UN MAUDIT FRANCAIS EN HIVER
|
SIX
MOIS DATTENTE
AOUT 1999 :
Bon, ben voilà. Jai acheté mes billets. Je savais que je le ferais un jour, il ne me restait plus quà franchir le pas. Première victoire sur ma timidité, il y en aura bien dautres. Je men vais, seul, sans savoir à quoi mattendre. Je suis le nouveau Cartier, le nouveau Champlain. Mais, moi, jai lavantage de connaître les lieux Il ny a que le climat qui minquiète. Enfin, on verra bien dici là.
Cela fait maintenant plus dun mois que les « Deux plus merveilleuses québécoises du monde » sont reparties. Depuis ce jour-là, je savais que jallais les revoir rapidement. Leur venue avait renforcé, si tant est quil en fût besoin, mon désir de menvoler une nouvelle fois vers les rives du Saint-Laurent. Un désir très fort et tenace qui me tenaillait et se nourrissait de tant et tant de souvenirs. Je me suis donc décidé et, après une recherche patiente et attentive sur Internet, jai déniché un vol peu « dispendieux », avec une compagnie réputée qui plus est.
Dans ma tête, une foule de détails mencourage à retrouver le Québec. Une multitude dimpressions et de sensations diverses et variées. Tout dabord les gens. Ces québécois avec qui je métais immédiatement senti en confiance. Une gentillesse remarquable, et puis, un accent, cet accent qui charme mes oreilles. Je ne sais pas pourquoi Peut-être ai-je été un compagnon de Jacques Cartier dans une vie antérieure ? En tout cas, jadore les québécois. Même si, bien entendu, ils ont leurs défauts, leurs mauvaises habitudes, mais cela ne me gêne guère. Leurs qualités me comblent indubitablement.
Ensuite, au fond de ma mémoire subsistent des images gravées à jamais. Les gratte-ciel de Montréal, ses parcs et ses rues animées. La ville historique de Québec, lîle dOrléans, merveille de douceur, et les forêts, et les rivières : La vie, tout simplement.
Je suis tombé amoureux du Québec. Dois-je en avoir honte ? Certainement pas. Dois-je men cacher ? Certainement pas. Ceux qui ne peuvent pas comprendre sont à plaindre. Cest si bon de trouver un endroit qui nous ressemble !
SEPTEMBRE 1999 :
Un an ! Cela fait un an que jai découvert la Belle Province. Douze mois déjà écoulés et je nai rien oublié, absolument rien. 52 semaines de plus dans ma vie et pas grand chose de neuf. Juste dans mon cur une passion à peine voilée pour un bout de Terre, « quelques arpents de neige » au nord de lAmérique. Douze mois passés et quatre autres à venir, je doute un peu : Ai-je eu raison de me lancer dans une telle aventure ? Partir seul, sans idée précise de ce que je vais trouver en cette saison, de ce que je vais faire. Cest pourtant contraire à mon caractère et à ma personnalité. Suis-je devenu fou ? Je métonne moi-même. Enfin, on verra bien, ce nest pas la peine que je mangoisse si tôt. Je ne dois que savourer ce voyage que jespère extraordinaire. De toute façon, il ne pourra pas être raté. Ce pays est si beau !
NOVEMBRE 1999 :
Fin novembre : Il neige. Peut-être est-ce un signe. Loccasion pour moi de mhabituer au manteau blanc canadien. Daccord, ce ne sont pas 5 centimètres, 5 malheureux centimètres, qui vont changer les collines provençales en parc naturel québécois. Dautant plus que tout commence à fondre au bout dune demi-journée. Mais ce nest pas si mal pour une Provence peu habituée à de tels assauts hivernaux. Encore moins en cette période de lannée. Inédit !
DECEMBRE 1999 :
Alors, faisons le point. Je commence à être équipé pour mon départ. Je nai quà attendre les soldes de début dannée pour compléter ma garde-robe dhiver. Ce mois-ci va être le temps de reprendre concrètement contact avec MEG et MD. Dune part parce que cest lanniversaire de la première et, dautre part, que les fêtes de fin dannée sont le moment de manifester son amitié aux personnes qui nous sont chères.
Je sais que je vais les voir toutes les deux. Jespère que jaurais le temps de vraiment renouer les liens, je crois agréables, que nous avons tissés au cours de leur « méchant voyage de fou ». Je sais quelles travailleront mais, il devrait subsister suffisamment despace pour que lon reprenne nos fructueux échanges intellectuels. Je lespère vraiment.
