effet, je ne m’y perds plus, je pourrais presque servir de guide ! Je suis fier de moi. J’ai envie de m’acheter des disques, pleins de disques et une bonne dose de bouquins, surtout sur l’histoire québécoise et la culture amérindienne. Par goût et par besoin, dans le cadre d’un futur roman de science-fiction franco-québécois. Pour cela, j’ai deux noms en têtes : HMV et Indigo. Dans le premier je trouve mon bonheur musical. En plus j’ai le droit à un disque gratuit pour dix achetés. Il faudra que je revienne pour profiter de cette réduction. Dès que j’aurais une idée pour les deux prochains artistes qui rejoindront ma collection de CD. Dans le second magasin, j’y trouve une ambiance particulière, une ambiance Jazz. De la musique calme est diffusée pendant que les clients prennent un café ou toute autre consommation en lisant le livre de leur choix. Cela ressemble un peu à la FNAC mais version classe supérieure, un peu moins populaire. J’y déniche plusieurs livres dont un magnifique sur Montréal. Tout ce que je voulais.

Avant de m’en aller au Cosmodôme, je fais un ultime tour dans la ville intérieure, Place Ville-Marie, Place Montréal-Trust, superbe vraiment, Eaton, la Baie… A toute heure les couloirs sont animés. C’est à se demander d’où vient tout ce monde.

Enfin je ressors. Je me souviens maintenant, presque avec certitude, de l’emplacement du panneau Hochelaga que je veux photographier. Je m’offre donc un dernier tour de ville pour le retrouver. Je ne me suis pas trompé. Il est bien là. Je le couche sur ma pellicule et je m’engage une nouvelle fois sur la rue Sherbrooke, direction autoroute 15 Nord.

C’est terminé pour Montréal ou presque. Ma prochaine visite se fera lors de mon prochain voyage. Un voyage proche et prochain. Je suis drogué au Québec, il me faut ma dose régulièrement. Je prends la route de Lorraine, puisque le Cosmodôme est sur le chemin et je quitte la ville. L’entrée du Cosmodôme est inratable : Une fusée trône sur le parking, visible à plusieurs kilomètres depuis l’autoroute. Je me gare devant, au plus près, la température s’est faite plus fraîche car le vent s’est relevé un tantinet. Mais cela ne me dérange pas, puisque je vais passer l’après-midi à l’intérieur.

Je pénètre dans le musée de l’espace et je commence la visite. On est jeudi et je suis absolument seul. J’ai l’espace pour moi, rien que moi. Finalement, spectacle audio-visuel inclus, je passe presque 5 heures à visiter et, presque, tout voir. C’est immense et passionnant. On aborde ici tous les sujets ayant un rapport avec l’exploration spatiale. De la science aux communications en passant par l’écologie. C’est vraiment très bien fait et extrêmement intéressant. Peut-être que pour un touriste qui découvre le Québec, cette visite ne s’impose pas, en plus elle dure fort longtemps. Mais pour quelqu’un que la science attire il n’y a pas à hésiter. On peut même y voir une véritable roche lunaire ou parler à distance simplement grâce à un procédé naturel de réflexion sonore. Comme je suis seul, je prends le temps de parler à la caissière avant de m’en aller. Je lui confie mon envie de Québec et elle me souhaite bonne chance, m’indiquant même quelques pistes sur lesquelles me pencher. Une après-midi parfaite même si, faute de temps, je n’ai pas dîné. Je me rattraperai ce soir.

Le soir arrive vite d’ailleurs. Je regagne Lorraine pour ma dernière nuit dans mon premier B&B familial. Les fameux B&B Godin : Ils méritent bien leurs quatre étoiles ! Je mange seul avec le père de MEG qui me raconte son enfance à Montréal et qui m’explique la face cachée et un peu sombre de la ville. Malgré son calme, elle abrite une étrange population de pègre et de mafia. Rien n’est parfait dans ce monde. Mais, c’est bien beau quand même, vraiment beau. Puis, nous parlons des autres pays, ceux qui sont touristiques mais pauvres. Et, on se dit que l’on a quand même de la chance de vivre là où l’on vit.

Ensuite, on m’invite à regarder Virginie, un feuilleton quotidien qu’une majorité, paraît-il, de québécois suit avec attention. En plus, cette série qui met en scène des professeurs parlent en ce moment d’un échange avec des français, professeurs eux-aussi. Cela m’intéresse de savoir quelle image ont les québécois des français. Je me doute un peu du résultat mais je suis curieux de la chose. En fait je découvre, impression confirmée par une émission musicale un peu plus tard dans la même soirée, qu’ils font un amalgame entre français et parisiens. Ce n’est pas tout à fait la même chose. Déjà que les français sont râleurs, mais alors les parisiens… Il faudrait leur dire que Paris c’est pas la France ! Enfin, je m’énerve pour rien… En tous cas, je pense que, malgré tout, ils nous aiment bien quand même. Même s’ils ont un peu de mal, je crois, à appréhender les différences qui existent entre les français. Au Québec, la seule différence qu’il peut exister est entre les montréalais et les autres. Mais, en fin de compte se sont tous, avant tout, des québécois (je parle des francophones, bien entendu). En France, on a souvent d’abord une appartenance régionale. Après tout, certaines régions sont françaises depuis moins longtemps que le Québec existe. Et je ne parle pas de l’éternelle et immense rivalité entre régions et Paris. Ce sont presque deux mondes à part.

Bon, il est temps de faire mes bagages et de m’en aller coucher. J’ai passé une bonne semaine à Montréal. Je ne regrette vraiment pas d’être venu à Lorraine. J’ai ainsi pu profiter pleinement de la vie québécoise. Même si mes parents m’ont dit au téléphone qu’il faisait 15°C à Marseille aujourd’hui. J’aime autant les glaces du Québec que le soleil de Provence. En plus, renseignements pris, le climat est toujours comme cela : Froid certes, mais très ensoleillé. Le mauvais temps très froid est rare, et ne dure qu’un jour ou deux… « C’est pas pire » ! Il paraît même que des belges en vacances au Québec ont dit préférer cet hiver froid et ensoleillé au leur, si souvent gris.



Pour la suite : Cliquez ici