JANVIER 2000 :
Cela arrive ! Les mois se sont fait semaines, les semaines maintenant sont devenues jours. Et voici le décompte final qui samorce. Cette fois-ci, mon sac est prêt. Jai acheté de quoi avoir chaud, sans doute ai-je pris trop de choses, mais je ne suis malgré tout pas rassuré. Enfin, jai fait de mon mieux et, si jai encore trop froid avec tout ce que jemporte, mon cas est désespéré Bon alors, je refais linventaire : Bottes, gants, bonnet, blouson, pulls, veste « polaire ». Tout à lair dy être ! Voilà même loccasion de tester la doublure en fourrure de mon blouson de cuir. Elle qui vient de passer presque 8 ans dans mon placard, elle va enfin avoir loccasion de servir
Je suis passé chez le cousin JP pour récupérer son sac à dos, ce qui va me permettre davoir une plus grande liberté de mouvement. En forçant un peu, je parviens à tout faire tenir dans mon sac de voyage et dans le sac à dos. Les affaires sont un peu tassées, et il y a fort à parier quil en sera de même au retour. Même si les petits cadeaux destinés à mes hôtes québécois auront disparu, dautres les remplaceront, cela paraît inéluctable. Mais, après tout, les voyages servent aussi à cela. A se faire plaisir, et à faire fructifier lartisanat touristique des pays visités.
Ces derniers jours, mon Email a connu une recrudescence, inhabituelle, dactivité. Apparemment, les cousines québécoises se sont inquiétées de mon silence. Elles désirent en savoir plus sur mes projets imminents. Il faut dire que MD est de garde à lhôpital, ce qui entraîne une organisation serrée de son emploi du temps, et MEG doit me loger. Il est vrai quil serait préférable quelle sache quand Javoue humblement que je suis en pleine improvisation. Je me dois de réagir pour ne pas créer une vague de confusion à mon arrivée sur le sol québécois.
Heureusement, ces messages sont porteurs de nouvelles allant dassez à très bonnes. Tout dabord, MEG devrait être chez elle lors de ma venue, et pas, comme elle la craint un instant, à lautre bout du Québec pour un travail tombant fort mal à propos. Il semble maintenant quelle en aura fini pour la deuxième semaine de mon séjour. Voilà donc une première ébauche de programme. Je profiterais de Montréal en arrivant, puis de Québec pour finir. Ensuite, je me vois convié à un match de Hockey, et du plus haut niveau : La ligue professionnelle nord-américaine, rien que ça. Cest certain que je ne peux refuser une telle offre ! Cela va être lfun. Enfin, on me propose un hébergement de luxe en banlieue de Montréal. Je ne sais pas encore si je vais accepter. Je ne voudrais pas abuser de la gentillesse omniprésente.
Je reconnais que cet afflux de messages, affirmant un plaisir certain de me revoir (jespère ne pas me tromper ), me fait énormément chaud au cur. Cela fait toujours du bien de se sentir apprécié, nest-ce pas ? Et même si, au fond de moi, ma timidité me demande encore ce qui a bien pu marriver pour mengager dans une telle aventure, je suis content davoir su vaincre, pour une fois, mon satané caractère.
26 JANVIER 2000 :
Les heures passent lentement Heureusement, jai un but qui me permet de prendre mon mal en patience. Ce soir, je suis en vacances. Ce soir, je range définitivement mes affaires de voyage dans mes sacs et la machine à rêver se remet en marche.
Demain matin, à laube, avant laube même, je menvole pour retrouver les morceaux de moi que jai abandonnés un soir de septembre. Je men vais me reconstruire pour deux semaines. Non, pas réellement me reconstruire car je laisserais dautres morceaux de moi ici Disons que je vais réveiller une autre partie de mon âme qui attendait patiemment que je vienne, tel un prince charmant, lui donner le baiser qui la ramènerait à la vie. Mon âme au Québec dormant ! Je vais retrouver lambiance particulière des aéroports. Cette ambiance de rêves en transit. Mon impatience grandit.
Je rentre chez moi. Je procède à une dernière et ultime vérification. Bagages, billets, tout est là. Je rassemble les documents qui vont me permettre de me guider au cours des quinze prochains jours. Je consulte la météo québécoise. Par chance, le froid intense sen va en même temps que jarrive. Il a fait 45°C à Québec, en plein vent, cette semaine. « Il gelait au cerveau », ma dit MEG. Je veux bien connaître le froid canadien, mais jaimerais bénéficier dune période dadaptation Enfin, il est trop tard pour reculer. Jai voulu voir par moi-même, et bien je vais voir ! Tout ce que je demande cest un peu de soleil et une température qui me permette derrer à mon gré dans les rues et les parcs de Montréal. A part cela, je suis prêt à supporter à peu près tout.
Je me couche, mais
jai beaucoup de mal à mendormir. Je suis trop nerveux.
Je mimagine déjà menfonçant joyeusement
dans la neige et respirant lair vif de lhiver. Je me sens
comme un enfant qui regarde par la fenêtre la neige tomber dans
la cour. Et qui na quune envie : Sy rouler sans se
soucier du froid. Jai hâte de découvrir le pays blanc
de mes rêves. Québec, à nous deux !
|